Première session de la triple fecha sud-américaine. La tension monte d’un cran alors que l’on entre dans la deuxième moitié des éliminatoires et que l’affaire pourrait être déjà quasiment réglée pour certains.
Par Jérôme Lecigne et Pierre Gerbeaud
Avec soixainte-neuf matchs, le Gran Parque Central est le stade uruguayen ayant le plus hébergé la Celeste depuis ses débuts derrière le Centenario. La dernière fois, l’Uruguay était composé de Mazali, Nasazzi, Arispe, Andrade, Fernández, Gestido, Urdinarán, Héctor Castro, Petrone, le dandy Anselmo et Arremón. L’Uruguay était champion du monde en titre et se préparait pour le devenir à nouveau un an plus tard dans le stade en train de se construire à quelques centaines de mètre de là, le Centenario. Ce soir du 20 septembre 1929, l’Uruguay dominait l’Argentine (2-1) dans le cadre de la Copa Newton. Quatre-vingt-douze ans plus tard, alors que le Centenario est en travaux pour recevoir les différentes finales des coupes brésiliennes (Libertadores et Sudamericana), la Celeste retourne dans un des lieux les plus importants de son histoire.
Il n’y a pas eu de surprises dans la liste de Tabárez avec surtout les retours des deux cracks en attaque, Luis Suárez et Edinson Cavani. Le perdant de l’histoire est Maxi Gómez, qui n’a pas été assez tranchant quand il en a eu la chance contre le Pérou et qui n’est pas rappelé, alors que revient aussi Darwin Núñez et qu’Álvarez Martínez est de nouveau appelé. Durant les quelques entraînements préparatoires, il semblerait que le Maestro mette Cavani sur le banc pour la rencontre contre la Colombie et gère ainsi l’effectif dans la perspective des deux autres chocs à venir contre le Brésil et l’Argentine à l’extérieur. L’Uruguay a l’une de ces journées internationales les plus dures possibles avec donc, après la réception de la Colombie, les déplacements en Argentine et au Brésil. Pourtant, le match pour commencer est le plus important car une victoire contre la Colombie permettrait à l’Uruguay d’avoir dix-huit points après dix journées et un matelas assez confortable, même en ayant en perspective des défaites chez les deux grands (des défaites qui sont loin d’être certaines). C’est donc ce soir que se joue beaucoup de choses, et l’Uruguay a plutôt un historique positif contre la Colombie en éliminatoires, avec la victoire à l’aller 3-0 mais aussi des victoires lors des derniers Uruguay-Colombie en éliminatoires (2-0 avant 2014, 4-0 avant 2018). Une victoire assurerait un chemin tranquille à l’Uruguay alors que tout autre résultat entraînerait le retour de la calculette pour compter et recompter les petits points jusqu’au graal, une quatrième qualification de suite.
Wellington Ortiz est le buteur de la seule victoire colombienne en Uruguay pour des éliminatoires pour un Mondial. C’était le 5 juillet 1973. Ramener les trois points de Montevideo serait donc un immense exploit, surtout avec la mauvaise nouvelle venue du Brésil et la blessure de Miguel Borja. L’attaquant du Grêmio a été obligé de déclarer forfait pour cette triple journée et c’est une vraie épine dans le pied de Reinaldo Rueda puisque l’ancien attaquant de l’Atlético Nacional est le meilleur buteur de la Colombie dans ces éliminatoires. Pour le remplacer, la solution la plus logique serait Radamel Falcao, le nouveau buteur du Rayo Vallecano arrive plus en forme que lors de la dernière et il reste un des leaders de ce groupe. Pour ce match, le sélectionneur colombien a cherché à brouiller les cartes toute la semaine et a testé deux schémas. Un premier avec une milieu renforcé avec trois joueurs, dont Éder Balanta. Le joueur de Bruges était la surprise du chef et son excellente forme rend plausible une titularisation. Un deuxième plus classique avec Juan Fernando Quintero en meneur de jeu. Bien malin celui qui peut donc donner le onze de départ de la sélection cafetera, surtout avec huit joueurs sous le coup d’une suspension (Ospina, Muñoz, Tesillo, Barrios, Cuellar, Cuadrado, Díaz et Roger Martínez) ce qui pèse forcément sur la décision de Rueda. Contre un adversaire qui a clairement ciblé ce match, la Colombie doit s’inspirer du dernier affrontement entre les deux équipes lors de la dernière Copa América pour éviter de rentrer les mains vides de sa première visite de l’histoire au GPC et de laisser filer son adversaire du soir au classement.
« N’interrompez pas la série ». Tel est le vœu prononcé par Olé au moment de présenter le déplacement du champion sud-américain au Paraguay. Après la défaite de l’Italie en UEFA Nations League, l’Argentine ne veut pas suivre le mouvement et sait très bien qu’une parfaite gestion de la triple fecha d’octobre lui ouvrirait les portes du Qatar. Une Argentine en confiance, comme le rappelle son rival du jour, Eduardo Berizzo « Je crois que l’Argentine a gagné en confiance avec la victoire en Copa América. Si ses joueurs sont toujours les mêmes, ils ont éloigné la pression qui pesait sur leurs épaules », sûre de ses forces et surtout sûre de son onze, même si Lionel Scaloni tente tant bien que mal de créer un semblant de suspense : « L’équipe n’est pas encore totalement confirmée, mais ce sera à 99% celle de la finale de la Copa América ».
La grande question au pays des Guaraníes est donc de savoir comment lutter face à un géant désormais armé d’une telle confiance. La réponse de Toto Berizzo est simple : en s’appuyant sur des certitudes. « Nous sommes à mi-parcours, nous sommes sixièmes, nos possibilités de qualification sont proches, il faut prendre des points et donc bien jouer, avec conviction, décision. Nous devons préparer nos matchs avec l’envie de les gagner, nous avons une grande opportunité ce jeudi de démontrer qu’après avoir vaincu le Venezuela, nous pouvons battre une équipe qui nous devance. Nous sommes une équipe difficile à manœuvrer, dynamique, qui a lutté droit dans les yeux face à des sélections importantes. Nous connaissons nos forces. Notre planification se fait match après match. Nos joueurs s’adaptent aux difficultés qui se présentent. Pour nous, ce match est comme les autres : un match où nous devrons déstabiliser l’adversaire, mettre la pression, le plus haut possible pour éviter qu’ils contrôlent la rencontre, utiliser le ballon de la meilleure des manières ». Un sélectionneur qui, comme son compatriote, dispose de son effectif au complet, Miguel Almirón et Carlos González faisant leur retour. De quoi lutter à armes égales face à une sélection contre laquelle les Guaraníes ont accroché le nul lors de plus de la moitié des duels d’éliminatoires (dix en dix-neuf matchs)
Seize victoires et un nul. Tel est le bilan du Brésil face au Venezuela en éliminatoires. Alors que la Seleção n’a aucun rival à sa taille, le déplacement au Venezuela ne s’annonce pas comme une difficulté insurmontable. D’autant que si Tite doit faire sans Neymar et Casemiro, il récupère sa légion anglaise alors que de son côté, Leo González continue de compter les absents : Salomón Rondón, Yangel Herrera, Yordan Osorio, Jefferson Savarino et Josef Martínez ne seront pas là. Qu’espérer dans de telles conditions ? « Nous allons affronter un rival compliqué. On va essayer d’être disciplinés, on connait leur potentiel et nous ne pouvons l’ignorer. Nous allons essayer d’attaquer, l’équipe n’aborde pas le match comme perdu d’avance, cette équipe va essayer de le gagner ». La mission s’annonce délicate mais l’actuel intérimaire – dont l’avenir n’est pas encore véritablement défini, González bottant quelque peu en touche en rappelant la richesse de l’effectif à disposition et parlant de progression de son groupe – se veut rassurant : « Je suis satisfait de ce que nous avons produit lors de la dernière fenêtre internationale. Malheureusement, les obstacles ne nous permettent pas d’avoir une équipe au sommet de sa forme et changer de système tactique est très difficile ». Les obstacles sont ces blessures et forfaits qui ne cessent de frapper la sélection depuis la crise de la COVID-19 : « Nous savons qu’ils [les absents] pourront jouer lors des prochains matchs et nous espérons qu'ils se rétabliront à 100%. Ceux qui sont à 100 % de leur forme pour l'équipe nationale doivent venir en équipe nationale, c'est le plus important. Nous leur souhaitons un prompt rétablissement et le moment venu, peu importe avec qui ils seront, ils seront toujours les bienvenus car nous savons qu'ils ont beaucoup donné à notre football ». De la bonne langue de bois qui vise donc au mieux à cacher, au pire à nier les nombreux problèmes qui frappe une sélection qui sera définitivement hors course si la triple fecha se passe mal.
Tout l’opposé donc d’un Brésil qui est déjà quasiment officiellement qualifié – à trois points des fatidiques vingt-sept points habituellement requis. Un Brésil qui arrive avec une grande tranquillité et commence même à insuffler quelques nouveautés dans son onze, la présence de l’olympique Guilherme Arana semblant en être une à prévoir. Pour le reste, les « Anglais » sont de retour, Tite précisant rapidement qu’il était « hors de question » de les libérer avant la fin des trois journées. Le Brésil continue donc sa large revue d’effectif et surtout, Tite évoque assez clairement l’idée de se donner de nouvelles possibilité tactiques, l’inclusion de Gerson dans le onze aux côtés de Lucas Paquetá et Everton Ribeiro (hommage à Flamengo) derrière le duo des Gabriel offrant une autre possibilité d’animation, plus centrale, que celle avec Neymar et Richarlison dans les couloirs. Le Brésil prépare déjà Qatar 2022.
Quatrième à mi-parcours, l’heure est venue pour l’Équateur de rester dans la bon wagon. D’autant qu’à l’heure de recevoir la Bolivie, qui joue probablement ses derniers infimes espoirs, un coup d’œil sur les statistiques suffit à donner de l’allant : la Tri n’a pas perdu les douze derniers duels face à la Verde (dix victoires, deux nuls), la Bolivie n’a plus gagné lors de ses soixante derniers déplacements en éliminatoires (neuf nuls, cinquante-et-une défaites) !
Malgré tout, César Farías, qui ne devrait pas résister à une nouvelle élimination de la Bolivie, cherche à convaincre : « Nous devons croire en nous-mêmes. Le temps est venu de faire un grand match. Nous devons croire en nous, avoir une attitude positive, faire que nos joueurs croient qu’ils sont de grands joueurs, qu’ils jouent au football, qu’ils montrent toutes leurs qualités. Nous avons la capacité de créer du jeu, les garçons le savent, ils en sont convaincus, j’espère que nous ferons un bon match ». Un discours encourageant pour un coach qui rappelle une fois encore avoir fait « une grosse semaine de travail » avec son groupe, mais un discours qui ne colle pas vraiment avec le onze annoncé et l’organisation prévue en 5-4-1 avec le seul Marcelo Martins en pointe. Dans le même temps, Página Siete n’hésite pas de son côté à rapporter les fortes critiques livrées par trois médecins, Raúl Morales, Álex Antezana et Freddy Duarte, au sujet de l’organisation des sessions d’entraînement en vue de la triple fecha avec plusieurs voyages au programme pour les joueurs. Des critiques qui font évidemment écho au fameux stage de cinquante-deux jours il y a un an, avec deux groupes distincts, choix qui avait été critiqué après les deux défaites d’alors, et qui n’ont ainsi pas été faits cette année. Difficile d’être sélectionneur en Bolivie…
Côté Alfaro, l’atmosphère est plus calme même si la nécessité de s’imposer empêche tout excès de confiance : « Nous ne pouvons pas être trop confiants, nous savons ce que jouent les Boliviens. Ils ont posé des problèmes à l’Uruguay, jouant d’une certaine manière, ils ont rendu le match difficile à l’Argentine avec une organisation qui devrait être la même face à nous ». Le sélectionneur de la Tri n’a cependant qu’une obsession, prendre le maximum de points lors de cette triple fecha qui lui offre Bolivie et Venezuela à domicile : « l’objectif est d’être performants, ce sera une grande semaine d’éliminatoires qui pourrait nous permettre de rester dans cette position privilégiée dans laquelle nous sommes, celle d’être parmi les équipes du haut du tableau ». Un Équateur qui pour ce soir n’attend cependant qu’une chose : un but d’Enner Valencia, muet en sélection depuis novembre 2019, soit onze matchs.
Un clásico del Pacifico n’est jamais un match comme les autres, l’édition 2021 prend une dimension supplémentaire dès lors que l’on jette un coup d’œil sur le classement. Septième, le Pérou accueille donc le Chili huitième, un point séparant deux équipes qui accusent désormais respectivement cinq et six points de retard sur la Colombie. Autant dire qu’un nul entre les deux formations pourrait presque les condamner, une défaite en faisant de même. L’heure est donc à la mobilisation générale d’un côté comme de l’autre et à la tentative de dédramatisation. « C’est un match très important, je ne sais pas s’il est décisif, mais il est important » a ainsi déclaré le Tigre Gareca, « nous jouons tous les deux des points très importants » a ajouté Martín Lasarte.
Un sélectionneur du Chili qui se retrouve devant des absences à palier : celle du Rey Arturo suspendu et d’Edu Vargas blessé. Deux cadres, deux symboles de la génération dorée qui joue probablement son dernier rêve mondial. À ces absences s’ajoute le doute entourant Charles Aránguiz, qui s’est entraîné à part depuis qu’il a rejoint Juan Pinto Durán et le forfait d’Eugenio Mena dans le couloir. Carlos Palacios devrait prendre place au milieu pour jouer le rôle du piston central habituellement donné à Vidal et on devrait donc revoir le tube de l’été (de l’hiver) Ben Brereton prendre place aux côtés d’Alexis devant. Machete a d’ailleurs profité de la conférence de presse pour tenter de calmer la folie qui entoure l’arrivée du joueur évoquant une « euphorie qui dépasse la réalité ». Côté Pérou, même si Renato Tapía est forfait, la grande question est de savoir si le Tigre osera placer un duo d’attaque Lapadula – Guerrero. Les derniers entraînements laissent penser que l’on se dirige vers le maintien du 4-3-3, malgré l’absence quasi-certaine d’André Carrillo, la légende Paolo devant retrouver sa place dans l’axe, Cueva et Flores l’entourant. Du côté des statistiques, sachez que jamais Pérou et Chili ne se sont séparés sur un nul en terres incas. Le Chili reste sur six matchs sans victoire en déplacement en éliminatoires à une unité de la pire série de son histoire. Mais en éliminatoires, Ricardo Gareca a toujours perdu face au Chili…
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