Deuxième session des éliminatoires sud-américains pour Qatar 2022. Entre intensité, polémiques, golazos, on peut déjà tirer les premiers enseignements.
Bolivie 1 – 2 Argentine
Il y a eu la victoire d’avant Mondial 1966, celle de la sélection fantôme en 1975 puis celle de 2005 à laquelle participait un certain Lionel Scaloni. Trois petites victoires à La Paz, c’est dire si en termes de résultat, la victoire de l’Albiceleste à l’Hernando Siles est un fait rare, quasi historique. Mais au final, c’est un peu tout ce que l’on peut retenir de la performance des hommes d’un Scaloni qui semble-t-il sait gagner en altitude. La chance de Scaloni est que la Bolivie actuelle est sans aucun doute la pire sélection des dix inscrites à ces éliminatoires. La Verde avait préparé son coup avec plus de cinquante jours de préparation et une équipe dédiée à ce choc. On l’a vu un temps, celui que l’Argentine a mis pour se mettre en action. En première période, les hommes de César Farías se sont donc procurés les meilleures « situations », ont été récompensés par un but signé Marcelo Martins sur un bon service d’Alejandro Chumacero et ont semblé surtout contrôler la partie face à une Argentine qui pour sa part semblait surtout préoccupée par l’idée de garder de l’énergie pour la fin du match. La chance de l’Argentine est qu’il lui a suffi d’une frappe de Paredes venue écraser le montant de Lampe pour terroriser la Bolivie. Pire, une action individuelle à base de contres favorables a permis à Lautaro d’égaliser juste avant la pause et ainsi faire tomber le château de carte assemblé par Farías qui, en plus, a choisi de sortir le duo Raúl Castro - Alejandro Chumacero peu après l’heure de jeu alors que celui-ci avait le dessus au milieu. Alors forcément, tout s’est effondré. Martins s’est retrouvé totalement isolé devant, la Bolivie n’a plus rien généré et laissé l’Argentine dicter la suite du match pour finalement aller chercher donc cette victoire historique. S’il est trop prématuré de conclure à une renaissance albiceleste tant cette Argentine montre peu de choses convaincantes, il est une certitude : plombé par les luttes intestines au sein de sa fédération, par les clubs qui pensent chacun à leur intérêt personnel, et peu aidé par un sélectionneur sans idée qui semble surtout intéressé par ses ambitions personnelles (pas forcément sportives), la Bolivie semble déjà partie pour passer des éliminatoires à servir de victime expiatoire à toutes les autres sélections. Et tant pis si le retard qu’elle accumule ne cesse de croître…
Équateur 4 – 2 Uruguay
Par Jérôme Lecigne
Les deux équipes affichaient quelques changements après une première journée marquée par la victoire de l’Uruguay contre le Chili et la défaite de l’Équateur contre l’Argentine. Côté Uruguay, le match était l’occasion de voir le jeune Ronald Araujo en défense en lieu et place de Coates, qui n’avait pas donné satisfaction contre le Chili. Côté équatorien, c’était le premier match « à domicile » de l’entraîneur Alfaro. Si l’Uruguay-Chili de jeudi avait été un match fermé, qui s’était terminé miraculeusement sur le score de deux buts à un devant le peu d’occasions, ce match aurait pu se terminer sur un score de tennis et cela n’aurait rien eu de choquant. L’Équateur a fortement dominé la première mi-temps, avec deux buts et une bonne douzaine d’occasions. La Tri ouvrait le score dès la treizième minute sur un but de Mena, qui joue un coup-franc à deux. Devant le gardien, Caicedo semble toucher le ballon et sa position gêne Campaña qui ne sait quoi faire et est trompé sur sa droite. Le deuxième but vient d’un ballon perdu sur le côté droit par Brian Rodríguez, Godín tacle le ballon mais le remet dans l’axe sur Estrada qui trompe facilement Campaña. Entre les deux, l’Équateur aurait pu marquer cinq buts de plus, par des occasions de Caicedo ou Estrada (qui voit un but refusé au VAR à cause d’une main plus tôt dans l’action). Dans le même temps, l’Uruguay souffre mais arrive à sortir de temps en temps en contre et le plus souvent loupe de peu des occasions en or à cause d’une mauvaise passe. Un but est refusé à Nández pour un hors-jeu peu évident et l’Uruguay n’arrive pas à marquer durant les quarante-cinq premières minutes. À la mi-temps, Tábarez change les deux milieux latéraux, avec les entrées de De La Cruz et Darwin Nuñez en lieu et place de Nández et Rodríguez. Les locaux semblent être restés au vestiaire et après une bonne combinaison, l’entrant Darwin Nuñez marque presque son premier but officiel avec la Celeste en deux temps, de près. Malheureusement, la balle a touché son bras après un premier contact et le but est annulé. Sur la reprise, Valencia effectue une petite talonnade dans l’axe vers Estrada qui trompe à nouveau Campaña au ras du poteau pour le but du KO, le but du trois à zéro. Le match perd alors en intérêt, l’Uruguay n’y est plus, de nombreux joueurs sont asphyxiés, morts, à l’image de Viña ou Godín. Plata marque un autre but, sur le côté d’un Viña cuit. Mena passe bien dans la surface vers Plata qui dribble Campaña et le trompe sur sa droite. À la 83e puis à la 94e, Suárez réduit bien l’écart sur penalty, mais pour l’honneur, car l’écart est déjà bien trop grand. L’Équateur réussit un bon match, avec une très bonne attaque et des failles défensives qui n’ont pas été exploitées par l’adversaire. Une très bonne base de travail pour Alfaro. Côté Uruguay, perdre en Équateur à Quito est une habitude, c’était déjà le cas lors des deux derniers tournois de qualification. Toute raison avancée sera automatiquement qualifiée d’excuse, et on ne dira donc rien, même si on peut noter que ce match a souligné des faiblesses déjà entrevues face au Chili face à des transitions adverses, notamment dans les couloirs, au niveau du repli et avec une défense centrale manquant de vitesse. Les matchs contre la Colombie puis le Brésil donneront tout de même une idée plus précise de la suite des événements.
Venezuela 0 – 1 Paraguay
S’il ne faut retenir qu’une chose des deux sorties paraguayennes durant cette première session d’éliminatoires, c’est bien que l’Albirroja possède une incroyable capacité à frapper son adversaire au pic de ses propres temps faibles. À Mérida, le 4-3-3 de Berizzo a ainsi dominé le premier acte sans marquer avant de s’imposer au terme d’une deuxième période qui l’a vu souffrir. Sur les quarante-cinq premières minutes, à l’exception d’une mine longue distance de Rómulo Otero qui a écrasé la transversale d’Antony Silva, jamais les visiteurs n’ont été menacés. Mieux, ils se sont procurés plusieurs situations d’ouvrir la marque, mais ni Gastón Giménez, ni Alberto Espínola, ni Ángel Romero ne parvenaient à se montrer suffisamment justes pour conclure. Ce défaut de justesse, quand Fariñez ne réussissait pas quelques miracles dans les buts vénézuéliens, coûtait au Paraguay qui allait disparaître de la rencontre au fil des minutes, la faute à une équipe capable de conserver le ballon sans pour autant savoir qu’en faire. Alors, petit à petit, la Vinotinto est véritablement entrée dans son match, comme sortie de sa torpeur. Le but de Yangel Herrera aurait pu tout changer si le VAR ne l’avait pas annulé après avoir montré que le ballon avait touché le bras du milieu vénézuélien. C’est alors qu’au plus fort de la domination des locaux, quelques minutes après l’énorme occasion pour Córdova bien sortie par Silva, que les visiteurs ont ainsi frappé, sur l’une de leurs rares montées du deuxième acte. Alberto Espínola filait côté droit et servait Gastón Giménez dont la frappe ne laissait aucune chance à Fariñez. Berizzo sentait le bon coup et envoyait alors trois défenseurs (Fabián Balbuena, Robert Rojas et Omar Alderete) pour verrouiller la rencontre. Il lui faudra surtout compter sur un Antony Silva en feu, qui claque le penalty d’Herrera, pour assurer la victoire. Une victoire qui fait mal à un Venezuela de José Peseiro bien trop timide pour espérer quoi que ce soit et pour qui les éliminatoires risquent d’être très compliqués.
Pérou 2 – 4 Brésil
L’heure était alors venue de monter en puissance avec le choc entre Pérou et Brésil qui se tenait à Lima. Si l’on n’avait pas pu tirer grand enseignement de la victoire de la Seleção face au sparring-partner bolivien quelques jours plus tôt, le premier test était venu pour les hommes de Tite. Et le début a été des plus compliqué. Agressif, offensif et juste techniquement, le Pérou de Gareca entrait parfaitement dans la partie, provoquant quelques erreurs brésiliennes et surtout générant du danger. Juste récompense, André Carrillo envoyait une mine sur un mauvais renvoi de Marquinhos pour ouvrir la marque en faveur des locaux et véritablement lancer le match. Après avoir digéré le but et la sortie sur blessure du défenseur parisien, le Brésil allait alors se mettre en action, emmené par un Neymar des grands soirs. Et allait trouver une « aide » providentielle (bien que franchement non utile) : Julio Bascuñán. L’arbitre de la rencontre avait déjà un handicap pour satisfaire le peuple blanc et rouge, il est chilien. Mais une fois qu’il a décidé d’accorder deux penalties très sévères en faveur des visiteurs (sans jamais faire appel au VAR pour vérifier) puis de s’en remettre à la technologie pour exclure Zambrano, il n’en fallait pas plus pour focaliser toutes les rancœurs. Le fait est, on l’a écrit ici, que ce Brésil, lorsqu’il est emmené par un Neymar dans cette forme-là, quand il s’appuie sur un excellent Richarlison, n’a besoin d’aucune aide extérieure. Certes la Seleção a mis du temps à entrer dans ses deux mi-temps, mais la machine fonctionne déjà à plein régime. Le Brésil s’est procuré de nombreuses situations de tuer le match plus tôt et s’en est donc remis à un triplé de son numéro 10, qui dépasse aujourd’hui un Fenômeno pour n’avoir plus que Pelé dans le viseur, pour s’imposer à Lima. Et assoir s’il le fallait, son statut de grandissime favori.
Chili 2 – 2 Colombie
À peine le Chili digérait les polémiques de Montevideo, qu’il lui fallait se remettre dans le bon sens. Problème pour la bande à Rueda, indépendamment des absences qui touchent la sélection, la Colombie se présentait au Nacional. Une Colombie version Queiroz monstre d’équilibre, et ce malgré les coups durs qui ne cessent de s’abattre sur elle, notamment au poste de latéral droit. Avant de devoir sortir sur blessure, Stefan Medina avait ainsi eu le temps de faire mal à la Roja, profitant d’un ballon récupéré sur une horrible sortie chilienne, pour déposer un amour de centre sur la tête d’un Lerma totalement seul face au but. Sa sortie a changé un temps les choses. Car en repositionnant Cuadrado en latéral, Queiroz a perdu une connexion pour James et comme conséquence dans la genèse des offensives cafeteras, a permis à un Chili en mode intensité et combat, de revenir. On ne pourra jamais reprocher au Chili de Rueda de s’économiser. À l’image d’un Rey Vidal qui mort tout ce qui se présente à lui, sa Roja est celle du combat et du don de soi. Mais elle manque de jeu, ne reposant essentiellement que sur les fulgurances (assez nombreuses mais tout de même limitées) d’un Alexis Sánchez. Cela a suffi pour retourner le match dans les quarante-cinq premières minutes, sur une mine incroyable de penalty transformé par Vidal et sur une inspiration du Niño maravilla. Mais sur la durée, cela ne peut tenir. Surtout quand au fil des minutes, le Chili laisse le ballon à son adversaire, se repli comme une équipe qui a peur de tout perdre. Alors Queiroz a agi : la Colombie a terminé la rencontre en la dominant de la tête et des épaules, s’est permise de sortir son point d’équilibre Wilmar Barrios, pour terminer avec trois numéros 9. Et comme juste récompense, cela a payé lors que le plus légendaire de tous, un Tigre a tendu la jambe pour égaliser dans le temps additionnel. Falcao devient le premier joueur colombien à marquer lors de quatre campagnes éliminatoires et le meilleur buteur de la sélection dans ce délicat parcours. Il permet surtout à la Colombie de ramener un bon point du Chili, laissant un candidat direct à trois longueurs au classement. Un rival qui a besoin de repenser son football s’il veut espérer mieux et au sein duquel la position de Rueda, confortée par une bonne Copa América 2019, pourrait rapidement redevenir précaire.



