Cette semaine, c’est la Rivalry Week en Major League Soccer ; une semaine où toutes les rivalités prennent place grâce à une petite organisation au niveau du calendrier. Pour l’occasion, Lucarne Opposée vous fait vivre et vous explique les histoires derrière ces affrontements en cinq volets. Au menu du troisième épisode, les rivalités californiennes.

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La Californie est définitivement une terre de soccer. Entre les Sacramento Republics, qui attirent plus de 10 000 spectateurs par match en USL (Division 2), les historiques San José Earthquakes et Los Angeles Galaxy, les nouveaux Los Angeles FC et les anciens Chivas USA, la région la plus peuplée des États-Unis est un bassin important de joueurs et supporters. La plus grosse rivalité de la région reste le CaliClásico, ou Clásico de Californie, entre les San José Earthquakes et le LA Galaxy, notamment dû à l’âge des deux franchises qui sont entrées dans la ligue en 1996 (malgré deux ans d’arrêt pour San José).

Rivalry Week - #1 : Introduction et derbies méconnus - #2 : Derbies new-yorkais, entre histoire et avenir

Le derby se faisait discret à ses débuts, bien qu’important pour la domination régionale, mais fut cristallisé par un homme, la légende de la sélection américaine, Landon Donovan. Alors le meilleur joueur de la ligue, le joueur qui vient de Los Angeles s’exprime et dit qu’il « se sent de la Bay Area », la région de San José, après trois saisons au club. Seulement voilà, après une pige ratée en Europe, il demande un changement d’air et part… Pour le rival, le Los Angeles Galaxy. Pour le club angelin, c’est un énorme coup, il arrive avant Beckham et est définitivement le meilleur joueur sur le marché étasunien de l’époque.  Pour lui, ce n’est pas vraiment un gros problème de passer d‘une ville à l’autre, mais les fans vont vite lui faire comprendre le contraire. « Mon premier match avec les Galaxy à San José, je sors de mon hôtel », raconte-t-il, « et là j’entends un ‘Hey Donovan !’, donc je me retourne et je vois un type dans sa caisse. Je souris et je le salue de loin, main tendue, puis il me répond ‘Fuck you !’ avant de démarrer. Là j’ai réalisé que peut-être, malgré mes bonnes saisons, je n’étais pas le héros du peuple de San José ». Au stade, lors du match, une réelle haine se profile. Plusieurs maillots floqués Donovan sont barrés, des pancartes à son nom sont affichées, et chaque ballon touché donnera l’occasion aux supporter des Earthquakes de le siffler, lui le meilleur joueur américain à l’époque, le héros national qui avait toujours tiré San José vers le haut. Des piñatas sont mêmes faites à son effigie, qui sont éclatées par les fans en dehors du stade. C’est le premier réel coup d’éclat d’une rivalité en MLS, alors que nous ne sommes qu’en 2005, un an avant la cannette de Red Bulls jetée par Alecko Eskandarian.

Il faut dire que la rivalité a du sens dans une Californie coupée en deux. En haut, la Bay Area de San José, avec San Francisco non loin, qui représente une dualité entre mouvement de gauche bien-pensante et extrême richesse dû à son industrie high-tech, et plus au Sud, Los Angeles, ses stars et son glamour. L’achat de Donovan par le puissant Galaxy ne fera que renforcer cette image, et c’est un duel Nord – Sud qui représente bien ce match, surtout que les deux équipes jouaient souvent les premiers rôles à l’Ouest avant l’arrivée de Seattle, Portland et Vancouver. Les matchs ont toujours attiré un nombre conséquent de supporters, et San José occupe le stade universitaire de Stanford pour le Clásico, avec des foules qui peuvent atteindre 50 000 personnes, comme en 2012.

Ce jour-là, grâce notamment à un super coup-franc de David Beckham et un but de Landon Donovan, le Galaxy est devant à 3-1 à la 41ème minute. Cependant, pendant le premier quart d’heure de la seconde mi-temps, les Earthquakes marqueront par trois fois, pour revenir à 4-3, devant une foule en délire et des soldats revenus du Moyen-Orient, invités pour l’occasion, qui célébreront sur le bord du terrain le quatrième but avec Wondolowski, le buteur et joueur historique de San José. La fin de match sera tendue, et fera même sortir de ses gonds David Beckham, qui se fritera avec les joueurs, l’arbitre et… la mascotte de San José.

Cependant, le CaliClásico pourrait, tout comme l’Atlantic Cup nommée dans l’article précédant, perdre de sa superbe dans les années à venir. En effet, la ville de Los Angeles a dorénavant un deuxième club, créant un derby dans la ville même. Certes, ce n’est pas la première fois : les Chivas USA étaient déjà une franchise MLS de Los Angeles, entre 2005 et 2014, mais ces derniers jouaient dans le même stade que le Galaxy et n’ont jamais vraiment été assez bon pour rivaliser avec eux (malgré les tentatives de la ligue pour promouvoir le « SuperClásico ») avant de disparaître totalement. Heureusement, la nouvelle franchise de Los Angeles, le LAFC, tient bon d’une meilleure façon que son prédécesseur, et amène une vraie rivalité en ville. Humoristiquement nommé El Trafico, à cause des importants bouchons en ville, le premier duel était l’occasion de voir pour la première fois Zlatan Ibrahimović sous le maillot du Galaxy. À ce moment de la saison, le Galaxy est en pleine reconstruction et tout le monde parle du LAFC, un club neuf, moderne et avec une équipe compétitive. À la 48ème, la nouvelle franchise gagne déjà 3-0, devant le public des Galaxy. Lletget réduit le score à la 61ème, avant que Zlatan entre. Pontius marque à la 73ème, puis c’est le festival du Z. Une frappe soudaine, de pleine volée, et une tête piquée, le LA Galaxy rentre avec les trois points et le premier El Trafico entre définitivement dans l’histoire. Le dernier match, joué dans l’enceinte du LAFC, ne changea pas la donne, puisqu’alors que l’équipe de Bob Bradley gagnait 2-0 à la mi-temps, elle fut rejointe à dix minutes du terme par le Galaxy, pour un score nul qui engendra quelques insultes en dehors du stade. Entre le Galaxy, qui accuse LAFC d’être une franchise sans histoire et une copie des Chivas USA, et les nouveaux venus qui appellent leurs rivaux les « Carlson Galaxy » (le stade est situé à plus d’une heure de voiture de Los Angeles, à Carlson), les futurs affrontements risques d’être tendus.

Antoine Latran
Antoine Latran
Rédacteur Etats-Unis pour @LucarneOpposee et @MLShocker, à suivre sur @AntoineLatran et @FrenchSounders