Il est devenu en un rien de temps l’un des personnages emblématiques du continent sud-américain. Pablo Guede, jeune entraîneur de Palestino n’a peut-être pas encore décroché de titre mais il est l’une des figures de la nouvelle génération argentine. Portrait.

De l’Español à l’Espagne

Pablo Guede débute sa carrière de joueur professionnel au Deportivo Español où il a fait ses classes avant d’y faire ses débuts pros en 1992. Prêté à la Nueva Chicago pour la temporada 1995/1996, l’attaquant en devient l’arme absolue. Meilleur buteur du club de Mataderos, il revient un temps au Deportivo Español avant de s’envoler pour l’Espagne. C’est à Málaga qu’il connait sa meilleure période de joueur. Homme décisif dans la course à la montée (8 buts en 6 matchs lors des barrages), il permet au club d’accéder à la deuxième division espagnole. Il va alors évoluer dans diverses équipes du pays, avant de changer de poste. « Ma carrière s’est construite en Espagne » explique Pablo Guede. C’est effectivement en Espagne que l’ancien attaquant fait ses débuts d’entraîneur. Ami de Tito Vilanova avec qui il a joué un temps à Elche, Guede passe de temps à autre du côté du Barça où, aux côtés de son ami, alors adjoint d’un certain Guardiola, il apprend de nouvelles méthodes de travail. Il commence alors à les mettre en pratique dans les divisions inférieures espagnoles avant, pour des raisons personnelles, de devoir rentrer en Argentine. Il se met alors à la recherche d’un club et, fidèle à ses premiers amours, débarque du côté de Mataderos pour prendre en charge la Nueva Chicago, alors en troisième division. Sous ses ordres, le Torito retrouve la Primera B, éblouit dans l’ombre par son jeu. Le temps s’accélère. Une saison plus tard, Pablo Guede est au Chili. Palestino, club de première division, lui offre sa première chance au plus haut niveau. La révolution Guede se fait alors au grand jour.

La révolution Guede

« La seule chose qui rend tout rêve impossible est la peur de l’échec ». Lorsqu’il s’assoit sur le banc de la Nueva Chicago, celle-ci évolue alors en Primera B, la troisième division argentine. Pablo Guede détonne alors. Pour lui, qu’importe le niveau, il est toujours possible de bien jouer. Et le jeu est la clé.

Tour préliminaire de la Libertadores 2015. Palestino, qui retrouve la compétition après 36 ans d’attente, mène 2-1 face au Nacional au Parque Central, le but de Renato Ramos inscrit à l’extérieur permettant au Tino, vainqueur à l’aller 1-0 (voir Palestino 1 - 0 Nacional), de tenir son billet pour la phase de groupe. Il ne reste que quelques minutes à jouer, Leonardo Valencia blessé dans son camp reste au sol. L’occasion idéale pour le Tino de gagner du temps et laisser filer un chronomètre en sa faveur. Pablo Guede saute de son banc « Lève-toi et joue ! Arrête ça ! » Hurle-t-il alors à son joueur. Palestino se qualifiera (voir Nacional 2 - 1 Palestino). L’anecdote résume à elle seule la philosophie de l’entraîneur qu’il est devenu. Symbole de cette nouvelle génération de coaches argentins pour qui les résultats passent avant tout par le jeu, Pablo Guede change les mentalités des équipes qu’il commande. N’hésitant pas à fustiger le football argentin, « plus occupé à ne pas perdre plutôt que de chercher à gagner », il convainc ses joueurs de leur capacité à produire du jeu.

Pour cela, la méthode Guede repose sur une analyse ultra-poussée de tous les compartiments du football. Obsessionnel comme un Bielsa, il dévore du football, analyse tout, ne laisse rien au hasard. « Pour chaque adversaire, je vois six ou sept parties de celui-ci. Parce que le moindre détail peut vous faire perdre un match. » Ainsi le voit-on dans le vol retour de cette qualification historique regarder les derniers matchs de San Marcos et de Boca, futurs adversaires, pendant que le reste du groupe célèbre la victoire. Ce souci du détail, il le communique à son groupe. Et comme un Bielsa, il y ajoute le travail et l’intensité lors des entraînements. Mais plus que cela, à l’image d’un Marcelo Gallardo (voir Marcelo Gallardo : mon influence principale est la façon dont je sentais le jeu), l’autre force de Pablo Guede, peut-être sa principale, est de savoir donner à son groupe un objectif commun. C’est grâce cela qu’il peut alors transformer ses joueurs en machine à gagner. On verra ainsi la Nueva Chicago enchaîner 13 victoires et 1 nul au moment de décrocher sa remontée en Primera B, on verra aussi le Tino bousculer l’élite chilienne en signant 10 victoires et 1 nul à l’heure du sprint final, celui qui le conduira à la Libertadores (avec notamment un match désigné match de l’année face à Huachipato et un 6-1 face aux Wanderers en finale aller).

Pression, possession et surnombre

« Tout entraîneur aimerait jouer comme le Barça. Mais cela est impossible parce qu’il n’existe pas d’autres Xavi, Iniesta et Messi. Alors vous devez essayer de copier. Et la seule chose que vous pouvez copier, c’est le pressing. Car presser ne repose que sur une chose : courir. » Derrière ce discours aux accents bielsistes, repose la base du système Guede. S’il rejette toute identification à la méthode Bielsa, affirmant s’inspirer d’el Loco comme il s’inspire des Ancelotti, Guardiola et autres Mourinho, comme Gallardo, Pablo Guede est un savant mélange de l’héritage Bielsa et de la rigueur européenne. Ainsi il ajoute à sa base tactique la compacité de ses formations bien plus présente en Europe que sur le continent sud-américain.

Ainsi son Palestino aime à rester compact, les lignes les plus resserrées possible pour réduire les espaces. La grande différence, c’est que si cette méthode est souvent employée pour « garer le bus », la compacité sauce Guede sert surtout à presser collectivement le plus haut possible. Chez Guede, pas de 3-1-3-1 à la Bielsa mais un système modulable, entièrement dévoué à conserver le surnombre dans toutes les parties du terrain, que l’équipe soit en position offensive avec le ballon, ou qu’elle doive défendre. Quelle que soit la position sur le terrain, son Tino doit être en supériorité afin de récupérer immédiatement le ballon et de se porter à l’offensive. Balle au pied, il n’est pas rare de voir les 10 joueurs du Tino dans le camp adverse. Le surnombre, toujours le surnombre. Mais le système Guede n’est pas figé, il s’adapte à ses joueurs. Alors en plein sprint pour la qualification à la Libertadores, Guede assume la bonne forme offensive de son équipe en alignant les attaquants : « Aujourd’hui, mon système est un 3-4-3 avec 3 défenseurs et sept attaquants. Quand je vois que nous avons une grande confiance en notre attaque, je l’assume ».

Après avoir perdu bien des cadres, le nouveau Palestino revient aujourd’hui tutoyer le haut du tableau chilien. Et toujours, le jeu est au centre d’une formation que Pablo Guede, alors quasi-inconnu, avait rejoint en 2014 après avoir présenté au président un véritable projet global visant à changer totalement le Tino. Celui pour qui la « révolution n’existe pas dans le football, tout ayant déjà été créé, on ne peut qu’évoluer », représente pourtant une nouvelle étape de l’école sud-américaine dont il est l’un des fers de lance avec les Gallardo, Pellegrino et autres Cocca. Pablo Guede n’a désormais plus qu’un rêve, revenir en Espagne pour y entraîner son Málaga. Un jour viendra donc où la (r)évolution Guede retournera sur les terres qui l’ont enfanté.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.