En 1981, Flamengo conclut une année parfaite en remportant la Coupe Intercontinentale face à Liverpool, adversaire que retrouvera Flamengo ce samedi en finale du Mondial des clubs.

Flamengo connaît la plus belle génération de son histoire à la fin des années 1970, avec de nombreux joueurs formés au club qui vont dominer le Brésil, l’Amérique du Sud et le monde aux débuts de la décennie suivante. Vainqueur du tricampeonato carioca entre 1978 et 1979, Flamengo remporte son premier Brasileirão en 1980 face à l’Atlético Mineiro et retrouve le club mineiro l’année suivante en Copa Libertadores et se qualifie à l’issue d’un match d’appui particulièrement houleux. En demi-finale, les Zico, Leandro, Júnior ou encore Tita et Nunes se débarrassent du Deportivo Cali et de Jorge Wilstermann pour retrouver en finale également un novice dans cette compétition, l’équipe chilienne de Cobreloa. Après trois matchs âprement disputés, Flamengo remporte la Copa Libertadores 1981 à Montevideo, trente-huit ans jour pour jour avant la finale remportée face à River Plate, également sur terrain neutre, cette fois à Lima.

Un drame touche le club

Si en 2019 Flamengo dispute également en fin d’année le Brasileirão (le club rubro-negro sera d’ailleurs sacré champion du Brésil dès le lendemain de la finale de Libertadores), en 1981 l’heure est alors au championnat carioca, une compétition dominée par Flamengo qui remporte le premier tour (Taça Guanabara) et le troisième tour (Taça Sylvio Corrêa Pacheco), laissant au Vasco la deuxième phase (Taça Ney Cidade Palmeiro). Les deux équipes se retrouvent en finale avec un net avantage pour Flamengo, qui a besoin d’un match nul pour être sacré, alors que Vasco doit remporter deux matchs pour forcer une troisième rencontre décisive. L’ancien entraîneur du Flamengo champion du Brésil en 1980, Cláudio Coutinho, est en vacances à Rio de Janeiro après une saison à Los Angeles Aztecs, club qui disparaîtra cette même année. La vie de Cláudio Coutinho est bien plus tranquille en terres américaines qu’à Rio de Janeiro, il regrette seulement de ne plus pouvoir s’adonner à son loisir préféré, la pêche sous-marine, le Pacifique étant trop froid. Alors quand Coutinho revient au Brésil, il ne pense qu’à la plongée sous-marine et après avoir pris son mal en patience quelques jours en raison du mauvais temps, Coutinho peut enfin partir le 27 novembre. Il ne reviendra pas.

Júnior, le latéral gauche du Flamengo, qui avait rendez-vous ensuite avec le Capitão, ne reverra jamais son ami et ancien entraîneur. Le corps de Cláudio Coutinho est retrouvé à vingt mètres de profondeur et est identifié par l’un de ses amis, Bruno Caritato. « Le personnel de la Marine m’a appelé : “C’est lui ?” Et là j’ai vu ses palmes, elles étaient rouges et noires. C’était un flamenguista alors… Vous savez les palmes ? Rouges et noires » confiait Bruno Caritato pour le livre d’Eduardo Monsanto, 1981, o ano rubro-negro. Cláudio Coutinho décède à 42 ans d’un accident de décompression, quatre jours après la victoire de Flamengo en Copa Libertadores. Sa mort cause un choc chez les joueurs et l’entraîneur Paulo César Carpegiani, qui a évolué sous les ordres de Coutinho au Flamengo entre 1977 et 1980 : « J’ai beaucoup appris de lui. Le dialogue, les discussions avec mes joueurs, j’ai beaucoup appris avec Cláudio Coutinho. Cette liberté d’expression a peut-être était la grande raison de son succès, en plus de toutes les connaissances qu’il avait ». Toujours pour le livre d’Eduardo Monsanto, le défenseur Marinho revient sur l’annonce de la mort du sélectionneur du Brésil à la Coupe du Monde 1978 : « Notre groupe a été très touché, ça a été difficile de dormir pour moi. Coutinho était une personne exemplaire, quelqu’un de très intelligent. Il souriait tout le temps, je ne l’ai jamais vu parler mal de quelqu’un ou lever la voix. Cela a été très dur ».

Un nouveau titre pour Flamengo

Le premier match de la finale contre Vasco ne peut pas être repoussé et a donc lieu deux jours après la mort de Coutinho alors que les joueurs de Flamengo ne peuvent pas assister à l’enterrement. Vasco s’impose 2-0 sur un doublé de Roberto Dinamite et s’offre un deuxième match, auquel assistent seulement 45 704 personnes en raison de l’importante pluie qui tombe sur Rio ce jour-là. Les conditions climatiques ne favorisent pas le jeu technique de Flamengo et Vasco repart avec une nouvelle victoire grâce à un but de Roberto Dinamite en toute fin de match. Vasco met la pression sur Flamengo avant le troisième match, le dimanche 6 décembre, où Rio se lève cette fois sous un grand soleil, un bon présage pour Andrade : « Il y avait un dimanche ensoleillé, un dimanche de plage, un dimanche de Flamengo ! Avec l’équipe qu’on avait, un dimanche avec du soleil, le Maracanã… C’était tout ce qu’on voulait, on savait qu’on allait difficilement perdre ». À la vingtième minute, Adílio, aligné pour ce match ailier gauche, ouvre le score. Quatre minutes plus tard, Nunes double la mise. En fin de match, Ticão réduit l’écart et permet au Vasco d’entretenir l’espoir. Un supporter de Flamengo entre sur le terrain afin d’interrompre le match et de calmer l’euphorie des joueurs du Vasco. « J’ai pris des coups, mais ça valait la peine » dira plus tard Roberto dos Passos Pereira, un maçon de vingt-trois ans. À la fin du match – remporté 2-1 par Flamengo, il est invité au vestiaire et reçoit le maillot de Zico. Il devient un héros alors que les rumeurs qu’il a été envoyé par des dirigeants de Flamengo apparaissent, rumeurs infondées selon Zico : « Je pense que son entrée sur le terrain n’a pas eu d’incidence, parce que Vasco ne mettait aucune pression. Je pense que personne ne l’a envoyé sur le terrain, il est entré tout seul. Et après il y a eu ce folklore, que le mec nous a sauvés ». Zico retrouvera Roberto dos Passos Pereira en 1996 lorsque la maison de ce dernier a été détruite par la pluie. Le maçon cherche alors à rencontrer son idole pour qu’il autographie son maillot précieusement gardé afin de le vendre aux enchères. La suite est racontée par Marcos Eduardo Neves dans son livre 20 jogos eternos do Flamengo : « Zico a signé le maillot, mais il lui a demandé de ne pas le vendre puisqu’il l’avait gardé si longtemps. En échange, il a offert un chèque de 12 000 reais pour qu’il reconstruise sa vie ». Flamengo remporte un nouveau titre avec ce championnat carioca, un titre qui aurait été assuré dès le premier match sans la mort de Cláudio Coutinho selon Júnior.

Dès le lendemain du match face au Vasco, les joueurs quittent le Brésil pour la Coupe Intercontinentale. Anselmo, qui avait frappé volontairement Mario Soto, le bourreau chilien lors de la finale de Copa Libertadores, est également du voyage, malgré la suspension de la CONMEBOL. Seul Adílio, en plein voyage de noces, est autorisé à ne partir que le mercredi pour rejoindre le reste des joueurs à Los Angeles. Lorsqu’il rejoint l’aéroport de Los Angeles, Adílio croise par hasard… Mario Soto, qui lui avait ouvert l’arcade à l’aide d’une pierre lors du match au Chili. « Je suis allé vite sur lui et je lui ai dit : “Je ne vais pas te frapper seulement parce que tu es avec ta femme et tes enfants”. Il est devenu rouge, jaune, de toutes les couleurs. J’ai lavé mon honneur. Si je l’avais frappé, ça aurait été moche pour moi, ces mots ont été suffisants. Il y a une heure où tu payes pour ce que tu as fait » confiait Adílio à Eduardo Monsanto.

Après un nouveau vol de près de douze heures, l’équipe arrive au Japon, accompagné du journaliste Galvão Bueno qui offre à Nunes le surnom d’Artilheiro das decisões pour marquer lors des matchs décisifs. Liverpool, qui a remporté trois des cinq dernières Coupe des clubs champions et est emmené par l’attaquant écossais Kenny Dalglish, fait office de favori. Avant l’échauffement, les joueurs brésiliens jouent de la musique puis se rassemblent pour prier, entraînant la surprise voire la moquerie des joueurs de Liverpool. « Les mecs nous ont vus nous rassembler pour prier et ont commencé à rire. Ils regardaient tous, parce que ce n’était pas quelque chose d’habituel en Europe, pas vraiment pour se moquer. Mais on a vu ça et on l’a utilisé : “Vous voyez ? Les mecs rigolent, vous allez les laisser se moquer de nous ?” Et là, tu rentres motivé sur le terrain » expliquait Júnior dans le livre 1981, o ano rubro-negro.

Démonstration rubro-negra

Au stade national de Tokyo, construit pour les Jeux Olympiques 1964, une majorité des 62 000 spectateurs supportent Liverpool, le club européen. Les Japonais sont assez peu habitués au football, comme l’expliquera Zico, lui qui permettra au football de se diffuser au pays du soleil levant avec son arrivé au Kashima Antlers en 1991. « Au Japon, quand un joueur faisait un dégagement en l’air, les spectateurs célébraient parce qu’ils pensaient que c’était comme au base-ball, que c’était un home run ». Sous la fraîcheur de Toyko, Flamengo se procure la première occasion, décrite par Marcos Eduardo Neves dans son livre 20 jogos eternos do Flamengo : « À la 12e minute, Júnior avança sur la gauche et laissa le ballon à Nunes. L’avant-centre se débarrassa de Thompson et donna à Mozer. Le défenseur central transmis à Zico dans le rond central. Nunes, qui connaissait comme personne les mouvements de corps du crack, quand il vit le numéro 10 contrôler la balle, baissa la tête et accéléra ». Zico trouve en profondeur Nunes, qui devance la sortie de Grobbelaar et ouvre le score. Sur un coup franc de Zico à la demi-heure de jeu, Grobbelaar repousse, Adílio suit et marque. Celui qui a fait une pause dans son voyage de noces pour disputer ce match peut envoyer des bisous à son épouse présente en tribunes, Flamengo mène 2-0, un souvenir évidemment marquant pour Adílio. « Tout est passé par ma tête. Je suis arrivé en lune de miel, c’était la meilleure réponse. Quand j’ai marqué, j’ai eu la sensation d’une mission accomplie. J’ai remercié Dieu, c’était ce que Coutinho voulait. Ça a été quelque chose de très spirituel, évidemment que Coutinho était avec nous. À chaque moment il était là, avec nous. C’était son souhait, voir tout cela de près ». Le maillot blanc de Flamengo, qui n’avait pas porté chance lors du match retour contre Cobreloa, est proche d’entrer dans l’histoire du club. Avant même la mi-temps, Zico lance une nouvelle fois Nunes en profondeur. L’Artilheiro das decisões croise sa frappe et fait trembler les filets. 3-0 pour Flamengo. En seconde période, Andrade est à deux doigts, ceux de Grobbelaar, de marquer sur une frappe de quarante mètres. Il ne se passera cependant pas grand-chose lors du second acte, comme le dira le numéro 10 de Liverpool, Terry McDermott : « Flamengo a terminé le match dès la première mi-temps. Il n’y avait même pas besoin de jouer la seconde période ». Flamengo domine tranquillement la rencontre, sans se mettre en danger. « J’étais à moitié frustré parce que je n’ai pas participé au match. J’ai eu un seul ballon. Flamengo aurait pu jouer sans gardien, il y aurait eu 3-1 » confiait Raul Plassman à Marcos Eduardo Neves.

Flamengo est sur le toit du monde, Phil Thompson, capitaine de Liverpool et au marquage de Zico, rendra hommage au meilleur joueur sud-américain de l’année. « Ce Zico est infernal, c’est un joueur de rêve. J’étais toujours derrière lui et même comme ça, il a mis le feu dans notre défense, avec des ouvertures absolument parfaites. C’est un monstre ». Zico reçoit de la part du sponsor de la compétition, Toyota, une voiture Celica après avoir été élu meilleur joueur du match, recevant le vote de vingt-deux journalistes, alors que dix-neuf votent pour Nunes et un choisit… le gardien de Flamengo, Raul. Nunes se consolera avec le titre de meilleur buteur et une Toyota Carina, les deux joueurs primés vont offrir un seizième de la valeur de la voiture à chacun des joueurs inscrits sur la feuille de match, montrant ainsi la force collective du groupe. Flamengo, malgré la disparition de son ancien entraîneur, réalise une année 1981 quasi parfaite avec le championnat carioca, la Copa Libertadores et conclue par une démonstration face à Liverpool lors de la Coupe Intercontinentale. Trente-huit ans plus tard, Flamengo réalise une nouvelle saison de rêve avec le championnat carioca, le Brasileirão et la Copa Libertadores, une année également marquée par un terrible drame, la mort de dix jeunes du club dans un incendie au centre de formation. Malgré cette tragédie, les joueurs du Flamengo se sont offerts une occasion d’imiter leurs glorieux aînés de 1981 avec une nouvelle finale du Mondial des clubs, à nouveau contre Liverpool. « Chaque Brésilien, vivant ou mort, a déjà été Flamengo pour un instant, pour un jour » écrivait le dramaturge et fanatique de Fluminense, Nelson Rodrigues. Comme un 13 décembre 1981 ou peut-être un 21 décembre 2019…

 

Initialement publié le 20/12/2019, mis à jour le 13/12/2023

Marcelin Chamoin
Marcelin Chamoin
Passionné par le foot brésilien depuis mes six ans. Mon cœur est rouge et noir, ma raison est jaune et verte.