2ème partie de la rétrospective avec les voyages à El-Jadida et Marrakech, les équipes de Casa n’ont vraiment pas été à la fête (le Raja coulé 3-0 par le DHJ, 0-0 et néant abyssal entre le KACM et le WAC).

DHJ-RCA 3-0 Entame cauchemardesque pour Romao

2 jeunes rajaouis montent avec moi dans le taxi à la descente du train. Un seul sujet de conversation : Abdelhak Ben Chikha. Dégagé du Raja 48 heures plus tôt, le coach algérien a raté ses retrouvailles avec El-Jadida, avec qui il est passé à deux doigts de sortir Al Ahly en Coupe d’Afrique 3 mois plus tôt. Le chauffeur de taxi sourit en voyant les écharpes vertes qui ne sont clairement pas celles du DHJ :

« Vous auriez pu nous laisser Ben Chikha, si c’était pour le virer au bout de 3 matchs. Il était bien chez nous. On l’aimait bien. Le Shehata il a gagné des CAN avec l’Egypte, c’est un bon, mais y a pas de chaleur humaine, il bouge pas de l’hôtel. Vous êtes trop impatients ».

L’un des deux rajaouis soupire. L’autre lâche : «  Je le sens pas ce match. »

Dans la rue qui mène au stade, les doukkalis commencent à affluer, tandis que devant le boucher les saucisses mettent 15 ans à cuire. Un policier avec son brassard orange a opté pour kefta, et récupère son sandwich plus vite. « T’es tunisien ? Mais qu’est-ce qui te prend de venir à El-Jadida voir un match de foot ? T’expérimentes un nouveau circuit touristique ? ». Il redevient sérieux et me dit : « Ca va être tranquille aujourd’hui, pas d’animosité particulière entre les deux clubs ».

La tribune est rajaouie à 70%, le virage est plein. Les ultras du DHJ déploient un tifo-hommage aux palestiniens. Un moustachu, maillot extérieur d’El Jadida sur le dos, débarque avec un tambour et arpente la tribune en tapant comme un sourd. Il lance aux supporters visiteurs qui affichent clairement leurs couleurs : « Bienvenue chez nous…Mais vous allez perdre ! » avec un sourire malicieux.

Le Raja monopolise le ballon mais se montre cruellement impuissant dés qu’il s’approche à 30 mètres des buts adverses. Et à chaque perte de balle, l’arrière-garde alignée par Romao est larguée par la puissance et la vitesse des hommes de Shehata. Kadoum dévore Saïd Fettah tout cru, Nannah multiplie les appels, toujours en coordination avec les mouvements intelligents de Zakaria Hadraf. Aqqal et Abourrazouk ratent absolument tout.

Dans la tribune, ça grimace. « Fettah et Aqqal, c’est hyper-faible. Ils nous enfoncent à chaque fois, ils sont solides El-Jadida. On est pas bien, on n’est pas bien d’une force… » déclare un rajaoui. Son équipe encaisse deux buts en première mi-temps, une frappe de Hammami à l’entrée de la surface et une finition propre de Nannah. Et au lieu d’une réaction vivement attendue, les visiteurs auront droit à un troisième but de Hadraf pour enfoncer le clou.

Le virage a chanté une mi-temps, et rangé les bannières. Certains tentent de quitter le stade après le 3ème but, mais la police les en empêche. Le moustachu tape sur son tambour de plus en plus fort, son sourire s’élargit. « Qu’est-ce que je disais ? Rentrez bien à Casa ».

KACM-WAC 0-0 : le vide intersidéral

La place Jemaa-El Fna, tumultueuse et illuminée la nuit, est généralement vide et paisible en début de matinée. Les quelques touristes lève-tôt se demandent d’où sortent ces grappes de supporters en rouge qui ne prennent pas de photos de la mosquée Koutoubia, des singes et des serpents, mais font des selfies avec des drapeaux et des fanions. Les wydadis ont débarqué en nombre.

Quelques marrakchis traînent aux alentours. Juché sur un scooter, un type lance, maillot du KACM sur le dos : « C’est la galère pour aller au stade, y a un bus de 40 places toutes les heures et on n’a pas d’argent pour le taxi. Se taper trois heures à pied aller-retour pour prendre des coups de matraque, ca va aller. Les Crazy Boys (groupe ultra local) boycottent. » Ce n’est pas toutefois pas une raison pour ne pas essayer de gagner sa journée : « Laisse tomber ce match pourri, reste en ville pour faire du tourisme. Je vais t’emmener à un riad pas cher ». Le système balade interminable dans la médina + je réclame 100 dirhams à la fin du trajet est bien rôdé, et je ne tombe pas dans le piège.

Le bus en question passe à 2 bons kilomètres du Grand Stade, qui lui affiche 15 bornes de distance avec le centre-ville. La trentaine de fans du Wydad va rejoindre les hordes qui se massent devant les grilles. Il fait une chaleur épouvantable. Un supporter distribue quelques bouteilles d’eau aux plus assoiffés. « T’es pas supporter de l’Espérance j’espère ? » me demande-t’il. « On s’est fait massacrer à Tunis par les flics en 2011 (Finale de Ligue des Champions contre l’Espérance)ils nous ont maltraité. A l’aéroport ça allait, c’était des supporters du Club Africain qui nous souhaitaient bonne chance. Mais au stade c’a été un cauchemar et Decastel (le coach suisse du WAC à l’époque)a fait n’importe quoi. Si un jour on retombe sur l’Espérance, ca va être chaud pour eux ici. On n’a pas oublié 2011. »

Comme prévu, les travées sont quasi-vides côté locaux, la sono est poussée au max pour couvrir les chants des 10 000 wydadis, qui sont comme chez eux. Le tifo déployé symbolise le déplacement en masse. Un « On Tour » au sommet, les estafettes comme moyen de transport, et divers symboles de villes marocaines pour signifier que tout le territoire sera concerné par ces envahissements.

Le match ? Rien à signaler. Le KACM voulait un point, a fermé le jeu, et l’équipe du WAC profilée pour jouer en contre n’a eu aucun espace. Hadjouj et le milieu de terrain marrakchi Youssef Ayati sont les seuls joueurs à avoir montré un semblant d’envie de jouer au football.

0-0, 2 frappes cadrées, et une heure et demie de marche pour rentrer au centre-ville. Mais comme le dit cet adage entendu une bonne centaine de fois durant mon séjour au Maroc : « Chez nous, le match n’est pas important. C’est les à-côtés qui sont intéressants ».

Farouk Abdou
Farouk Abdou
Actuellement à E-management, passé par Echosciences Grenoble, Le Dauphiné Libéré, Sport Translations et Tunisie foot, Africain volant pour Lucarne Opposee