Grâce aux exploits individuels de ses 2 talents, le Wydad a remporté la 117ème édition du derby de Casablanca et conserve sa place de leader du championnat devant Marrakech. Le Raja, toujours aussi indigent dans le jeu, devra absolument s’imposer face au FUS lors de la prochaine journée pour ne pas rester scotché dans le ventre mou. Le spectacle dans les tribunes n’a pas failli à la réputation de l’un des derbys les plus renommés de la planète.

4 heures et demie avant le match dimanche matin, une marée d’écharpes vertes et de vestes frappées du sceau des Ultras Eagles se déverse du tramway à la station la plus proche du stade. Il pleut des cordes, aucun supporter du Wydad à l’horizon. Mais sur le boulevard Ghandi, cette anomalie est vite réglée. 7 estafettes remplies à ras bord de Wydadis en délire foncent vers le complexe Mohamed V en passant devant la foule adverse. Premières provocations, premiers échanges d’insultes, le ton est donné.

Le stade se remplit à toute vitesse malgré la tempête et pour garder une place assise en tribunes, mieux vaut renoncer à toute velléité de bouger. De toute façon on ne peut aller nulle part, les supporters sont partout et bloquent tous les passages. Debout près de toutes les issues, assis sur les escaliers latéraux, au sommet des tribunes, sur le toit, il y a du monde partout.

A H-2, les Winners (principal groupe ultra du Wydad) débarquent après avoir fini la préparation de leurs tifos et remplissent en un clin d’œil le Virage Nord. Bordée de sifflets de la Curva Sud, et l’avant-match peut débuter. Toutes les chansons et toutes les piques y passent, liées aussi bien à l’histoire des 2 clubs qu’aux polémiques qui les ont opposés (tout cela fera l’objet d’un autre article, ce serait trop long d’y revenir maintenant).

En hommage au décès d’un supporter du Wydad il y a quelques semaines (Le WAC jouait à Khouribga, et ce jeune de 25 ans a succombé à une crise cardiaque en revenant du match) le père de celui-ci vient saluer le Virage Nord sous les applaudissements. Initiative classique de la part des 2 clubs, des hommages fréquents aux anciens membres disparus et à leurs familles sont effectués, par exemple la mère de Zakaria Zerouali, joueur du Raja décédé en 2011 avait donné le coup d’envoi fictif du match face au MAS dimanche dernier.

Pour finir de faire monter la tension, le coach de la section Basketball du Wydad, le serbe Zeljko Zecevic (qui a remporté le derby face au Raja lundi dernier) traverse la tribune et s’improvise Capo pendant quelques minutes, lançant les chants pour le plus grand plaisir des travées rouges. Entre agités du bocal, on se comprend. Volet agités du bocal, les Green Boys se mettent torse nu au moment ou la pluie redouble d’intensité.

Le match

Enfin, après une longue attente et le show exceptionnel des tifos (voir Bonus Tifos) la rencontre peut commencer. John Toschack aligne ses meilleurs atouts d’entrée dans un 4-3-3 déjà bien rodé : Evouna en pointe, Hadjouj à droite, Koné à gauche. Même configuration en face, avec El Ouadi associés aux maladroits Mouithys et Mabidé.

La première période se déroule selon le scénario attendu. Le Raja a la possession, mais éprouve d’énormes difficultés à perforer le bloc Wydadi : Dans l’entrejeu, Kouko, Fettah et Hafidi ont beaucoup trop de déchet dans les passes, et la coordination entre les postes est trop mauvaise pour que l’un d’entre eux assume pleinement le rôle de relayeur.

Devant, Mabidé et Mouithys ne savent ni contrôler un ballon, ni remiser, ni tirer. En face, Nekkache et Saidi jouent comme dans un fauteuil devant leur défense et multiplient les sorties de balle propres et efficaces. Reste à vite se projeter en contre, mais pour ça, la ligne d’attaque sait y faire.

La première mèche allumée est la bonne et fait exploser le Virage Nord. Dans l’axe, Hadjouj récupère la balle aux 40 mètres, prend de la vitesse et évite le tacle de Fettah, avant de placer une frappe puissante à ras de terre qui trompe Askry (1-0, 28’).

Deux autres banderilles avant la mi-temps manquent de peu de sonner définitivement le Raja. Sur la première, Hadjouj gâche un 2 contre 2 en étant trop gourmand. Sur la deuxième, l’international espoir prend la balle au milieu de terrain, laisse Kouko et Fettah l’encercler et les largue en une accélération. Il décale Evouna qui évite la sortie d’Askry mais s’excentre trop et son plat du pied est sauvé sur la ligne par Karrouchy.

Ce n’est que partie remise, et le but du break arrive au retour des vestiaires. Servi sur son côté gauche aux 20 mètres Koné rentre pied droit et décoche un bolide poteau rentrant (2-0, 56’).

La Curva Sud perd la tête. A dix minutes d’intervalle, deux craquages magistraux de fumis noircissent le ciel de Casablanca (avec la banderole « Black Sky » pour annoncer l’ouverture des hostilités) mais les affrontements entre groupes d’Ultras provoquent des mouvements de foule de grande ampleur dans le virage.

Malgré tout, le Wydad a failli tout perdre en 60 secondes en se reposant trop sur ses lauriers. Le CSC d’Amrani d’abord qui permet au Raja de réduire le score (2-1, 69’) puis une action litigieuse sur l’attaquant du Raja Abourrazouk dans la surface des Rouges. Pendant 5 secondes, le stade croit au penalty, mais l’arbitre désigne la ligne des 6 mètres.

Les changements apportés ne feront pas évoluer la situation, le Wydad résiste et ne concède pas d’occasion. Les joueurs sont portés en triomphe par leurs fans, et tandis que le stade se vide la pluie reprend. Pas d’incidents à la sortie, tout le monde regagne ses pénates. Rendez-vous au match retour.

 

Les tifos

Une fois n’est pas coutume, les rivaux inversent les rôles. Au Raja les messages alambiqués, au Wydad la simplicité.

Surtout pour le premier tifo des Winners : «  Fidéles au Wydad » sur toute la moitié du stade (tribunes et Virage Nord) puis grande bannière 3D représentant un toréro avec une cape aux couleurs du club, et vous l’aurez deviné un taureau marqué au fer vert du Raja.

Eagles et Green Boys signent quand à eux un message plus complexe : Les tifos (le mot « tolérance » avec une main noire et le « A ») désignent le festival de la Tolérance d’Agadir).

L’explication tombe sur les comptes facebook et twitter des groupes quelques heures plus tard : Les Ultras dénoncent l’attitude du bureau directeur, et ce qu’ils estiment être une tolérance inappropriée : vis-à-vis des joueurs (indulgence face aux écarts de conduite de ces derniers) et surtout le partenariat avec «  l’autre club » (référence faite au Wydad) qui ternit pour eux le patrimoine du club. D’où le post-scriptum pour indiquer que le club fait fausse route : Déroutés ? Laissez-nous vous guider.

En gros : Laissez la tolérance à Agadir, et continuons à détester les autres en paix.

Farouk Abdou
Farouk Abdou
Actuellement à E-management, passé par Echosciences Grenoble, Le Dauphiné Libéré, Sport Translations et Tunisie foot, Africain volant pour Lucarne Opposee