Coup d’envoi de la folle triple session d’éliminatoires sud-américains. Alors que les espoirs de certains pourraient être définitivement enterrés à l’issu de ce sprint totalement dingue, chaque sélection (ou presque) arrive avec de sacrés casse-têtes à résoudre.

bandeaubielsa

La FIFA ayant décidé de se coucher devant la puissance des géants d’Europe, notamment les clubs anglais, ce sont plus d’une quarantaine de joueurs qui ne participeront pas à la triple (!!) session d’éliminatoires sud-américains. Difficile de ne pas y avoir une compétition faussée alors qu’elle arrive à son premier tournant, celui qui pourrait déjà enterrer quelques espoirs. Tour d’horizon de la soirée.

22 heures, Bolivie – Colombie

Par Pierre Gerbeaud

Avec cinq points pris sur les neuf derniers en jeu, la Bolivie veut profiter de la Paz pour s’offrir le droit de continuer de rêver. En cas de succès, la Verde reviendrait à hauteur de son adversaire du jour, la Colombie. Seul hic pour César Farías, deux joueurs clés sont suspendus, Henry Vaca et Leonel Justiniano tandis qu’Alejandro Chumacero est incertain et quoiqu’il arrive il ne devrait pas pouvoir tenir tout le match. Évidemment le meilleur buteur de l’histoire de la sélection bolivienne sera bien là avec un petit défi. Si Marcelo Martins Moreno trouve le chemin des filets il réalisera le Grand Chelem avec un but en éliminatoires contre toutes les nations du continent. Battue à la maison par l’Argentine et l’Équateur, la Bolivie devra donc réaliser l’exploit de battre une sélection qu’elle n’a vaincue qu’à une seule reprise dans son antre, c’était en 2003 et un large succès 4-0 grâce à un triplé de Joaquín Botero.

Côté colombien, il faudra mieux négocier ce déplacement en altitude que celui de Quito il y a un an. Et pour ça le sélectionneur Reinaldo Rueda a fait appel à des joueurs du championnat locaux qui ont l’habitude de jouer à plus de 2600 mètres d’altitude, des joueurs qui se sont retrouvés dans la capitale colombienne au début du mois justement pour préparer ce premier match. Andrés Román devrait connaître sa première titularisation en sélection et Alexander Mejía devrait lui aussi débuter le match et donc faire son retour en sélection, lui qui a été sélectionné pour la Coupe du monde 2014. En l’absence de Mina, c’est bien Óscar Murillo qui devrait être aligné aux côtés de Davinson Sánchez. Le défenseur central de Pachuca est lui aussi habitué à jouer au-dessus des 2000 mètres. Pour le reste, Rueda devrait renforcer son milieu avec un troisième homme pour éviter de souffrir au milieu et d’avoir un peu plus de contrôle. Si Juan Fernando Quintero et Radamel Falcao sont là, ils devraient être préservés pour la suite, surtout qu’en pointe Miguel Borja arrive avec bien plus de temps de jeu que l’ancien attaquant de Galatasaray. Troisième de la dernière Copa América, la Colombie essaiera donc de continuer sur cette dynamique.

23 heures, Équateur – Paraguay

Rester dans la zone des qualifiés. Après la défaite (envisageable voire prévisible) au Brésil et la mauvaise surprise face au Pérou, la Tri équatorienne n’a d’autre choix que de retrouver rapidement le chemin de la victoire à l’heure d’accueillir le Paraguay. Pour cela, Gustavo Alfaro se prépare non seulement à la parfaite organisation tactique des Guaraníes, auteurs d’une Copa América intéressante, « on sait qu’ils vont chercher à bloquer nos espaces, qu’ils vont nous presser, on connait leurs qualités, notamment dans les airs », mais veut surtout se concentrer sur une Tri qui a également livrée une bonne Copa América mais recherche « la solidité ». L’objectif est donc avant tout de ne « pas reproduire les erreurs » observées notamment face au Pérou lors de la défaite à Quito et « ne pas laisser d’espaces lorsque l’on contrôle le ballon ». Il faudra s’attendre donc à un bloc compact côté Équateur même si on s’oriente vers une défense à trois et des ambitions offensives avec des flèches dans les couloirs. La liste d’Alfaro est jeune et manque d’expérience, ce qui, à l’heure de vouloir minimiser les erreurs, pourrait poser des soucis, et trouve en ses cadres, tels que Piero Hincapié, Pervis Estupiñán, Alan Franco ou ses pépites Moisés Caicedo et Gonzalo Plata, de nombreux joueurs en manque de temps de jeu en club.. Reste une joie tout de même, celle de retrouver le public, le Rodrigo Paz ayant fixé la jauge à un tiers des 42 000 places disponibles.

Face à la Tri, arrive un Paraguay bien ancré de certitudes. Celles acquises par une invincibilité en déplacement dans cette campagne, celles acquises durant une Copa América et d’une claire identité de jeu, la patte Berizzo étant désormais solidement ancrée. Pour le déplacement sur les hauteurs de Quito, on devrait ainsi retrouver la même formule, celle faite de force défensive intraitable notamment dans le jeu aérien et symbolisée, une forte capacité à prendre son destin en main, sortant le Paraguay du cliché d’une équipe de transition. D’autant que l’atout numéro 1 du jeu de transition offensive, l’immense Miguel Almirón a été retenu en Angleterre. Il faudra donc trouver d’autres solutions offensives, le grand chantier mis en évidence par une Copa América où la bande à Toto a éprouvé bien des peines à convertir ses situations. Attention cependant car Berizzo doit faire sans l’âme de l’équipe Gustavo Gómez, suspendu, et aussi sans Omar Alderete, lui aussi suspendu mais surtout les deux avant-centres, gros point noir des Guaraníes, Carlos González et Gabriel Ávalos, tous deux blessés. De quoi lancer Luis Amarilla, qui brille ces derniers temps avec la LDU, le pensionnaire de la Casa Blanca hôte du choc du soir.

2 heures, Venezuela – Argentine

Avec Rodolphe Wilhelm

Après une Copa America mouvementée avec les cas de COVID-19, les blessures, le Venezuela, avant-dernier, doit désormais faire avec un sélectionneur intérimaire. Également coach du Lara FC club dont le nouveau président de la fédération vénézuélienne de football (FVF) est l’ancien patron, ce qui a aussi permis de rapidement réagir après la démission du portugais Jose Peseiro, le nouvel homme fort de la Vinotinto arrive en terres inconnues : « Nous sommes arrivés avec peu de temps pour travailler et en plus nous souffrons d’absences importantes. Mais nous allons essayer de faire en sorte que les joueurs présents puissent profiter du moment avec responsabilité ». Privé de Yordan Osorio, Yangel Herrera, Salomón Rondón, Fernando Aristiguieta et Darwin Machís, Leo González doit donc bricoler alors que la triple fecha de septembre pourrait déjà enterrer les maigres espoirs de qualification à une sélection qui se cherche. Il s’appuiera ainsi sur des noms comme Adrían Martínez, Cristhian Rivas et Bernaldo Manzano qui évoluent dans le championnat local, Martínez (Deportivo La Guaira) et Rivas (Estudiantes de Mérida) appelés de dernières minutes au centre d’entraînement à Caracas, mais également sur bon nombre de cadres, tels que Wuilker Fariñez (Lens) qui retrouvera sa place de titulaire alors qu’il ne joue pas en France, le capitaine Tomás Rincón, les deux Martínez, Josef (Atlanta United) et José (Philadelphia Union) ou encore Yefferson Soteldo (Toronto FC). Avec l’Argentine au menu, on devrait cependant se tourner vers le bloc compact « le potentiel offensif de l’Argentine est immense, avec de grands joueurs compliqués à gérer, mais avec discipline et des lignes réduites, on cherchera à minimiser les possibilités pour eux de nous faire mal ». Tout l’intérêt sera donc de savoir si Leo González parviendra à entretenir l’héritage et les promesses laissées par l’excellent travail mené par José Peseiro avant son départ.

D’autant qu’en face, l’Argentine arrive forte non seulement d’une malédiction vaincue en Copa América, de certitudes immenses dans son organisation tactique et ses combinaisons, mais surtout avec de nouvelles ambitions. « Le peu que j’ai pu dire au groupe est qu’il est clair qu’un nouveau défi se présente à nous » a ainsi expliqué Lionel Scaloni. « Toutes les sélections veulent battre le champion. Nous avons été sacrés il y a peu, maintenant, nous devons digne de ce statut ». La chance de Scaloni est qu’il n’aura pas à gérer des absences de taille, Cuti Romero et Paredes étant prévus car suspendus. On devrait ainsi retrouver quasiment le onze qui a décroché la Copa América au Brésil, emmené par son capitaine Leo Messi, en mission pour aller chercher de dernier trophée qui manque à son immense carrière. Un onze de départ que le héros du Maracanã, Ángel Di María devrait retrouver et au sein duquel Scaloni envisage de gérer avec précaution pour mieux jongler entre état physique de chacun, trois matchs à gérer en une semaine, et risques de suspension alors que le plat suivant du copieux menu des éliminatoires de septembre se nomme Brésil.

3 heures, Pérou – Uruguay

Par Jérôme Lecigne

La semaine en Uruguay a été marqué par l'absence d'Edinson Cavani. On a beaucoup parlé du refus des Anglais et de la porte ouverte sur l'avenir de clubs refusant de céder leur joueur... Tabárez a tenté de clarifier la situation lors de la conférence de presse de lundi en déclarant « les décisions sont celles du corps d'entraîneur et donc de moi-même, mais nous avons besoin d'une décision institutionnelle, ça devrait être une décision institutionnelle ». Il a ensuite expliqué l'annulation de la convocation de Cavani en expliquant que le joueur aurait dû passer dix jours dans un hôtel sans entraîneur et sans équilibre alimentaire avant d'avoir une nouvelle phase de reprise et de devoir repartir début octobre en Uruguay. C'est donc un choix qu'à pris Tabárez, devant les circonstances et l'attitude la Premier League qui laissent les sélections devant le fait accompli. Les leaders de l'équipe ont confirmé cette impression, de Godín « la compétition est biaisée avec ce qui s'est passé » à Giménez « c'est un cirque lamentable, personne ne pense à ce que veut le joueur (…) nous sommes les otages d'une situation sur laquelle nous ne pouvons agir ». Au final, sachant l'historique que Cavani a avec la sélection, ces exploits mais aussi les derniers matchs plus difficiles, certains voient dans l'absence des deux leaders historiques une opportunité pour apporter un peu de sang neuf et changer la façon de jouer de l'Uruguay, donner une chance à Maxi Gómez ou à Álvarez Martínez. Devant l'adversité, il faut savoir s'adapter. L'Uruguay va jouer avec huit joueurs qui sont en place depuis quelques temps déjà (Muslera ; Nandez, Giménez, Godín, Viña ; Vecino, Valverde, Bentancur). L'interrogation repose sur les joueurs offensifs. L’option qui semble tenir la corde est Giorgian de Arrascaeta, Brian Rodríguez et devant, en pointe, Maxi Gómez.

Côté Pérou, la tension est un peu plus présente mais pour des raisons différentes. La sélection à la bande est en effet dernière au classement avec seulement quatre points (l'Uruguay en a « déjà » huit) et le Pérou joue donc déjà un peu ses dernières chances de se qualifier. Des journalistes péruviens comme Aldo Ramírez ont mis en avant que le match contre l'Uruguay, adversaire direct à la qualification, est plus important que le match contre le Brésil. Ricardo Gareca a déclaré en conférence de presse « nous sommes dans une situation inconfortable et la seule issue est de gagner des matchs ». Il ne pourra pas compter sur Lapadula, suspendu et devrait donc faire confiance à Guerrero, qui a fait beaucoup de mal à l'Uruguay par le passé.

3 heures, Chili – Brésil

Après le tube de l’été (de l’hiver au pays) que fut Ben Brereton, Martín Lasarte semblait bien vouloir tenter un nouveau pari avec un autre anglophone, venu du pays des gringos, Robbie Robinson. C’était sans compter sur l’incroyable culot du joueur de l’Inter Miami qui, après être venu récupérer son équipement aux couleurs de la Roja, donné les interviews suffisantes pour qu’enfin il puisse se faire un nom dans divers médias, a finalement décidé de rentrer en Floride pour « prendre le temps d’évaluer quelle sélection je souhaite représenter et pour aider l’Inter Miami à remplir son objectif de disputer les play-offs ». Si l’honneur de la fédération se faisait respecter, nul doute qu’il devrait bientôt ne plus avoir à peser longtemps le pour et le contre entre Chili et USA. D’autant qu’avec les absences de Breteton et d’Alexis, Lasarte est un peu court en termes de solutions offensives. Pour accompagner Edu Vargas, le choix devrait se porter vers Iván Morales en très grande forme avec le Colo (dix buts en dix-sept matchs de championnat) et qui connait bien le Monumental, hôte du duel. Pour le reste, c’est un vrai Chili A qui se présente face à un Brésil qu’il n’aime pas affronter (huit victoires en soixante-quatorze duels) avec son formidable trident Aranguíz – Pulgar – Vidal au milieu.

Et l’une des questions au Chili était de savoir si le Brésil qui se présente au Monumental sera un Brésil A ou B. Alisson, Ederson, Thiago Silva, Fabinho, Fred, Roberto Firmino, Raphinha, Richarlison, Gabriel Jesus, Malcom et Claudinho sont ainsi séquestrés par leurs clubs, lançant une véritable guerre entre fédérations à l’aube du match. Reste que Tite dispose d’une armada totalement folle et peut s’appuyer sur plusieurs leaders qui ont été libérés, à commencer par Neymar et Casemiro. Il pourra également compter sur les Lyonnais, Bruno Guimarães et surtout Lucas Paquetá dont la prestation quasi parfaite à la Copa América entraîne une grande attente derrière lui. Malgré les absences, cette Seleção fait peur, à commencer par l’évocation d’aligner Hulk aux côtés de Gabigol devant. Et quand on sait qu’en cas de triple victoire, le Brésil serait déjà qualifié pour Qatar 2022 au soir de la neuvième journée, on imagine que la bande à Tite ne se rend pas au Monumental avec l’idée de laisser des points sur le bord de sa route.

Le programme

programme

 

Classement

classement

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.