Nouveau venu dans le paysage de l’élite américaine, le Los Angeles FC réalise une première saison en MLS plus que convaincante. Au point de faire définitivement oublier le projet des cendres duquel il est né.

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Les fans ayant pris place au Banc of California Stadium ce 22 septembre célèbrent la quatorzième victoire de la saison de leur Los Angeles FC, qui monte sur la troisième marche du podium d'une MLS intégrée il y a quelques mois. Un succès pour le groupe d'investisseurs, hétéroclite mais puissant, qui porte ce projet depuis maintenant presque quatre ans. Ces derniers n'ont pas hésité à aligner un joli paquet de dollars dans la construction d'un stade flambant neuf, agrémenté d'un marketing survitaminé. L'objectif étant simple : rivaliser dès la première année avec le voisin du LA Galaxy, et sa tendance à un peu trop frimer, avec sa collection de titres et son Zlatan.

Pour aller plus loin : MLS 2018 : Le LAFC veut conquérir Los Angeles

Pour cela, une méthode un peu rude, mais visiblement plutôt efficace : faire disparaître un club en difficulté, puis reconstruire sur ses cendres encore fumantes. Le LAFC est en effet une franchise d'expansion créée suite à la décision de la MLS de couper court à l'aventure du Chivas USA en 2014, après seulement 10 ans d’existence et une longue agonie. La recette du Chivas USA était plutôt originale : des milliardaires à sombreros propriétaires du Chivas Guadalajara qui arrivent à convaincre les patrons de la MLS de lancer en 2005 une sorte de club filial dans le championnat US, avec pour objectifs de capter le nombreux public hispanique de Los Angeles, et de développer la marque mexicaine du Chivas « original ». Don Garber le confessera à la disparition du club : « L’idée était de compter sur un club orienté spécifiquement vers les hispanos du pays et plus particulièrement la communauté hispanique du Sud de la Californie, Jorge Vergara promettant même à la création du club qu’il voulait « offrir un football plus spectaculaire, divertissant, agressif, technique, un football apprécié par les hispaniques ». Les débuts du club sont plutôt encourageants, avec une qualification pour les play-offs lors des saisons 2006 à 2009 (le club sera même premier de la Conférence Ouest en 2007), et une affluence proche des 20 000 spectateurs de moyenne dès la première année.

La chute d’un faux empire

Mais la mayonnaise retombe assez vite, sabordée par une gestion très critiquée du proprio Jorge Vergara, qui ne tarde pas à se mettre les salariés du club et le secteur sportif à dos. Les résultats sombrent, le stade sonne creux...seulement 7000 spectateurs en moyenne garnissent les travées du StubHub center en 2014. Le Chivas peine également à s'extirper de l'ombre du Galaxy : installations d’entraînement communes, mouvements incessants de joueurs entre les deux clubs...Difficile de se créer une identité propre. Les fans assistent pendant cette période à la chute de leur club, en s'opposant frontalement à la direction. Les banderoles hostiles au boss mexicain, qualifié par les ultras d'« assassin du football », fleurissent dans des tribunes de plus en plus clairsemées.

Il faut dire que les erreurs sont multiples, les espoirs déchus nombreux. Quelques mois avant de prendre le contrôle de Chivas USA, Vergara rachète le Deportivo Saprissa. Un club au Costa Rica, un club au Mexique, un dernier aux USA, l’objectif annoncé par le propriétaire est de viser le marché sud-américain, espagnol et chinois. Malheureusement, la gestion du club est désastreuse, Martín Zúñiga, passé dans les buts du club, explique pour ESPN « qu’ils ont sous-estimé le niveau de la ligue ». Et pour cause, Chivas USA va jusqu’à puiser dans la réserve de Chivas Guadalajara (en D2 mexicaine) pour inclure de nouveaux joueurs qu’il encadre d’éléments peu expérimentés. Sportivement, l’affaire ne peut donc tenir. La gestion calamiteuse sur le plan du marketing qui ne vise finalement qu’une communauté et le tempérament de Vergara font que le navire ne peut que couler. Vergara ira jusqu’à expliquer que l’un des problèmes de Chivas USA venait de la méconnaissance du football de son associé Antonio Cué duquel il rachètera les parts en 2012 pour devenir le seul capitaine à bord du titanic Chivas. Le fait est aussi que le modèle de la Liga MX n’est pas transposable à la MLS et sa gestion particulière des franchises, des contrats de joueurs. La descente du club débute en 2010, elle ne fait que se poursuivre les quatre années restantes. Au point que le club ne fait qu’errer en MLS comme l’avait expliqué Léandre Griffit sur LO : « Chivas c’était une équipe qui jouait au ballon, techniquement c’était beau, vraiment. Mais les mecs ne jouaient pas pour gagner des matchs ! La première fois qu’on joue contre eux, j’me suis dit « wow, c’est le Real Madrid » tellement ça jouait. Sauf qu’au coup de sifflet final, on leur en avait mis 4. Ils jouaient bien, mais ils n’avaient aucun objectif ». Vergara finit par être « invité » par le conseil d'administration de la ligue à lui revendre la franchise en février 2014, pour un montant de 70 millions de dollars. La MLS reprend la main sur le club avec pour objectif annoncé de repenser le concept initial en recréant une franchise, sans commettre les erreurs du passé.

Le 27 octobre 2014, à l'issue du dernier match de la saison, le patron de la ligue Don Gerber annonce la fin du Chivas USA, avec l'arrivée d'un nouveau club pour 2017. La fin d'un long calvaire par les fans. Orphelin de leur équipe, un choix cruel mais simple s'offre à eux : adhérer au projet de la MLS, ou voir leur passion mourir avec Chivas. La plupart optent pour la première option, y compris les groupes ultras. Ces derniers, notamment la Black Army 1850 et District 9 ultras, sont très vite cajolés par la nouvelle direction, et constituent désormais la base de soutient du LAFC, en conservent d'ailleurs les mêmes dénominations. Un coup de poignard dans le dos d'un Chivas déjà enterré ? La plupart des fans ne raisonnent pas ainsi : ils ont de nouveau l'occasion d'aller au stade, de profiter d'un bon spectacle, et de voir un derby à Los Angeles. Force est de constater d'ailleurs que ce « trafico », comme il a été surnommé ici, déchaîne à nouveau les passions en Californie.

Les dirigeants sont donc en train de réussir leur pari : construire une franchise avec une nouvelle identité, tout en permettant aux fans historiques du Chivas USA de ressentir encore quelques battements de cœurs du fiston de Guadalaraja, finalement pas si mort que ça...

Fabien Goutagny
Fabien Goutagny
Un amoureux des verts au pays de l'oncle Sam