Vous n’avez pas suivi la première partie de la CAN ? Ce n’est pas grave, voici pour vous une séance de rattrapage, le bilan de la phase de groupe.

Comme prévu, la phase de poule a tenu toutes ses promesses. Des golazos, des danses, des larmes, des arrêts incroyables, quelques surprises, mais surtout la défaillance du pays organisateur, du tenant du titre, et de l’auto-proclamé favoris algérien (0 victoires à eux trois). Retour sur ces 10 premiers jours de compétition.

Ce qu'il faut retenir

Seulement quelques favoris au rendez-vous

Parmi les favoris qui ont tenu leurs rangs, les Black Stars du Ghana qualifiés dès la deuxième journée. Les coéquipiers de Dédé Ayew et Asamoah Gyan n’ont marqué qu’à deux reprises, mais ils ont affiché une sérénité évidente durant leurs matchs. La défaite contre les pharaons égyptiens lors de la dernière journée est anecdotique, même si elle les prive de la première place. Qu’importe l’adversaire était dans les deux cas un gros calibre. Au lieu du Maroc, ce sera donc les Léopards de la RDC.

La RDC justement est sortie première de la poule des coaches français avec Florent Ibengue, le Congolais, aux manettes. Exit le Togo de Claude Leroy (3-1), exit la Côte d’Ivoire de Dussuyer (2-2), seul reste le Maroc d’Hervé Renard pourtant battu d’entrée (1-0). Les léopards qui continuent sur leur lancée de 2015 (3ème) ont pu compter sur la révélation du Tournois Kabananga. Va-t’on revoir le « Fimbu », danse qui ponctue chacun de leurs buts ? Pas évident. Mais ils pourront de toute manière sortir la tête haute de cette compétition et seront de nouveaux favoris dans 2 ans, tant les ressources dont ils disposent semblent infinies. Il y a dans cette sélection de bons joueurs à recruter, car aucun n’évolue dans un top club. La preuve qu’une équipe sera toujours plus forte qu’un ensemble d’individualités (Toc toc l’Algérie).

Les Lions de la Teranga ont surpris beaucoup de monde en sortant invaincu du premier tour. Ils ont écœuré la Tunisie, puni le Zimbabwe et anéanti les dernières illusions algériennes. Sadio Mané affiche une grande forme et a déjà marqué deux buts dans la compétition. La « supporting cast » qui l’entoure répond présent. L’équipe parait très équilibrée avec une colonne vertébrale intraitable (Koulibaly, Kouyaté, Mané), et des joueurs qui font le taf autour (Saivet, Keita Baldé, Idrissa Gueye, Mbengue, Mbodji). Le duel des Lions contre les indomptables du Cameroun ne sera pas simple, mais cette équipe a tout pour aller dans le dernier carré, et même rêver du titre.

Des outsiders convaincants

S’ils pouvaient nourrir des ambitions légitimes avant la compétition, la Tunisie et l’Egypte peuvent en avoir des encore plus grandes à la sortie de leurs poules. L’Egypte monte en puissance et l’inexpérience de la CAN (absence depuis 2010) semble s’estomper au fil des matchs. Mohamed Salah a marqué et délivré une passe décisive, mais à l’image de son équipe, on peut (doit) s’attendre à en voir encore davantage à partir des quarts de finales. Pas de chance pour eux, ils devront continuer à jouer sur la pire pelouse de la compétition, puisque leur quart de finale est programmé à Port-Gentil où ils ont déjà joué 3 matchs de poule. Un avantage avant d’affronter le Maroc ? (À l’heure d’écrire ces lignes, on parle d’une délocalisation probable dans une autre ville).

La Tunisie est encore au rendez-vous des quarts de finale. La victoire dans le derby maghrébin contre l’Algérie a galvanisé davantage les Aigles de Carthage qui ont un ¼ de finale abordable contre le Burkina. Les anciens Abdenour et Msakni sont au rendez-vous. Le petit nouveau Sliti a fait très forte impression. Il a dû supporter la punchline du premier tour avec un journaliste algérien qui l’interpelle (« on t’as donné la femme, laisse-nous la victoire » - ilest marié à une Algérienne), mais le Montpelliérain est gourmand, il a marqué sur penalty et n’as rien laissé au pays de sa belle-famille. Les Tunisiens ont beaucoup marqué (6 buts, soit autant que le Sénégal et la RDC co-meilleures attaques). Ils devront poursuivre avec le même réalisme s’ils veulent passer le quart contre le Burkina, et tourner enfin la page du vol de 2015 (voir le paragraphe sur l’arbitrage)

Les jeunes Camerounais surprenants

Voilà une des bonnes surprises de cette CAN. Les Camerounais, qui sont arrivés avec une équipe remaniée et très jeune, ont su répondre présent dans le match au sommet de cette phase de poule contre le Gabon. Dans un mélange de puissance et de technique qui les caractérise, les Lions Indomptables ont su se qualifier alors même que leur coach Hugo Broos peine à trouver la bonne formule pour son onze de départ. De bon augure avant la prochaine CAN qui se déroulera chez eux.

Renard sacripant

Hervé Renard à un définitivement un truc. Toujours vêtu de sa chemise blanche impeccablement cintrée, le technicien français a retourné la presse marocaine qui le condamnait à l’exil au bout du premier match. Au final, il se qualifie en éliminant sa Côte d’Ivoire. Malgré la cascade d’absences Mbark Boussoufa a pris le jeu en main et cette équipe est tellement dangereuse sur coups de pied arrêtés qu’elle peut aller très loin. Seulement le ¼ sera contre l’Egypte pour un duel Nord-Africain. Hervé Renard aurait sans doute préféré tomber sur le Ghana qu’il connaît très bien (c’est là où a démarré son aventure africaine), mais il devra attendre une éventuelle finale pour ça.

Des petits pas si petits

Dans la lignée de l’euro 2016 qui a vue briller de « petites » nations (Hongrie, Islande, Irlande...), cette CAN a vu les petites équipes, Togo, Ouganda, Zimbabwe et Guinée Bissau tenir la dragée haute aux gros. Même si au final aucun n’est qualifié, ils ont tous ramené un point au terme d’un match référence. Le Zimbabwe qui aurait pu battre l’Algérie (2-2), la Guinée Bissau contre le Gabon (1-1), l’Ouganda qui n’a encaissé que 3 buts, et le Togo qui a mis la Côte d’ivoire dans un sacré pétrin en les tenants en échec sur le match d’ouverture. À confirmer lors des prochaines éditions, mais les petits ne le sont plus réellement.

La surprise du chef : la fin de l’arbitrage à domicile?

Durant toute la compétition, l’arbitrage a été très propre. Surtout dans le match le plus corruptible Gabon – Cameroun. Ces soupçons sont justifiés suite à la jurisprudence Guinée Equatoriale – Tunisie en quart de finale 2015, lorsque Balboa avait égalisé sur un pénalty inexistant dans les arrêts de jeux avant de faire la différence en prolongation. Cette fois-ci, il n’en a rien été. Bien sûr le Gabon ne s’est que rarement introduit dans la surface de réparation, mais quand il l’a fait à la 90ème minute et que le joueur est tombé suite à un très léger contact, l’arbitre n’a pas sifflé le penalty que tout le stade attendait. Peut-être la preuve que l’on en a fini avec ces histoires. La CAF sortira grandit de cette évolution, et l’ensemble du football africain pourra enfin faire confiance à l’arbitre.

Les déceptions

Le tenant du titre et le pays organisateur sans victoire

Voir tomber le pays organisateur est rare (dernier en date en 1994), qu’il soit accompagné dans sa chute par le tenant du titre, encore plus ! Cette CAN 2017 rentre donc déjà dans les annales. Le Gabon n’a jamais paru en mesure de pouvoir se lâcher, à part leur jeune novice Bouanga (dont on vous parle plus tard). Preuve que les visites répétées du président Bongo ont davantage mi la pression qu’elles n’ont motivé les joueurs. Aubameyang a été inexistant, lui qui devait porter son peuple vers la réconciliation. Deux buts pour lui, mais à l’image de Mahrez, deux buts qui cachent la fadeur de ses prestations. Une compétition à vite oublier.

La Côte d’Ivoire est partie se préparer à Dubaï. Un non-sens quand on sait qu’ils joueront leurs matchs au niveau de l’équateur avec des chaleurs similaires à Dubaï, mais un taux d’humidité qui nécessite plusieurs jours d’adaptation. Au final, un match nul contre l’équipe la plus faible d’un groupe de la mort. On a vu mieux comme entame. Dussuyer a modifié son onze de départ lors de chaque match, que ce soit devant ou au milieu. Preuve qu’il a du mal à trouver la formule entre l’ancienne génération symboliser par Kalou, qui a annoncé sa retraite internationale à la fin du dernier match, et la nouvelle. Serge Aurier mériterait un paragraphe à lui tout seul. Le parisien a voulue tout faire sur le terrain. Résultat, à vouloir être partout, il n’était nulle part. Très peu de centres vers Bony, alors que sur le papier cela semble être un schéma préférentiel. Il a voulu tirer les coups francs, placer sa tête dans la surface, être le héros. Au final il a été zéro. Son retour à Paris lui fera du bien, il n’est pas encore prêt pour être la star de cette équipe.

Pour l’Algérie, il faudrait retenter sa chance en 2019. Les médias français ont dû suffisamment en parler pour développer leurs parcours... une désillusion imputable à la fédération et à l’incapacité de stabiliser un entraineur depuis coach Vahid. C’est bien de dénicher des internationaux, mais il faut surtout les encadrer.

Les performances du Mali peuvent se résumer au slogan publicitaire de pirelli : "sans maitrise, la puissance n'est rien"

Côté extra sportif, la qualité des pelouses très moyenne est le principal bémol de cette compétition. Difficile de s’attendre à mieux quand on sait que deux stades ont été inaugurés il y a 15 jours. Seule la pelouse de Franceville était à la hauteur. En victime collatérale, le jeu, mais surtout les joueurs avec un nombre important de blessures (Lemina, Ecuele Manga, Pitroipa, Musonda, etc...)

Explication des stades vides

La CAN est une compétition qui se vit à l’échelle du continent africain, pas du pays qui l’organise. Les déplacements de personne d’un pays à l’autre pour l’événement ne sont pas possibles comme pour un Euro ou un mondial. Mais cela n’empêche pas qu’elle est suivie sur tout le continent. Même les pays qui n’y participent pas retransmettent les matchs sur leurs chaînes nationales. Certains ont même installé des Fanzones. La CAN est une compétition très populaire, attendue. Encore plus que le mondial, qui ne laisse participer que 4 pays du continent (et souvent les mêmes).

Pour expliquer les stades vides, il ne faut pas être détective. Le Gabon est un petit pays avec une population très faible (il y a plus d’expatriés occidentaux que de gabonais !). Mis à part les communautés africaines présentent sur place, peu de monde vient assister aux rencontres. Le gouvernement avait réduit le prix des places, mais cela n’a pas suffi. Quand il s’agit des matchs des Panthères ce constat n’est plus valable. Mais l’organisation à peut être fait une erreur en programmant à 16h le match des panthères. Cela ne laissait que peu de temps après la fermeture des bureaux pour rejoindre le stade. Avec en plus une seule voie d’accès au stade, il y a rapidement eu des embouteillages. Ce qui explique qu’il fallait attendre la deuxième mi-temps pour voir les gradins remplies. Comme par hasard, quand ils ont joué à 20h pour le dernier match, le stade était plein avant le coup d’envoi. De là à dire que l’appel au boycott n’a pas été entendu ? Libre à chacun de se forger sa propre opinion. 

Le coin des bonnes affaires

Kabananga est incontestablement le meilleur joueur de la phase de poule de cette CAN avec 3 buts (1 dans chaque match) et 1 passe décisive. Il ne devait pas être de l’aventure, mais la blessure de Bolasie a poussé le coach Ibengue à sélectionner le joueur parti se perdre du côté d’Astana au Kazhakstan. Bien lui en a pris, puisque ses célébrations avec le désormais célèbre « Fimbu » devraient rapidement devenir le tube de cette CAN.

La seule satisfaction côté panthères du Gabon est Denis Bouanga. Le joueur de Lorient prêté en L2 à Tours a fêté ses 3 premières sélections lors de cette CAN 2017. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a fait bonne impression. Même si ses statistiques n’affichent qu’une passe décisive dans le match d’ouverture, elles ne reflètent pas ses performances tant il s’est procuré de nombreuses actions qu’il n’a pas converties mais qu’il a eu le mérite de se créer. Il a été le seul joueur gabonais qui ne semblait pas tétanisé par la pression. Il aurait pu être le héros de tout un peuple, mais la barre, le poteau et le gardien Koffi (Burkina) l’en ont empêché. Preuve de son audace, c’est lui qui tente « l’action du penalty » dans les arrêts de jeu du match décisif contre le Cameroun. La fougue de la jeunesse.

Le warrior zimbabwéen Billiat aurait pu inscrire le but du tournoi, et un des buts de l’année, si sa volée effleurée par Rais M’Boly n’avait pas fracassé le poteau. Il a prouvé durant cette compétition qu’il a des qualités techniques et de vitesses qui devraient lui permettre de viser plus haut que les Mamelodi Sundowns où il joue actuellement (vainqueur de la dernière ligue des champions de la CAF). On l’imaginerait bien en Espagne ou son style de jeu collera parfaitement avec le championnat.

Préjuce Nakoulma a été un l’artisan principal de la qualification des étalons. Le joueur de Kayserispor en Süper lig Turque n’était pas titulaire au début de la compétition. La blessure de Pitroipa à l’entame du deuxième match lui a permis d’avoir beaucoup de temps de jeu, qu’il a su mettre à profit avec un but et une passe décisive. Bien entouré par les frères Traoré, il sera déterminant dans la suite du parcours de la sélection Burkinabaise.

Il y a toujours eu de très bon gardien africain, dont le dernier représentant est le nigérian Enyama. Cette CAN a également permis à certains de montrer leurs qualités. Si on s’attendait à voir Onyango, ce sont plutôt les jeunes Ondoa et Koffi qui se sont illustrés. À eux deux, ils ont précipité les chances des panthères. Le Camerounais en repoussant une frappe les fesses par terre, le Burkinabais en repoussant un tir de Bouanga.  À chaque fois dans les ultimes instants...de quoi laisser couler quelques larmes d’émotion, comme pour le jeune Ondoa qui a quand même réussi l’exploit de laisser Kameni et N’dy Assembe à disposition de leurs clubs. La relève des Thomas Nkono, Joseph-Antoine Bell et autre Songo’o est assurée.

Les affiches des quarts

Samedi : Burkina Faso – Tunisie et Cameroun – Sénégal

Dimanche : Ghana – RDC et Egypte - Maroc

Les bonbons du premier tour

Golazo de Piqueti

But d’Alioui

Parade d’Ondoa à la 90ème contre le Gabon

Billiat vs M’Bolhi

La passe géniale de Salah à la 90ème contre l’Ouganda

Les buts d’Ouganda – Mali

Pierre-Marie Gosselin
Pierre-Marie Gosselin
Amoureux du football et de ses tribunes, supporter inconditionnel des Girondins de Bordeaux et de ses ultramarines, je me suis pris d’une affection toute particulière pour le football africain. Là-bas le foot a pris le nom de « sport roi », et c’est un euphémisme tant il étend son royaume au-delà des ethnies, des classes sociales, des générations et des genres.