Séduisante mais maladroite contre le Chili et balayée par l'Algérie, la Colombie repart de ses deux matches d'octobre avec des doutes et des critiques. Avec en première ligne le sélectionneur Carlos Queiroz à qui on reproche notamment l'absence de plusieurs joueurs.
Tout a commencé avec une liste de 24 joueurs sans meneur de jeu, comme pour la liste précédente, une rupture totale avec José Pékerman qui a utilisé Macnelly Torres, Juan Fernando Quintero, Edwin Cardona, Gio Moreno ou évidemment James. Sans dix, le sélectionneur portugais privilégie donc un 4/3/3 avec Cuadrado replacé dans un rôle de milieu relayeur. Si l'absence de Juan Fernando Quintero est assez logique, le joueur de River revient à peine de sa rupture des croisés, celle de James a évidemment fait parler. Interrogé sur le sujet, Queiroz s'est justifié en affirmant que « les décisions sont simples, je les prends après avoir analysé les joueurs. Toutes les décisions que je prends sont la réponse à une question simple, qu'est-ce-qui le mieux pour l'équipe. Il n'y a pas d'accord, il n'y a pas de complicité. L'équipe nationale est plus grande que moi ». Récemment arrivé en Turquie Radamel Falcao n'était pas du voyage non plus « il faut savoir gérer les joueurs » a expliqué le nouveau sélectionneur en justifiant que depuis le Mondial 2014, l'ancien attaquant de Monaco avait manqué plus de 40% des convocations. Enfin, le dernier cadre grand absent c'est Santiago Arias. Pièce maitresse depuis plusieurs années le joueur de l'Atlético de Madrid et le technicien seraient en froid. C'est ce que confirme certains journalistes qui ont pu parler en off avec le sélectionneur. Comme un certain Edwin Cardona.
Ces absents ont clairement fait parler, notamment après la lourde défaite contre l'Algérie pour ce qui a été de très loin le pire match de l'ère Queiroz. À commencer par Víctor Aristizábal, meilleur buteur de la Copa América 2001 qui a lâché un « Il (Carlos Queiroz) doit respecter l'histoire de notre pays. On a toujours joué dans les pieds, avec un jeu court (…) Si la Colombie continue comme il le veut sans être flexible on ira nul part.(...) Quand la Colombie joue bien c'est toujours quand elle joue à la colombienne, quand James est bon, quand Falcao est bon. Et là attention on fait quelque chose de différent. Il doit être plus flexible, s'il ne l'est pas plus on va mal arriver aux éliminatoires ». De son côté, l'ancien gardien de Metz Faryd Mondragón a lui pointé du doigt le manque de leadership de cette équipe « c'est une affaire de fragilité interne, d'état d'esprit, où en ce moment le groupe n'a ni les ressources physiques ni mentales pour faire face à une crise. (…) Quand vous entendez les réactions (NDLR : après la défaite contre l'Algérie) le facteur commun est « le premier but nous a fait mal, le deuxième nous a tué ». Mais ce n'est pas ça le football de haut niveau ». Avant de raconter une anecdote sur Mario Yepes dévoilant un message à peine caché au sélectionneur. Même son de cloche chez l'ancien international Carlos Valdés qui a simplement écrit sur son compte Twitter « il y a une grande différence entre improviser et essayer ». Chez les journalistes, on a aussi ciblé quelques joueurs. Même si Carlos Antonio Vélez, journaliste influent, préfère « perdre les amicaux et ainsi voir les erreurs, ce sur quoi ils se sont trompés, ce qui sert et ce qui ne sert pas », pour lui « il y a beaucoup de joueurs qui se sont sortis de l'équipe. Je suis certain que Muriel est un petit joueur. Il a fait un bon match sur dix. C'est un joueur qui ne pèse pas. Roger est un bon remplaçant. Mais on ne peut pas avoir ces joueurs et mettre Santos Borré de côté ». Alejandro Pino Calad, directeur de Publimetro de conclure « la Colombie de Queiroz a oublié ce qu'on a toujours été. Cette verticalité sans idée et sans talent n'est pas un pas en avant, c'est un pas en arrière ».
Pourquoi cette salve de critiques ? Sur le plan sportif, il n’y a pas eu de surprises contre le Chili. Un 4/3/3 avec Roger Martínez et Luis Muriel pour occuper les ailes et Duván Zapata, puis Alfredo Morelos devant, Juan Cuadrado dans un milieu à trois avec Yairo Moreno et évidemment Wilmar Barrios, et Tesillo et Medina comme latéraux. Rien de neuf sous le soleil, une équipe très solide derrière, qui n’a concédé qu’un seul tir chilien, hors cadre, sur tout le match et beaucoup de maladresse devant. C'est donc évidemment le match de l'Algérie qui a entrainé ces critiques. Six changements, dont les latéraux, Mina et Barrios. Si la Colombie est plutôt bien entrée dans son match elle a explosé en cinq minutes et pris deux buts, dont le premier venu d'une erreur de Murillo, le remplaçant de Mina. Mais surtout c'est le non-sens tactique qui interroge. Mi 4/4/2 mi 4/3/3 avec le seul talent individuel pour créer des occasions, la Colombie a terminé le match avec Luis Díaz, Andrés Ibargüen, Luis Sinisterra et Roger Martínez devant soit trois joueurs de couloir et Roger qui est utilisé comme ailier gauche par le technicien portugais. Illisible voire incohérent.
Les deux prochains matches, contre le Pérou et l'Équateur seront cruciaux pour Queiroz. Ce seront les deux derniers amicaux avant le début des qualifications pour la Coupe du Monde 2022. La liste tout d'abord sera évidemment à surveiller. James et Quintero en feront partie ? Verra-t-on Arias de nouveau en sélection ? Prendra-t-il un milieu récupérateur comme Cuéllar pour suppléer Barrios ? Autant d'interrogations qui peuvent continuer de détruire toutes les certitudes colombiennes que l’on pensait acquises ces derniers mois et la faire revenir presque dix ans en arrière.


