Championnat marathon, promus en nombre, révélations, et sélection, retour sur l’année argentine qui aura vu ses représentants continuer de briller sur le continent pendant que son Albiceleste ratait une fois encore la dernière marche.

Sélection : la dernière marche

Après avoir eu à digérer la défaite en finale de Coupe du Monde (et les critiques qui s’en sont suivies), la sélection de Tata Martino se retrouvait face à deux défis pour 2015 : réussir une Copa América pour laquelle elle était la grande favorite et ne pas rater son début de campagne de qualification à la Coupe du Monde. Une fois encore, la mission est partiellement accomplie. Après avoir trouvé son équilibre, installant Pastore en meneur de jeu pour laisser les Di Maria et surtout Messi enfin libre de s’exprimer sur leur côté, Tata Martino pensait vaincre le signe indien, les partitions récitées face à la Colombie puis au Paraguay en Copa América laissant entrevoir des lendemains rieurs. Mais une fois encore, la dernière marche n’a pas été gravie (lire Un final, des finales). Face au Chili, l’Argentine s’est procurée la meilleure occasion de la finale mais a craqué aux tirs au but, laissant finalement plus de regrets que de certitudes. Les dernières certitudes se sont envolées en même temps que les blessures. Messi et Agüero out, l’Albiceleste a pu mesurer que son collectif se devait d’être plus fort s’il voulait s’éviter de sacrés maux de tête dans l’optique de la qualification à la Coupe du Monde 2018. Piégée par un Equateur de plus en plus sûr de ses acquis, la sélection de Martino s’est mise en danger et se rend compte qu’elle ne dispose de plus aucune avance sur le reste du continent sur laquelle elle pourrait se reposer. Autant dire que finalement, le plus dur reste à venir.

Compétitions continentales : la confirmation

Si la sélection s’est encore hissée à une marche du toit du continent, les clubs ont quant à eux tenu à faire respecter leur statut de grands. Après le doublé de 2014 (San Lorenzo en Libertadores – lire Enfin parmi les grands, River en Sudamericana – lire Sudamericana : River écrase la finale), les engagés argentins ont poursuivi. River s’est offert un doublé Recopa Sudamericana (voir Recopa Sudamericana : River décroche un nouveau titre) – Copa Libertadores (lire Copa Libertadores 2015 : la resurrección del mas grande), pendant qu’Huracán a conclu une incroyable année 2015 par une finale en Sudamericana (lire Copa Sudamericana 2015 : Santa Fe, el primer campeón). Mieux, les représentants argentins, emmenés par le River de Gallardo ont aussi brillé sur la scène mondiale. Les Millonarios ont remporté tout à tour la Copa EuroAmericana (lire Supercopa EuroAmericana : River remporte l’intercontinentale bis), la Suruga Bank (lire Copa Suruga Bank 2015 : River s’offre un nouveau titre) avant de se montrer enfin à leur niveau en finale de la Coupe du Monde des Clubs face à un Barça qui leur était bien supérieur (lire Coupe du Monde des Clubs : la troisième couronne du Barça). A la différence des brésiliens, les argentins ont donc largement tenu leur rang, ils seront une fois encore parmi les grands favoris des prochaines Libertadores et Sudamericana.

Championnat : un (trop) long marathon

Reste que ses performances sont aussi à analyser au regard de ce qu’est devenu le championnat local. Dernier héritage de Don Julio, le marathon à 30 a montré que sur la durée, seuls les grands peuvent résister, et surtout mis en évidence un point que tout le monde craignait : la plupart des 10 promus n’étaient pas au niveau. Si certains ont été relégués comme Crucero Del Norte qui n’a jamais pris le rythme de la Primera Division ou la Nueva Chicago qui s’est réveillée sur le tard, d’autres se sont sauvés miraculeusement. C’est le cas de Sarmiento ou Temperley, équipes qui n’auront pas montré grand-chose tout au long de l’année mais qui pourront remercier le ciel d’avoir trouvé deux équipes pires qu’elles. Le souci est qu’on aura ainsi vu souvent quelques parodies de football. De la pelouse jamais tondue de l’Estadio Comandante Andrés Guacurarí de Garupá à l’absence de football proposé par plusieurs de ces équipes, les géants en auront aussi profité pour faire tourner, faisant de certains week-ends argentins des matchs de réserve. Pire, si le niveau moyen de la Primera Division en aura été affecté, les conséquences auront été bien pire à l’étage inférieur, la Segunda Division offrant quelques matchs dignes de rencontres de district. Mais tout n’est pas si sombre dans ce paysage.

La principale grande découverte de la saison se situe sur les bancs de touche du pays. Dans l’ombre du médiatique et multi-titré Marcelo Gallardo, savant mélange de l’intensité et d’audace bielista et de pragmatisme européen, ils sont en effet nombreux à avoir animé la saison de Primera Division. Citons Facundo Sava, qui, du haut de ses 41 ans, métamorphose Quilmes en appliquant à son échelle un savant mélange de Guardiola et d’Emery, ses maîtres. Dario Franco, le plus bielsiste de tous qui tente d’appliquer sa méthode au limité Colón quand un autre disciple du maître de Rosario, Claudio Vivas prend la succession de Matías Almeyda pour transformer Banfield en machine à attaquer, emmenée par le trio Cazares – Cuero – Simeone, et l’envoyer en Sudamericana. Eduardo Domínguez, l’un des derniers arrivés, passe du poste de défenseur central au banc de touche en une semaine, applique les leçons reçues de Bielsa et de Cappa, sauve Huracán et envoie le Globo en finale de Sudamericana. Citons enfin Fernando Quiroz qui a conduit Aldosivi aux portes de la Sudamericana, faisant du promu l’une des équipes à voir cette saison. Si dans ce paysage, l’école de l’efficacité symbolisée par Boca et surtout de San Lorenzo vient apporter de classiques contre-exemples parfaits qui au final tronent sur le championnat, les parfaites organisations tactiques des Belgrano de Zielinski, l’équipe la plus « Ligue 1 » par sa redoutable stratégie de contre, ou les machines à intensité des u50 arrivés au pouvoir sur les différents bancs du pays montrent que le futur en termes de coaching est plus que jamais en Argentine. Car cette saison, 19 des 30 équipes de Primera Division avaient à leur tête un technicien de moins de 50 ans, 16 de moins de 45 ans !

L’autre grande conclusion de la saison est que finalement, à l’exception de Vélez qui, privé de recrutement, aura aligné une formation proche d’une sélection u20 à de multiples reprises et de Newell’s en pleine reconstruction également, les grands du pays sont tous présents au moment de la remise des diplômes ou des places d’honneur (les 7 autres grands sont dans le top 10 final). Boca emmené par un Carlos Tevez souvent décisif s’offre le doublé, San Lorenzo et Central sont deux beaux dauphins, le Racing version Cocca termine en Libertadores quand Estudiantes et Independiente, revenu de loin après l’arrivée de Pellegrino, seront de la partie en Sudamericana.

Les révélations

Comme tout bon championnat sud-américain, la saison 2015 en Argentine aura bien évidemment livré son lot de révélations, de joueurs qui ont explosé et qui seront bien évidemment à surveiller au pays ou ailleurs (certains ayant déjà quitté leur club pour émigrer ailleurs sur le continent ou en Europe). Aussi, établir une liste s’annonce plus que compliqué, la probabilité d’en oublier étant importante. Parmi les grands, on citera Adrián Cubas, cinco intéressant côté Boca, le duo d’attaquants de River Sebastián Driussi / Lucas Alario, le premier ayant gagné du temps de jeu en championnat quand le second s’est avéré décisif dans les grands moments ou encore le maître à jouer paraguayen du Racing (que les fans de LO connaissaient déjà), Óscar Romero. Rayon meneurs de jeu, impossible de ne pas citer le duo de Central Franco Cervi / Giovani Lo Celso. Le premier a plané sur le début de saison, attirant les envies des européens et s’offrant ainsi un bon contrat à Benfica, quand le dernier s’installe sur la fin de saison comme l’avenir Canallas. Rayon offensif, il ne faut pas non plus oublier la superbe saison de Roger Martínez avec Aldosivi et qui devrait revenir briller au Racing. Impossible enfin de ne pas évoquer l’impressionnant Ezequiel Unsaín qui, du haut de ses 20 ans s’est directement installé dans les cages de la Lepra pour devenir une valeur sûre. Un joueur à suivre à l’avenir.

Le onze de l’année

Outre ces belles révélations et grandes promesses, il fallait choisir 11 joueurs pour venir composer le onze du tournoi. Si l’AFA ne s’est pas réellement creusée la tête pour concocter le sien, se contentant de prendre les joueurs ayant eu le plus grand nombre de fois l’honneur d’être joueur du match à leur poste (ce qui donne par exemple quelques choix assez étranges comme celui de voir le souvent Catastrophique Daniel Diaz ou encore Gonzalo Martínez, souvent l’objet de bien des irritations côté supporters millonarios), pour ce bilan, voici le onze proposé par LO.

On aura ainsi choisi un 4-1-3-2 sauce LO avec dans les buts l’impeccable Sebastián Torrico, l’un des hommes clés dans la saison de San Lorenzo, une défense Peruzzi – Maidana – Pinola – Mas, un vrai cinco en la personne de Matías Kranevitter, dont la perte sera immense pour River, trois milieux offensifs avec côté gauche la belle surprise du Lobo, Nacho Fernández, côté droit la machine à perforer de Banfield Mauricio Cuero dont l’entente avec Juan Cazares aura été l’une des bases de la formidable saison du Taladro et qui aura finalement réussi à montrer autre chose qu’une simple capacité à foncer tout droit au fil des matchs (même s’il a encore des défauts à corriger) et en enganche le toujours parfait Lucas Zelarayán, maître à jouer de Belgrano. Pour scorer, notre onze s’appuiera sur le duo Jonathan Calleri, indéboulonnable devant à Boca malgré les Osvaldo et autres Tevez et surtout le meilleur buteur du tournoi, totalement relancé par Central, l’ancien de l’ETG, Marco Ruben. Ne reste alors qu’à trouver un entraîneur pour cette armada. Aussi choisirons-nous Eduardo Coudet qui, pour sa première saison sur un banc, a totalement métamorphosé Central.

Vivement 2016 !

2015 à peine terminé que l’impatience est immense pour 2016. Avec la Copa América Centenario en ligne de mire pour la sélection, les fortes ambitions des géants argentins en Libertadores et les changements en Primera Division, les occasions de s’enflammer ne manqueront pas.

Principal changement, le mode de fonctionnement du tournoi. Si la formule à 30 ne devrait pas disparaitre avant quelques années, l’idée de sa caler sur les championnats européens demeure, elle permettra par exemple de ne pas faire de la Primera Division argentine un clone de la Serie A brésilienne qui voit son championnat totalement chamboulé après les mercatos d’été européens. Ainsi pour mieux se caler sur l’Europe, l’Argentine va donc offrir un nouveau tournoi de transition, autrement dit, un tournoi court. Pour cela, les 30 équipes seront réparties en deux groupes de 15, les protagonistes des clásico étant séparés afin d’offrir un clásico par week-end. A l’issu d’une phase aller simple, les vainqueurs de chaque groupe seront qualifiés pour la grande finale qui décidera du titre. A noter enfin qu’il n’y aura qu’une seule relégation à l’issue de ce tournoi.

C’est dans ce contexte qu’on assistera par exemple au retour dans l’élite de l’Atlético Tucumán et de Patronato et qu’on pourra suivre les débuts sur le banc d’Alfredo Grelak, passé brièvement par Caen en 1998 et qui remplacera Facundo Sava sur le banc de Quilmes, ce dernier ayant rejoint son club de cœur, le Racing de Lisandro López, qu’on suivra le retour de Jorge Burruchaga sur le banc de Rafaela, les débuts en Primera Division de Mauro Camoranesi sur celui de Tigre (après un premier essai au Mexique du côté des Coras de Tepic) et surtout le retour au pays tant attendu par les amoureux de football de Pablo Guede qui vient révolutionner San Lorenzo (l’occasion de lire son portrait). Bref, vivement que le football reprenne.

Les plus beaux buts de la saison 

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.