Au cimetière des ambitions brisées, le Ciclon n’est pas passé loin de rejoindre Sétif et Tétouan. Endormi par le rythme d’Auckland, le tenant de la Copa Libertadores s’est retrouvé embarqué dans des prolongations périlleuses et éprouvantes pour les nerfs des 7000 argentins déchaînés au stade de Marrakech. Vainqueur au final grâce à 2 éclairs individuels, San Lorenzo devra montrer autre chose pour espérer résister au Réal.

Marrakech est envahi. Toute la médina et la grande place Jemaa El Fna est rouge et bleue. Des milliers de supporters de Boedo ont investi la ville ocre et lancent les hostilités à midi, plus de sept heures avant le match. Chants au rythme trainant caractéristique du monde ultra argentin, repris en boucle et de plus en plus fort au fur et à mesure que le fernet et les bières coulent à flot. Un brin provoc, quelques marrakchis lancent des « Hala Madrid » effacés à grands coups de bras d’honneur et d’exclamations moqueuses, mais pour leur grande majorité, les échanges hinchas-population locale sont bon enfant et très cordiaux.

Loin du tumulte de la place, un petit groupe de supporters prépare le déplacement au stade. La veille, cette bande cosmopolite (venus d’Argentine, Chili, Espagne, Italie, République Tchèque) a constaté le problème épineux des transports : Pas de ligne de bus ni de navettes spéciales pour aller au grand stade situé à une dizaine de kilomètres du centre-ville, et la nécessité de marcher 30 minutes minimum (puis de se faire arnaquer en payant triple) avant de trouver un taxi pour le retour. Mariano et Federico ont donc pris le taureau par les cornes et loué un bus privé. En sillonnant les hôtels alentour (et le leur) ils ont dressé une liste de 50 personnes pour faire le trajet aller-retour moyennant 60 dirhams. «  Ceux qui font le déplacement organisé ont payé très cher, eux ont un bus déjà prévu dans leur package. Les indépendants, soit les 2 tiers des supporters présents, doivent soit s’entasser dans des taxis par paquet de 6, soit y aller à pied. Et c’est loin. Autant former un petit groupe, c’est nettement plus sympa» explique Mariano.

Sympa est le mot qui convient. La gestion colonie de vacances fait que le groupe met une heure à se rassembler (« évidemment fallait bien qu’il y en ait 2-3 qui oublient leur billet à l’hôtel » soupire Federico) et l’ambiance monte d’un cran une fois dans le bus puis devant le stade quand les groupes se rejoignent. Le service d’ordre au garde-à-vous est déconcerté par cette escouade de types qui rigolent de tout : des billets contrôlés 5 fois, des fouilles au corps, du bus qui se trompe d’entrée, des tourniquets électroniques qui fonctionnent une fois sur deux. Et qui surtout chantent sans discontinuer.

L’arrivée du gros des troupes argentines plonge définitivement le match de classement Sétif-Sydney dans l’anonymat. Les marocains et les supporters algériens veulent tous faire une photo-souvenir, gratter un maillot. Les barras bravas, bien imbibés d’alcool installent les bannières qui recouvrent le niveau supérieur des tribunes. Le match peut commencer.

Le match : Les néo-Z refont le coup

Irving et ses coéquipiers n’en finissent plus d’étonner. Après avoir rayé le foot maghrébin de la compétition, les néo-zélandais adoptent la même configuration décomplexée que lors du quart de finale face à Sétif : agressivité sur le porteur du ballon, Tavano très bas en pivot pour orienter sur Tade et De Vries, fluidité dans le jeu de passes, et un rythme volontairement très bas. Et en face, une impression de déjà vu : Un adversaire qui se demande pourquoi Auckland joue aussi bien, et se dit que ca ne va pas durer et qu’il suffit d’attendre. A force d’attendre, San Lorenzo s’endort et ne produit pas de jeu.

Le peuple azulgrana s’inquiète, lâche des «  concha de tu madre » à chaque passe ratée, et même l’explosion qui suit l’ouverture du score argentine dans les arrêts de jeu de la première période de Barrientos ne trompe personne : L’équipe est très mal en point et ne maîtrise absolument rien.

Auckland passe à un contrôle de balle du Real Madrid

Et au retour des vestiaires, la physionomie se confirme : Auckland monte d’un cran pour donner plus de solutions à Tavano, Tade et De Vries tricotent et se montrent de plus en plus dangereux. Un décalage subtil du premier pour le deuxième dans la surface mène à l’égalisation. Le gardien du Ciclon sort devant De Vries mais Berlanga qui traine dans son couloir à chaque fois que l’ailier sud-africain repique dans l’axe a bien suivi et catapulte la balle dans le but vide.

La stupeur et la rage des argentins, qui tranche avec l’apathie de leurs joueurs manque de tourner au désastre. Sur une énième passe en retrait mal assurée d’Ortigoza vers Kannemann, De Vries chipe le ballon et offre une balle de match à Tade qui rate son contrôle et dévisse. Les hordes rouge et bleu n’y croient pas. Ce voyage, des milliers de kilomètres, ces «  queremos la copa » et « campeon mundial » scandés pendant des jours et des jours pour se faire sortir par Auckland ?

Heureusement, alors que la prolongation débute, que les larmes coulent et que l’arbitre australien en prend pour son grade, le pétard de Mauro Matos en pleine surface fait tout oublier. Hurlements à gorge déployée, accolades aux policiers qui leurs demandent de se calmer, sièges secoués, les rangées dévalées à toutes jambes : San Lorenzo est soulagé. Les valeureux néo-zélandais ne reviendront pas, malgré la frappe de Payne sur le poteau. Mariano bredouille « On l’a notre finale contre le Real. On n’a pas fait tout ça pour rien. On a au moins gagné le droit de chanter pour les 72 prochaines heures ». Et ça, pour le peuple de Boedo, c’est l’essentiel.

Farouk Abdou
Farouk Abdou
Actuellement à E-management, passé par Echosciences Grenoble, Le Dauphiné Libéré, Sport Translations et Tunisie foot, Africain volant pour Lucarne Opposee