Le 15 mars 1998, l’Étoile du Sahel se rend à Casablanca pour y défier le Roi d’Afrique, le Raja Casablanca en finale de la Supercoupe. Héros de la finale, l’ex-international algérien Bilel Dziri revient sur cette rencontre au sommet et sur sa contribution au triomphe de l’ESS.

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Il n’est resté qu’un an en Tunisie, mais il a su se sublimer le jour où ça comptait le plus. Le 15 Mars 1998, le Raja Casablanca de Vahid Halilhodžić, vainqueur de la Ligue des Champions, accueille l’Étoile Sportive du Sahel, tenant de la C2, pour la septième édition de la Supercoupe d’Afrique (qui se joue sur un match sec). Prêté par l’USM Alger aux Tunisiens, Bilel Dziri, auteur d’un but et d’une passe décisive, maintient l’Étoile à flot jusqu’aux tirs aux buts, durant lesquels le gardien Radhouène Salhi s’illustre. Il nous raconte son match.

« Je connaissais bien cette équipe du Raja. Quand ils remportent la C1 en 97, je les affronte avec l’USM Alger, j’ai marqué contre eux. Ils s’en sont souvenus quand j’arrive à Casa avec l’Étoile pour la Supercoupe, j’ai eu droit à un accueil particulier, un peu plus chaud que pour mes partenaires (Rires)… mais bon je ne réponds que sur le terrain, là où je m’exprime le mieux. Et c’est ce que j’ai fait.

J’ai discuté avec mes coéquipiers des points forts et points faibles des Marocains, et on a parlé tactique avec notre accompagnateur, l’ancien joueur de l’Étoile du Sahel Abdelmajid Chetali (NDLR : fin des années 50). Il nous donnait pas mal de conseils, vu qu’il était difficile de communiquer avec notre entraîneur. Il venait d’ex-Yougoslavie (le croate Ivan Buljan, NDLR) et ne parlait pas très bien français.

Il y a un joueur que je connaissais en particulier dans l’équipe du Raja. Le défenseur Fahmi, qui est allé jouer au LOSC par la suite (NDLR : entre 1999 et 2003). Le genre de défenseur à l’ancienne, qui veut relancer proprement, il ne balance pas le ballon n’importe où. Comme il veut prendre le temps de ressortir il a tendance à temporiser et tarder à agir pour voir les options qu’il a. Contre un défenseur qui veut relancer proprement, la clé c’est d’anticiper. Je l’avais déjà vu faire, alors comme je jouais dans son couloir (Bilel Dziri est titularisé au poste d’ailier droit pour la Supercoupe) je me suis dit qu’en anticipant sur ses interventions il y aurait des opportunités.

C’est grâce à ça, parce que je voulais anticiper à chaque fois, qu’on met les deux buts, et après 55 minutes on mène 0-2 à Casablanca. Sur le premier but, long dégagement, Fahmi fait un contrôle un peu long en position de dernier défenseur. J’avais déjà commencé à monter au pressing, alors j’accélère, je lui fais un coup du sombrero dans la course, et juste avant le retour de l’autre défenseur je croise ma frappe. Vite fait, bien fait, en trois touches, on ouvre le score juste avant la mi-temps. Le moment idéal.dziriess

Sur le deuxième, pareil, long dégagement. Fahmi est un peu loin du ballon, il ralentit et le rebond lui est défavorable. J’étais là aussi en mouvement, je lui passe devant. On se retrouve à deux contre un avec l’attaquant Ben Younès (NDLR : Imed Ben Younès, attaquant de pointe de l’Étoile entre 95 et 98).

Je m’excentre un peu et je la donne à Ben Younès, qui gagne son face-à-face dans la surface. Ca fait 0-2 pour nous, contre le vainqueur de la Ligue des Champions, chez lui. La deuxième mi-temps a repris depuis dix minutes à peu près.

Mais il restait trop de temps, et le Raja n’était pas considéré comme l’une des meilleures équipes du continent pour rien. Ils nous mettent une pression énorme, et ils reviennent à 2-2 dans les dernières minutes. On a essayé de lancer un attaquant frais devant (Zied Jaziri) pour les obliger à ne pas laisser d’espaces et ne pas trop se livrer, mais rien n’y a fait, on n’a pas résisté après la réduction du score.».

2-2 après 90 minutes, pas de prolongations, on passe aux tirs aux buts.

« Moralement, on est abattus parce qu’on pense qu’on avait fait le plus dur et on a l’impression d’être passés à côté de l’exploit, que l’occasion de marquer le coup devant toute l’Afrique est passée. Mais l’Étoile avait la chance d’avoir un gardien exceptionnel, Radhouène Salhi, qui a gagné la Supercoupe aux pénos. Deux arrêts similaires, il se couche sur sa gauche pour bloquer deux tirs à ras de terre. On gagne la série 4-2, et ça devait être moi le cinquième tireur, je n’ai pas eu besoin de finir le boulot.

La victoire en Supercoupe restera le meilleur souvenir de mon année en prêt à l’ESS. J’aurais bien voulu rester plus longtemps à Sousse, mais il était prévu que je retourne à Alger. J’ai gardé contact avec les joueurs de ma génération, je retourne fréquemment les voir en Tunisie.

Il arrive que le club me demande des conseils quand il veut recruter des joueurs algériens, comme ils l’ont fait pour Baghdad Bounedjah, qui s’est révélé là-bas (NDLR : 40 buts en deux ans toutes compétitions confondues entre fin 2013 et fin 2015). Je n’oublierai jamais à quel point l’Étoile du Sahel et les gens ont été accueillants avec moi, que ce soit Chetali, feu le vice-président Ezzedine Douik (décédé en 2012) et tous les autres ».

Farouk Abdou
Farouk Abdou
Actuellement à E-management, passé par Echosciences Grenoble, Le Dauphiné Libéré, Sport Translations et Tunisie foot, Africain volant pour Lucarne Opposee