Retour au stade Idriss Mahamat Ouya, toujours sous la chaleur écrasante de la saison chaude à N’Djamena. Cette fois, le match oppose la sélection nationale du pays de Toumaï aux Taïfa Stars venus de Tanzanie pour le compte de la 3ième journée des qualifications CAN Gabon 2017.

Sur le papier, il s’agit d’une rencontre qui semble équilibrée entre les deux outsiders d’un groupe qui comporte aussi l’Egypte et le Nigeria, deux valeurs sures du continent africain. Avec 1 point pour les Tanzaniens et 0 pour les SAO, la double confrontation qui se profile à des allures de dernière chance pour les deux équipes. Deux victoires seraient la garantie de pouvoir rêver d’une finale à domicile contre l’un des deux ogres du groupe. Mais le chemin est encore long, et avant le coup d’envoi ce scénario reste peu envisageable pour les deux protagonistes.

Seulement les supporters tchadiens eux y croient fermement. La victoire 1-0 ici même, contre l’Egypte de Mohamed Salah et Elnenny pour les qualifications de la coupe du monde 2018, est encore dans tous les esprits. Depuis, seul le match retour et une lourde défaite en Egypte a été joué. Mais les conditions dans lesquelles on a mis l’équipe nationale là-bas laissent penser qu’ils n’ont pas pu jouer à armes égales. Là aussi, impossible de leur donner tort. Dans un imbroglio politico-économique qui a mêlé la fédération (encore elle ?! oui, je vous rassure l’article sur les fédérations déloyales arrive bientôt !) au Fond National de Développement du Sport (FNDS), les joueurs ont atterri sur le Tarmac d’Alexandrie moins de deux heures avant le coup d’envoi.

Et ce n’est pas en voyant les gabarits des Tanzaniens que les supporters vont changer d’avis. Car les joueurs d’Afrique de l’Est n’affichent pas les mêmes mensurations que les tchadiens. Normal, quand on sait que les SAO sont un peuple mythologique centre africain, digne de géant qui pouvaient se promener avec plusieurs éléphants à bout de bras tenus par la trompe... qu’ils dévorent en guise de casse-croûte.  

Seulement pour ce match, les Tanzaniens se sont donné tous les moyens pour réussir. La délégation est arrivée dès le dimanche soir dans un hôtel de grand standing de la capitale où ils sont dans des conditions optimales pour pouvoir préparer le match, à l’image des Tunisiens de l’Espérance de Tunis il y a 10 jours (lire Au cœur de l’Afrique - Tchad : Renaissance FC – Espérance, un monde d’écart). Tout le monde a répondu présent et est très motivé, à commencer par les deux stars de l’équipe qui ont formé un duo mémorable sur le front de l’attaque du TP Mazembe entrainé par Patrice Carteron et champion d’Afrique, Mbwana Samatta (aujourd’hui à Genk) et Thomas Ulimwengu. Pour le reste que des joueurs qui évoluent dans le championnat local avec une majorité de joueurs des 3 grands clubs du pays ; Simba SC, Young African et Azam FC. (Pour ceux que cela intéresse, voici un article sur le foot Tanzanien qui présente le derby de Dar-Es-Salam, probablement le meilleur en Afrique sub-saharienne).

La question est alors : les Tchadiens sont-ils dans de meilleures conditions ? Paradoxalement non ! La sélection de joueurs locaux réunis depuis le début du mois s’entraîne à raison de deux séances par jour sans percevoir la moindre prime. Ils se retrouvent sans le sou pour pouvoir s’alimenter à la hauteur de leurs dépenses d’énergie et se rendre aux entraînements. (Pour ceux qui s’offusquent d’une rémunération en équipe nationale, il faut savoir que nous en sommes à l’intersaison d’un championnat qui n’a toujours pas de date de reprise, et donc que les joueurs sont sans rémunération… Vous imaginez bien entendu que le salaire moyen d’un footballeur tchadien ne permet pas de vivre dans l’opulence et de pouvoir épargner). Pire, les « pros » Tchadiens emmenés par le montpelliérain Casimir Ninga et 4 autres joueurs évoluant en Europe, ont rallié la capitale dans la nuit qui précède le match, la faute à des billets d’avion qui tardaient à arriver. Tous titulaires, ils se présenteront sans entraînement collectif avant le match…  

C’est donc à 15h45 que tout ce beau monde s’est retrouvé sous une chaleur accablante, seulement 44°, mais le ressenti sous le soleil est tout autre, je vous l’assure! Les équipes pénètrent sur le terrain devant des gradins encore partiellement remplis, exceptés les places très prisées à l’ombre des acacias.

Rapidement, la Tanzanie impose son jeu, tout en redoublement de passe et jeu dans la profondeur. Emmenés par leur capitaine et leader Samatta, les Tanzaniens manquent plusieurs fois l’opportunité de scorer devant un gardien souffrant du genou, mais qui même bléssé, reste la seule alternative crédible au coach local Modou Kotta.

La chaleur se fait ressentir pour tout le monde, surtout pour les « pros » tchadiens qui n’ont eu aucun temps d’adaptation et qui sont comme des momies sur le terrain. Les Tanzaniens eux sont obligés de se mettre au sol pour stopper le jeu et aller s’hydrater. ils en profitent aussi pour rafraîchir leurs crampons avec des serviettes qui baignent dans des sceaux de glace, et continuent de dérouler leur football malgré une souffrance apparente. Ils sont récompensés de leurs efforts à la demi-heure de jeu par un but de l’inévitable Samagoal, sur un bon débordement du latéral gauche.

 

Le Tchad ne peut pas réagir avant la mi-temps et la faillite défensive de Ninga & co est criante. Heureusement pour eux César Abaya, ancien joueur de Gazelle FC de N’Djamena, parti seulement en janvier du côté du Gabon, supporte encore la chaleur et assure derrière en imposant ses interventions défensives à la Thiago Silva. La mi-temps est sifflée sur un score logique, la seule mauvaise nouvelle coté visiteur est la blessure juste avant la pause de son milieu de terrain Kazimoto, qui jusque-là réalisait un match parfait à la récupération et à la distribution du jeu. Une fois de plus, l’histoire se répète, les Tchadiens, dont le principal avantage à domicile est d’évoluer sous la chaleur ont été pris à leurs propres jeux, et ont montré trop de limites physiques.

Au retour des vestiaires, il ne reste plus qu’un gros quart d’heure avant que le soleil laisse place à l’ombre. Moment choisis par Casimir Ninga pour faire parler sa vitesse. Même s’il a beaucoup de mal à lâcher le ballon, il reste l’atout offensif n°1 côté SAO. Sur un contre, le Tchad manque de se faire punir, mais c’est la barre transversale qui sauve les locaux. La révolte commence enfin. Les Tanzaniens se contentent de défendre et de repousser les assauts des tchadiens. Le public commence à rouspéter après les décisions arbitrales défavorables, et manifeste son mécontentement par une mauvaise habitude locale qui consiste à jeter des bouteilles d’eau sur le terrain. Sans conséquence heureusement, car tous ont manqué leurs cibles.

Le dernier quart d’heure est à sens unique, mais le Tchad ne parviendra pas à inverser la tendance, et s’incline donc devant la Tanzanie. La qualification est définitivement oubliée du côté tchadien, mais redevient possible pour les Taïfa Stars en cas de validation de ce succès par une victoire à domicile. Cette fois-ci, ils seront sur la pelouse gazonnée d’un Taïfa stadium de 60 000 places tout acquis à sa cause. Le spectacle sera garanti.

Après le match, les Tanzaniens quittent directement N’Djamena pour Dar-Es-Salam. Pour les SAO, la question est encore en suspens. Encore une fois l’amateurisme de cette fédération n’a pas permis d’organiser le voyage à temps. Aujourd’hui encore les dirigeants sont en train de chercher les fonds pour pouvoir organiser le voyage sur les bords de l’Océan Indien, le budget est passé de 30 à 60 000 000 de CFA, car forcément, organiser son voyage au dernier moment est toujours plus cher… L’histoire se répète après le dernier déplacement en Egypte, et les SAO n’ont pas fini de se ridiculiser aux yeux du continent. Rien de nouveau sous le soleil.

 

Pierre-Marie GOSSELIN à N’Djamena pour Lucarne Opposée

 

Pierre-Marie Gosselin
Pierre-Marie Gosselin
Amoureux du football et de ses tribunes, supporter inconditionnel des Girondins de Bordeaux et de ses ultramarines, je me suis pris d’une affection toute particulière pour le football africain. Là-bas le foot a pris le nom de « sport roi », et c’est un euphémisme tant il étend son royaume au-delà des ethnies, des classes sociales, des générations et des genres.