Universitario de Deportes accueillait son grand rival l'Alianza Lima pour le compte de la neuvième journée de Clausura. Le soleil était le premier invité de ce 261e Clásico (en championnat depuis 1928) disputé aux prémices du printemps austral permettant ainsi des conditions idéales pour assister a ce match pas comme les autres au stade Monumental.

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Un Clásico ça se gagne

Que ce soit en Europe, en Asie, en Afrique ou en Amérique, un Clásico, ça se gagne. Peu importe la manière, peu importe les séquelles, seul le résultat compte. Entre le beau jeu et le résultat, le joueur de Clásico aura vite fait son choix. Du président au jardinier en passant évidement par le supporter, tout le monde sera sur la même longueur d'onde au moins pour ce match. La date est cochée depuis longtemps et les victoires et défaites des précédentes journées tombent dans l'oubli le temps d'un week-end. L'objectif de tous est de battre le rival pour l'humilier et ne pas être humilié. Pour ajouter encore plus de piment, le résultat de ce match définissait l'équipe qui allait prendre la tête du championnat. Au match aller, Univesitario l'avait emporté à Matute, sur le terrain de l'Alianza qui devra coûte que coûte prendre sa revanche. Alors une grande fête est préparée. Les services marketing et communication des deux clubs mettent les bouchées doubles et travaillent d'arrache pied pour rendre l’événement encore plus grand. Les chaines télévisées et radios du pays préparent leurs émissions et leur couverture spéciale durant cette semaine de Clásico. Les débats n'en finissent pas et s'invitent rapidement au sein de la population : au travail, dans les écoles, dans les bars, etc... La population liménienne se divisent alors entre Cremas et Aliancistas où chaque groupe aime faire rappeler à l'autre une victoire, une défaite douloureuse ou encore un but mémorable. Au fil de la semaine, on voit fleurir dans la rue, les magasins, les transports, des maillots de la U et de l'Alianza. Puis arrive enfin le septième jour de la semaine, le jour J, le jour de Clásico.

Arroz con leche

Aller à un Clásico à Lima, ça se mérite. Si prendre les transports en commun est une option à écarter définitivement, il faut trouver un taxi acceptant de braver l'épouvantable trafic liménien et à un prix correct. Ensuite, le dernier kilomètre se fait généralement à pied au milieu de la hinchada crema avec cette sensation irréelle d'être emporté par un courant puissant vers cette masse volumineuse de béton et d'acier qui s'élève au milieux de collines désertiques. Comme son nom l'indique, le stade est monumental et l'absence de bâtiments aux alentours le rend encore plus impressionnant. Aux alentours, se rassemblent les vendeurs ambulants de maillot, bonnets et autres produits dérivés estampillés « Universitario » mais aussi les immanquables vendeurs de sandwich en tout genre et de desserts. La spécialité en ce jour de Clásico est le riz au lait avec de la mazamorra (crème faite à base de maïs violet), la combinaison des deux représente les couleurs des deux clubs : crème pour la U et bleu pour les blanquiazules. Il ne reste malheureusement plus de temps pour apprécier les joies culinaires d'avant-match, le coup d'envoi est sur le point d'être donné. On entre donc, attiré par les chants qui s'élèvent de ce colosse de béton, pour prendre place en tribune.

Une impressionnante marée crème a envahi les tribunes, le stade entier est acquis à la cause des cremas, aucune parcelle n'a été habilité pour le camp rival sous ordre de la préfecture de police afin de maintenir une sécurité maximum. Après un joli recibimiento, les deux onze se positionnent sur le terrain. En 4-3-3 pour la U avec un trio offensif composé de Hohberg, Osorio et du panaméen Quintero, tandis que l'Alianza évolue en 4-4-2 avec Balboa en pointe et Federico Rodríguez en « faux neuf ». Le jeune prodige blanquiazul, Kevin Quevedo, occupe l'aile droite. L'homme en noir siffle un début de match couvert par les applaudissements et les chants des quatre tribunes. Le stade va une première fois trembler lorsque Kevin Quevedo allume la première mèche des vingt mètres mais voit son tir fuir le cadre. Quelques minutes plus tard, sur un contre éclaire, l'Alianza se présente à quatre contre trois défenseurs cremas mais Salazar joue mal le coup en remisant au deuxième poteau sur Federico Rodríguez qui se trouvait hors jeu alors que Quevedo arrivait plein axe ne l’était pas. Grosse frayeur une fois de plus dans les tribunes du Momumental qui gronde avant de pousser un soupir de soulagement. C'est alors que Quintero délivre la U suite à un magnifique travail d'Alejandro Hohberg dans la surface blanquiazul. Pedro Gallese dévie légèrement le centre d'Hohberg trompant sa défense qui réagi trop lentement alors que Quintero déboule plein axe pour envoyer une mine au fond des filets du portier de la sélection nationale. Le stade entier laisse exploser sa joie. On joue la 24e minute et la U mène au score devant son rival. Rival qui donnera tout pour trouver la solution mais la tactique défensive de la U est impeccable et parfaitement organisée obligeant les blanquiazules à frapper de loin mais à chaque fois hors du cadre. La première mi-temps s’achève sur ce score d'un but à zéro pour les locaux sous les applaudissement et les encouragements des spectateurs.

On en profite pour filer au buffet presse, rarissime au Pérou, pour échanger et écouter les avis des journalistes locaux sur cette première mi-temps. Si nos confrères se déchirent sur un penalty qui aurait dû être sifflé ou non pour une faute d'Aldo Corzo sur Felucho Rodríguez, ce buffet les a tous réconciliés. La deuxième mi-temps est très disputée avec un avantage toutefois pour Universitario qui a su gérer son avantage et contenir les assauts de l'Alianza Lima tout en se procurant de belles occasions. Mais c'était un match d'un but, un but fatal qui permet à la U de remporter ce Clásico dominical et prendre seul la tête du championnat. Au coup de sifflet final, une explosion de joie envahit le stade et c'est tout le staff technique ainsi que plusieurs journalistes qui se ruent sur le terrain comme un soir de titre. L'ambiance est réellement impressionnante et digne d'un Clásico sud-américain. Avec ce genre de match, le Pérou montre une nouvelle fois qu'il est un pays de football, un pays où l'on perd la raison pour le sport roi. Nous avons la chance de pouvoir également fouler la pelouse de ce stade mythique dans cette ambiance si particulière d'une victoire de Clásico. C'est au moment de sortir du stade que l'on tombe nez à nez avec Don Hector Chumpitaz, le capitaine de la sélection péruvienne des années soixante-dix et quatre-vingts et véritable légende vivante du club Universitario où il entraine les jeunes. Une fois dehors et pour bien terminer cette folle journée, nous nous arrêtons pour manger un arroz con leche mais servi sans mazamorra.

Romain Lambert
Romain Lambert
Parisien expatrié sur les terres Inca, père d’une petite franco-péruvienne, je me passionne pour le football de Lima à Arequipa en passant par Cusco. Ma plus forte expérience footballistique a été de vivre le retour de la Blanquirroja à une coupe du monde après 36 ans d’absence.