Alors que le football chilien est à l’arrêt suite à la crise sanitaire créée par la pandémie du coronavirus, les questions économiques se posent dans de nombreux clubs. Et à Colo-Colo, la situation s’est fortement envenimée entre dirigeants et joueurs.
Privés de football, déjà fortement touchés par la crise sociale de fin d’année 2019, les clubs chiliens se retrouvent à devoir affronter une crise économique très sévère. C’est ainsi que la question des salaires des joueurs se pose, comme dans tous les pays du monde où le football est paralysé. Mais à Colo-Colo, cette question donne lieu à une guerre ouverte. Car aucun accord n’a encore été trouvé entre les deux parties.
Lors de conférences de presse donnée au Monumental, les dirigeants du club albo n’ont pas mâché leurs mots. Aníbal Mosa, président de Blanco y Negro a ouvert le feu : « nous avons fait une proposition visant à ne licencier personne et à ne pas toucher aux salaires les plus bas. Malheureusement, après de nombreuses conversations, nous n’avons pu parvenir à un accord avec les joueurs. Pour moi, c’est un jour très triste. Nous avons eu plusieurs réunions, jamais nous n’avons voulu arriver à une telle situation. Je leur ai demandé de faire preuve d’empathie avec nous, que nous avions besoin de leur aide. On leur a demandé une baisse de salaire. Ils ne jouent plus depuis des mois, cela fait quarante jours qu’ils ne s’entraînent plus et ils croient qu’il est juste de devoir les payer de la même manière. Un match de Libertadores nous rapporte 400M de pesos, un de championnat 200, un match contre la Católica 300. Et quand tu n’as plus ces entrées d’argent, tu dois prendre des mesures. On ne s’est pas levé un matin en se disant « comment allons-nous nous en prendre aux joueurs ». Ils comprennent la situation mondiale, mais ne veulent pas mettre la main à la poche ».
Vice-président exécutif de Blanco y Negro, Harold Mayne-Nicholls s’est ainsi déclaré « déçu, la plupart des joueurs, je les ai recrutés. Leur contrat porte ma signature », mais surtout moins vindicatif expliquant que « le directoire a communiqué avec Esteban Paredes, Julio Barroso et Matías Zaldivia, leur donnant les chiffres de la situation financière du club, ce à quoi les joueurs ont formulé une contre-proposition alors que notre offre n’était pas négociable ». C’est ainsi que la décision prise a été de mettre tout le monde au chômage : « la loi nous oblige à mettre fin à notre relation de travail. Ainsi, les joueurs, une fois notifiés, ne seront plus liés à notre institution. À partir de maintenant, et jusqu’à ce que le football reprenne, ils ne sont plus sous contrat avec nous ».
Chili : une élite en grand danger
Quelle a été la proposition des joueurs ? Elle a été dévoilée dans un communiqué publié par le syndicat des joueurs : « Après plusieurs conversations avec les dirigeants et considérant qu’ils continuent de percevoir la totalité de l’argent des droits TV, nous avons proposé l’offre suivante, qui s’applique aux personnel administratif, à l’encadrement technique et aux joueurs : une remise de 30 à 40% de nos rémunérations, en fonction de la différence de salaire, et qu’il n’y ait aucune réduction pour les plus petits salaires. Ces montants devront être entièrement reversé à partir du mois de janvier 2021 ». Une proposition qui est, selon Esteban Paredes, légende du club, la dernière en date. Le capitaine albo a ainsi répondu à quelques questions posées par des supporters sur Instagram, notamment celles évoquant le manque de solidarité des joueurs, expliquant que Blanco y Negro « est une entreprise avec une mauvaise administration. Si c’était pour le peuple, je jouerais gratuitement. Cela fait un mois qu’on leur a fait plusieurs propositions et ils n’ont jamais trouvé moindre intérêt à solutionner les choses ». Il a poursuivi pour Canal 13, montrant que le divorce semble consommé entre dirigeants et joueurs.
« Le groupe est très peiné par les propos des dirigeants. Julio Barroso, Matías Zaldivia et moi-même sont les porte-paroles d’un groupe de 25 joueurs. Nous avons très mal pris ce que Blanco y Negro a affirmé. Il est faux de dire que les joueurs et les employés du club ont accepté une réduction de salaire. Ça a été une disposition du club, presqu’une menace, nous n’avons pas eu droit de réponse. Nous nous battons toujours pour les droits des salariés et nous les avons aidés. Il est condamnable et déloyal qu’une version incomplète de la proposition des joueurs ait été divulguée, c’était un document privé, le groupe ne laisse jamais filtrer les négociations et cela nous met dans une mauvaise posture avec les supporters. Harold Mayne-Nicholls dit que les joueurs ne peuvent imposer leurs conditions et doivent accepter l’unique proposition qui leur est faite, il indique qu’il ne peut y avoir de négociations. Aníbal Mosa et Harold Mayne-Nicholls disent aussi que diminuer son salaire sans remboursement ultérieur est une tendance mondiale, c’est faux, que ce soit dans notre pays où il y a de nombreux exemples contraires comme à Universidad de Chile, Iquique, Curicó, Antofagasta, Coquimbo et à la Católica. Il y a aussi de nombreux contre-exemples à l’étranger comme à Manchester United, à l’Inter, à Barcelone. Il dit que nous ne voulons pas disputer de matchs supplémentaires, c’est faux. Il dit que nous ne sommes plus sous contrat avec le club, ce qui montre sa méconnaissance de la loi puisque d’après les nouvelles lois, ils doivent continuer de payer nos cotisations et les contrats sont juste suspendus mais toujours en vigueur. De plus, durant tout le mois d’avril, nous avons continué de travaillé. Le groupe est très blessé de ces mensonges car nous avons toujours voulu aider le club ».
Autrement dit, la situation semble arrivée à un point de non-retour même si le capitaine du Cacique indique être toujours disposé au dialogue, « pour le bien du club ». Et d’ajouter une conclusion en forme de tacle appuyé : « je me demande si Blanco y Negro a remboursé les abonnements aux gens quand nous sommes restés sans jouer suite à la crise sociale. Je me demande s’ils en feront de même maintenant ». Quand reprise il y aura, elle promet d’être électrique…



