Le Raja et le Wydad n’abordent pas le derby dans les mêmes dispositions. Les joueurs de Toshack, co-leaders avec le FUS, respectent leur tableau de marche et s’évertuent à gommer les imperfections, afin de mener de front Botola et Ligue des Champions. Le Raja, empêtré dans la crise, le ventre mou et une gestion calamiteuse, cherchera avant tout à contrarier le voisin au maximum, et se sublimer dans une confrontation pas comme les autres.

Wydad : Les temps de passage sont bons, tout n’est pas encore parfait

Candidat déclaré à sa propre succession, le WAC a perdu cet été 2 pièces maîtresses : Bakari Koné, précieux dans la dernière passe et dans ces coups de reins décisifs dont il a le secret, et le finisseur Malick Evouna, qui bien que maladroit lors de la phase aller a clos la saison 2014-2015 avec 16 réalisations. Pour compenser, le président Naciri a recruté en qualité et en quantité, à différents postes, mais des profils et des calibres différents du duo cité ci-dessus.

Le bilan comptable est bon, et comporte très peu de fausses notes. Comme la saison passée, les Rouges ont perdu à Rabat face au FUS et ont été sortis en Coupe du Trône dès septembre. A part ça ? 7 victoires et 3 matchs nuls, 13 points pris sur 15 à domicile, la meilleure attaque du plateau.

Dans le détail, on constate une grande variabilité dans le jeu offensif, que ce soit sur les situations (le Wydad est efficace sur attaque placée et sur coup de pied arrêté, souvent sur des combinaisons originales, a fini le boulot en contre face aux FAR et Khouribga) et sur le nombre de buteurs. Mais cette variabilité a 2 aspects. D’une part, le danger vient de partout, mais d’autre part il n’y a pas de danger N°1. L’apport d’Ounajem et Haddad, qui ont montré du bon et du moins bon, est encore irrégulier. Ondama et Cissé brillent par intermittence, et Hadjouj (4 buts) a énormément de déchet dans la finition (voir sa prestation face à Agadir, de nombreux wydadis ont dû s’arracher les cheveux). Si le Wydad veut aller loin en C1 – avec la perspective de tomber sur le TP Mazembe en huitièmes- il faut un danger N°1. C’est dans l’idée d’ajouter un profil manquant que Toshack a demandé le recrutement d’un attaquant, en plus de 2 latéraux pour doubler ces postes.

Reste 2 grandes satisfactions. L’infranchissable Mourtada Fall, qui s’est rapidement imposé comme le leader sur le terrain, parle beaucoup à ses coéquipiers et les harangue, et règne dans les airs dans les 2 surfaces (2 coups de boule décisifs contre Tanger et El Jadida). Le milieu de terrain Rachid Housni, qui avait montré un joli aperçu de ses qualités en fin de saison dernière, a gagné sa place après avoir convaincu en super-sub. Ses inspirations et ses prises de risques ont déjà rapporté gros : les coups de pied arrêtés rapidement joués contre l’OCS, le coup-franc joué court qui surprend l’arrière-garde d’El Jadida, la passe lobée pour Hadjouj contre Marrakech. Dimanche, ce sera l’un des hommes à suivre. Le WAC sera privé de Saidi, l’une des bases du double-pivot devant la défense avec Nekkach. Une chance pour Ait Ben Idir ?

Le Raja : Des résiliations, des limogeages, une équipe qui avance à l’instinct, le flou complet

Tous les ingrédients ayant mené à une saison 2014-2015 catastrophique sont présents. Il faudrait un redressement spectaculaire pour qu’ils ne mènent pas aux mêmes effets :

- Un limogeage qui n’apporte pas l’effet escompté : Ruud Krol (3 défaites en 6 matchs, une élimination fâcheuse face au FUS en demi-finales de la Coupe) n’a pas survécu à la grogne des supporters et aux débats autour de ses bricolages dans ses compositions d’équipe. La tentation Tunisienne improbable (ressortir du placard Lotfi Benzarti, frère de l’illustre Faouzi, disparu des radars depuis ses années au Golfe) ayant été une rumeur, la solution locale Taoussi a été privilégiée. Le bilan n’est pas fameux : 2 défaites à domicile, un point heureux à El Jadida, une victoire extraterrestre face à Berkane, ou rien ne semblait logique. Krol pataugeait, Taoussi prend l’eau. Aucune ligne directrice, des joueurs qui marchent uniquement à la volonté, une succession d’inspirations personnelles, le Raja navigue à vue.

Même si Ruud Krol n’était pas exempt de reproche, il est permis de se demander si le limogeage n’était pas prématuré. Perpétuer l’instabilité n’aide pas à acquérir un fonds de jeu et ne fait que fragiliser l’équipe, comme la saison dernière. Benchikha, débarqué après l’élimination en Coupe, n’était peut-être pas l’homme adéquat non plus, mais avait pris 7 points en 3 matchs et avait instauré un semblant de discipline. Le limogeage prématuré et la nomination de Romao avaient embarqué le Raja dans une saison à oublier. En sera-t-il de même avec Taoussi ?

- Exemple type du flou de la politique sportive, aucun club ne jongle entre joueurs libres et résiliations en série comme le fait le Raja. Le Tunisien Korbi, libre et à court de compétition, signe puis résilie 2 mois plus tard. Yakubu et Asamoah, dont on constate qu’ils ne font pas l’affaire 3 mois après leur signature, sont poussés vers la sortie. Lema Mabidé arrive libre, Osaguona revient après plusieurs mois au Nigéria sans jouer, Erraki arrive libre après son expérience au Golfe : une pagaille qui fait suite à d’autres séries de résiliations durant les années 2014 et 2015. Le Raja achète énormément de joueurs, en vend et en prête beaucoup, certains ne jouent jamais, d’autres disparaissent de la circulation. Une anarchie qui n’arrange rien.

Autre cible de la colère et des critiques des supporters, le président Boudrika pourrait bénéficier du rétropédalage consécutif à son énième démission, avec le flou autour de l’assemblée prévue mi-janvier.

Dans la tempête, face à un adversaire plus complet, le Raja va tout de même jouer le derby avec les recettes habituelles : l’orgueil, les à-coups des nombreux joueurs capables d’un exploit individuel (El Ouadi, Salhi, Hafidi) miser sur une bonne prestation des valeurs sûres (Jahouh, Zniti et Karrouchy) et le fait que la lutte pour la suprématie de Casa ne s’embarrasse pas de la logique. Normalement, l’orgueil et les exploits individuels ne suffisent pas à gagner un match, mais ce match est loin d’être normal.

Classement

Farouk Abdou
Farouk Abdou
Actuellement à E-management, passé par Echosciences Grenoble, Le Dauphiné Libéré, Sport Translations et Tunisie foot, Africain volant pour Lucarne Opposee