Il n'a pas encore dix-neuf ans, il n'a fait qu'une saison avec Peñarol, mais il quitte déjà l'Uruguay pour aller émerveiller un autre public, si loin de Montevideo. Présentation de Facundo Pellistri qui devrait s'engager durant les prochaines heures avec l'Olympique Lyonnais, sous réserve de l'habituelle visite médicale et des dernières formalités.

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Après Federico Valverde, Nahitan Nández, Diego Rossi, Brian Rodríguez et Darwin Núñez, on aurait pu croire que Peñarol aurait des difficultés pour se régénérer, faire éclore de nouveaux talents. Et ce fût bien le cas avec, après les départs de Rodríguez et de Núñez, quelques matchs horribles de Peñarol qui lui ont fait perdre une saison 2019 qui semblait impossible à perdre à mi-saison. Dans ce tohu-bohu, un jeune joueur a fait son apparition et est sorti du lot par ses courses et ses dribbles. Au point d'être aujourd'hui sur toutes les lèvres, malgré seulement un an en tant que titulaire au sein de Peñarol. Ce joueur, c’est Facundo Pellistri.

Né en 2001, Pellistri arrive petit à petit dans l'effectif professionnel, mais apparaît sur les feuilles de match durant l'été 2019 et une tournée de présaison à Miami. Il faut dire que Darwin Núñez et Brian Rodríguez viennent de partir et qu'il faut donc repeupler l'armada offensive de Peñarol alors que la période des transferts est déjà terminée. Diego López offre donc ses premières minutes en amical à Pellistri, puis sa première apparition sur le terrain pour quelques minutes contre le Defensor Sporting lors de l'Intermedio. Dès le début du Clausura, Pellistri s'installe dans le onze en jouant sur le côté droit dans un milieu à cinq, avec un profil très offensif. Sa spécialité ? Être bien placé dès la réception du ballon et profiter de sa vitesse balle au pied et de sa petite taille pour déborder son adversaire. Dans l’équipe du Mémo López, il alterne les très bonnes performances et les excès, toujours en se montrant, en ne se cachant jamais. Dans une équipe comprenant de nombreux jeunes joueurs, il peut être exaspérant portant trop le ballon, voulant trop trouver la solution à lui tout seul comme lors du match 1-1 contre Juventud de Las Piedras (jouant à gauche) ou lors de la finale du championnat (la première) contre Nacional. Il est aussi capable du meilleur comme lors de ce match contre Cerro, en octobre, au cours duquel il marque son premier et seul but chez les professionnels jusqu'à présent et réussit surtout à bien combiner ses coéquipiers, notamment avec l'espagnol Xisco Jiménez. Il marque son but à la 80e, sur un centre de Gabriel Rojas qui a traversé la défense, et trompe le gardien d'une belle frappe du droit sous la barre. Malheureusement, à la fin de saison, suite à ses bonnes performances alors qu'il n'a pas dix-huit ans, mais aussi à cause des blessures de quelques cadres comme Gargano ou Viatri, Pellistri se retrouve involontairement comme la star de l'équipe, une star qui veut parfois trop en faire. Lors de la deuxième et ultime finale, López le conserve sur le banc et titularise le « vieux » Estoyanoff pour mieux protéger le couloir et le faire entrer plus tard dans le match face à une défense fatiguée. Malheureusement, même si Pellistri entre alors que le score est toujours de zéro à zéro et qu'Estoyanoff pleure sur le banc d'impuissance et de rage, c'est Nacional qui ouvre le score logiquement, sous la pluie, par Zunino sur un centre venu du côté de Pellistri. Peñarol termine à neuf, carbonisé, et le jeune Pellistri n'y peut rien, malgré une dernière occasion de la tête, qui n'est vraiment pas son point fort, l'équipe perd la finale. L'arrivée de Diego Forlán pour la saison 2020 change le schéma de l'équipe et Pellistri se recentre, prenant d'ailleurs le numéro 10, dans une équipe plus regroupée. Il effectue un bon match contre le Defensor, mais le coronavirus arrête là sa progression.

Au retour du confinement, début août, on parle déjà de son départ et son rendement faiblit. Dans une équipe de Forlán qui ne tourne pas rond, il est soit bien contenu par son adversaire (notamment lors du clásico de reprise de la quatrième journée), soit en dedans comme lors de son dernier match contre River Plate. Sa meilleure action du semestre est contre Liverpool, quand il vient s’emboîter sur le défenseur après une course de trente mètres, Terans terminant l'action en récupérant le ballon et en trompant le gardien. Au final, en un an, il n'aura jamais réussi à faire gagner son équipe, contrairement par exemple à Brian Rodríguez un an un plus tôt, qui était capable dans le jeu de faire la différence. Il aura connu trois entraîneurs, et Peñarol avec lui continue de souffrir, avec notamment une quasi-élimination en Copa Libertadores après deux défaites en septembre contre Colo-Colo puis Jorge Wilsterman, malgré un but de Pellistri au Chili.

Facundo Pellistri dispose malgré tout de nombreux atouts pour réussir, notamment un instinct et une conduite de balle très largement au-dessus de la moyenne. Il devra progresser surtout sur les frappes au but, ayant montré quelques carences à ce sujet, avec notamment des statistiques assez faibles malgré de très nombreuses occasions. Il devra aussi sans doute se fortifier physiquement face à des adversaires plus puissants que ce qu'il a pu rencontrer jusqu'à présent, alors qu'il souffrait déjà de cette absence de puissance en Uruguay. C'est un joueur offensif de couloir de droit, mais il peut aussi être recentré dans l'axe, même s’il perd de sa capacité de débordement, à pouvoir faire la différence lorsqu’empêtré dans la nasse. Il a aussi déjà joué à gauche et cela s'est plutôt mal passé. Il ne fait pas partie des cycles de jeunes de l'Uruguay, mais d'autres avant lui sont parvenus à s'imposer après en sélection, cela prendra juste un peu plus de temps. Le principal risque est qu'il n'a que dix-huit ans, très jeune donc, et qu'il faudra désormais qu'il s'adapte complètement avec une pression différente de celle qu'il a pu ressentir du côté de Peñarol. Certains, à qui nous prédisions l'échec, ont réussi, à l'image de Federico Valverde, parti lui aussi à cet âge en Europe. D'autres ont échoué, comme Mathías Rodríguez, parti au même âge au Real Madrid, qui est aujourd'hui sans club à seulement vingt-deux ans.

On peut aussi regretter tous ces joueurs qui ont quitté Peñarol ces cinq dernières années. Le club aurait une drôle de tête en Libertadores s'ils étaient restés. Mais Pellistri s'en va pour un salaire d'environ 500 000€ à l'année, contre une trentaine de milliers de dollars du côté de Peñarol. Un Peñarol qui fait également une bonne opération si l'on en croit les chiffres annoncés (5M€ + 2M€ de bonus et surtout 40% sur la plus value à la revente). On lui souhaite plein de réussite, sachant qu'il rejoint une courte de liste d'Uruguayens ayant joué pour Lyon, mais une liste glorieuse, composée de seulement deux joueurs. Le premier, Carlos Mutti, ancien gardien du FC Lyon est mort pour la France, préférant rejoindre le front et ses compagnons plutôt que de les abandonner pour jouer une finale de Coupe de France. Le second n'est autre qu'Ildo Maneiro, champion d'Amérique du Sud et du monde avec Nacional en 1971, qui avait ensuite rejoint l'Olympique Lyonnais pour trois saisons. À la tête de la sélection entre 1992 et 1993, il échoue à qualifier l'Uruguay pour la Coupe du Monde aux États-Unis.

Jérôme Lecigne
Jérôme Lecigne
Spécialiste du football uruguayen, Suisse de l'Amérique du Sud, Patrie des poètes Jules Supervielle, Juan Carlos Onetti et Alvaro Recoba