Inoubliable. Dimanche, Boca Juniors a disputé son dernier match de Superliga à domicile contre Unión. Dans une Bombonera en fusion, et grâce à un Pavón de gala, les Xeneize ne sont plus qu'à un point de leur 33e titre de champion. Non sans mal ni pesos, LO était présent pour vivre un rêve éveillé. Pèlerinage dans le « plus beau stade du monde » et son atmosphère incomparable.

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« Movete Xeneize movete ! Es la hora de ganar ». À un quart d'heure de la fin du match, en tribune, la tension est palpable. Crispés, les 50 000 hinchas font déborder la Bombonera et lèvent la voix. La Doce a un message à adresser aux joueurs : « Bougez-vous, il est temps de gagner ». Quelques secondes plus tard, l'excellent Pavón – qui arrive fort sur l'Europe – délivre un caviar à Wanchope Ábila qui ouvre le score et transforme l'antre du peuple azul y ojo en volcan. Les supporters hurlent, sautent, s'enlacent. La cancha explose, les tribunes tremblent. À Boca, la communion irrationnelle entre un peuple, son club et son stade atteint son paroxysme. Source de rêves et de fantasmes, la Bombonera incarne plus que nul autre stade la notion de douzième homme.

Avis aux pigeons : le casse-tête pour obtenir une place

Et pourtant. Assister à un match à José-Armando relève du parcours de combattant. Arrivé à Buenos Aires, le rêve de gosse se transforme rapidement en casse-tête. Impossible d'acheter des places légalement, la billetterie est gérée...par les barras bravas et les entrées réservées aux socios. Les précieux sésames passent donc par le marché noir, ses arnaques et ses prix exorbitants – pour ce match, compter entre 75 et 250€. Avis aux pigeons. Après plusieurs semaines de tergiversations et avoir visité sept autres stades de la province, je décide finalement de franchir le pas – et de me couper un bras - pour découvrir le plus légendaire d'entre eux. En ce dimanche après-midi, le pèlerinage passe par deux frères, bien connus des expatriés français, dont la technique d'obtention de billets reste mystérieuse. Pour le dernier match de Superliga de Boca à la maison, ils ont réussi à dégoter une quinzaine de cartes de socios en popular sur.

Le rendez-vous est fixé, trois heures avant, dans une des nombreuses parillas du populaire barrio de la Boca. Les consignes de sécurité passées, – aucun objet de valeur, éviter le français et dire que les billets ont été achetés sur internet... - le groupe de tourisme footballistique s'enfonce dans les rues perpendiculaires où grouillent les hinchas jaunes et bleus qui terminent leurs bières autour d'asados de fortune. Sur le chemin, les murs sont remplis de peintures et graffitis à l'effigie des gloires du club : Riquelme, Maradona, Schelotto – l'actuel entraîneur – Palermo... Plus qu'un quartier, la Boca se revendique République depuis la tentative de sécession de 1882. L'histoire et la culture du peuple xeneize mènent toujours à la source de leur fierté, la mythique Bombonera. Le massif bloc de béton construit en 1940 se dessine peu à peu au cœur de la Boca. L'accès au stade n'est pas évident, les forces policières sont nombreuses, les fouilles plus poussées que dans les autres stades de Buenos Aires et nos guides anxieux. Après quelques minutes, enfin, nous y voilà.

« Para ser campeón, hoy hay que ganar »

L'enceinte impressionne d'abord par sa verticalité. Un constat qui se vérifie lors de l'interminable montée dans les escaliers décrépis jaunes et bleus. L'air du soir s'engouffre dans les vétustes entrailles de la Bombonera et le rythme contagieux des tambours rajoute de l'impatience. Peu à peu, émerge un décor incroyable. Perchés en haut du stade, dans les tribunes sans siège de la « boite à bonbon », les familles se tassent. Au-dessus du mur de palcos, cette tribune présidentielle droite, le soleil se couche sur les buildings du quartier d'affaire de Puerto Madero et les toits des immeubles porteños où une fresque géante du revenant Tevez saute aux yeux.  En face se dresse l'intimidante et célèbre Popular : la Doce. La ferveur est contagieuse. Accrochés aux grilles, au-dessus des barbelés, le peuple coloré de la Boca se fait bruyant.

« La Doce lo que quiere es un campeonato más. Para ser campeón hoy hay que ganar ». À l'entrée des joueurs, les chants se font plus forts, les drapeaux s'agitent, les frites gonflables bleues et jaunes volent. Les Azul y oro doivent l'emporter contre Unión pour se rapprocher du titre. Malgré le vacarme incessant, le premier acte est terne. Passé le répit de la mi-temps, le public impatient redonne de la voix à la sortie d'un Tevez en difficulté : une partie par respect pour la légende, l'autre pour saluer son remplacement. Boca se fait plus pressant. Les battements de cœur des hinchas s'accélèrent et la tension envahit la Bombonera. Fatigués en cette fin de saison, les joueurs puisent dans l'énergie communicative du douzième homme. C'est de Pavón, son idole de 22 ans, que vient finalement l'ouverture du score. La tribune tremble. Le beau doublé de Wanchope Ábila à deux minutes de la fin – sur une passe géniale du numéro 7 - fait définitivement chavirer le stade. Déchaînés, les 50 000 hinchas réservent une ovation rare à la sortie de Pavón. 2-0. La passion des Xeneize pour leurs joueurs semble inégalable, l'atmosphère de la Bombonera inoubliable. Il ne manque qu'un point en deux matchs à Boca pour s'assurer un 33e championnat.

Fierté et communion

Mercredi, à La Plata, 10 000 hinchas devraient être autorisés à faire le déplacement. Le reste des Xeneize attendra avec excitation le retour des champions, prévu dans la foulée à la Bombonera. L'euphorie ambiante n'empêche pas la Doce de se montrer exigeante. Dès la fin du match, un chant monte dans les tribunes : « Yo te quiero Boca Juniors. Yo te quiero de verdad. ¡Quiero la Libertadores!. La Copa Libertadores es mi obsesión, tenés que dejar el alma y el corazón ». Mal en point en poule de la Libertadores, les hommes de Schelotto sont prévenus. À Boca, tout est question de fierté. Pour la communion, le douzième homme, lui, est toujours là. Quel kiff la Bombonera.

Ken Fernandez
Ken Fernandez
Journaliste tout terrain, je balade mon carnet et mon stylo au pays de Diego, à la recherche du nouveau Cavenagoal