20 bonnes minutes, un but, et plus rien. Les Aigles de Carthage n’ont pas eu les ressources pour se remettre de l’énorme défaillance physique qui les a complétement éteint, dans le jeu et dans l’intensité. Le coaching volontairement défensif de Missaoui, qui voulait compenser cette usure, l’a accentuée. Le Mali, plus en jambes, n’a pas refusé l’offrande et concrétisé sa longue domination (2-1) pour atteindre le dernier carré du CHAN. Les 4 matchs des tunisiens auront néanmoins été riches en enseignements : Il y a eu du bon, du moins bon, certains joueurs ont marqué des points, et on a eu la confirmation que le calendrier démentiel du championnat n’a pas favorisé les A’ pour aborder la compétition de manière optimale.

Ce Tunisie-Mali en quart de finale du CHAN est une parfaite illustration de la fable du lièvre et de la tortue. A la différence près que le lièvre traînait la patte avant même le début de la course, et a vidé ses batteries dès le premier sprint.

En effet, fidèle à ses intentions de faire une grosse entame, le onze de Missaoui a étouffé les maliens d’entrée, avec un pressing haut et un jeu rapide où les montées d’Ali Maaloul sur son côté gauche ont servi de point d’ancrage. La double ligne de 4 dressée par les hommes de Djibril Dramé laissait paradoxalement des espaces un peu partout, que le meneur de jeu Saad Bguir a exploités comme il voulait, en se baladant sur tout le front de sa zone préférentielle, autour des 25 mètres.

Le but et les 2 situations dangereuses sont venus de ballons initiés par le milieu offensif de l’EST : l’enchaînement crochet-centre pour la tête de Moncer qui fait mouche, les une-deux avec Maaloul qui ont mis la défense adverse hors de position.

Le football tunisien étant ce qu’il est, on a attribué tout d’abord le recul du bloc à cette allergie à l’avantage au score qui touche toute équipe du pays, quelque soit sa catégorie d’âge et quelque soit le club. Le fait que le Mali reprenne la main et commence à se montrer dangereux ne constituait donc pas une surprise.

Panne sèche, des changements discutables

Le retour des vestiaires a permis de comprendre que cet attentisme folklorique n’était cette fois-ci pas volontaire. Les joueurs étaient totalement cuits. Les sorties de Moncer et Bguir ont transformé une équipe fatiguée mais avec encore un soupçon de créativité en une équipe fatiguée qui n’avait plus que son courage à opposer à des maliens de plus en plus fringants au fur-et-à mesure qu’on avançait dans la seconde période. 5 défenseurs, 3 milieux défensifs pris de vitesse par les percées de Dieng et Coulibaly, et deux attaquants isolés (Akaichi et Essifi) destinés à cavaler derrière des longs ballons. Cette configuration passive a condamné la Tunisie et l’entrée en jeu tardive de Khalil n’y changera rien.

La propension de Mathlouthi à prendre des courants d’air dans son couloir ne fera que précipiter les choses. Si les 2 buts viennent de la droite (l’action du pénalty et le but de Diarra) le Mali aurait pu en inscrire 2 de plus sans les interventions de Jeridi.

Sans être nécessairement géniaux, les Aigles d’en face ne se sont pas gênés pour profiter de l’aubaine et achever une bête éreintée qui n’avait plus de ressources pour résister.

A l’heure de faire le bilan, il est difficile de blâmer qui que ce soit à part les instances du foot tunisien, qui ont eu la bonne idée de charger le calendrier à fond en programmant 7 journées de championnat en 20 jours juste avant le début de la préparation du CHAN. Ce calendrier démentiel a provoqué les blessures de quelques éléments importants (Khenissi, Ben Youssef, Lahmar) et mis les autres dans le rouge physiquement à l’orée d’une compétition de 3 semaines.

Le sélectionneur adjoint a alterné des choix frileux et des choix osés, comme contre le Nigéria où il a joué le tout pour le tout très tôt dans le match. Il aurait pu choisir de reposer ses pièces maitresses durant la phase de poules en instaurant un turnover et en donnant du temps de jeu à Mbarki, Rejaibi ou en utilisant Oueslati un peu plus. Missaoui n’a pas eu le luxe d’être qualifié après 2 rencontres, et ce turnover n’a pas pu être effectué.

Certains joueurs ont gagné des points, Akaichi et Bguir en tête. Maaloul continue ses prestations subliminales d’ailier gauche, Derbali a été vraiment très inquiétant, les milieux défensifs ont livré des prestations extrêmement neutres. Jeridi a tenu la baraque. Tout n’est donc pas à jeter.

Mais cette élimination précoce est tout de même une contre-performance majeure, et tout ce qui n’a pas fonctionné avec les A’ (choix, utilisation des joueurs, préparation physique, systèmes de jeu) doit être analysé avec précision, dans le but de mettre les A dans les meilleures dispositions avant les échéances importantes à venir, les qualifications de la CAN 2017 en tête.

Farouk Abdou
Farouk Abdou
Actuellement à E-management, passé par Echosciences Grenoble, Le Dauphiné Libéré, Sport Translations et Tunisie foot, Africain volant pour Lucarne Opposee