Nous y sommes, plus que quelques heures avant le coup d’envoi de la CAN 2017. Aussi attendue sur le terrain qu’elle aura été (et est encore) chahutée en coulisses, la 31ème édition de la Coupe d’Afrique des Nations débute ce week-end au Gabon. Ce qu’il faut savoir.

Polémiques en coulisses

L’organisation ne fut pas un long fleuve tranquille. Jusqu’à quelques semaines du match d’ouverture, le doute planait sur la tenue de cette 31ème édition de la compétition au Gabon. La faute à des élections présidentielles dont les deux camps se sont déclarés vainqueurs. D’un côté, le tenant du titre Ali Bongo, passionné de football qui a fait venir Messi en short/claquette, la sélection portugaise, et qui est un grand ami de Samuel Eto’o Fils et de Deco. De l’autre côté, le Challenger Jean Ping, ancien gendre de son adversaire, grand habitué des institutions internationales (UNESCO, OPEP, ONU, Union Africaine, Francophonie, etc...). Lui président, la CAN ne se tiendra pas au Gabon. Au final, la confirmation de la victoire du Fils Bongo pour un nouveau mandat conforte la CAF et fait taire les sceptiques.

La fête du football africain aura bien lieu en temps et en heure de part et d’autre de l’équateur. À Libreville et Franceville, qui avaient déjà accueilli la CAN 2012 (co-organisée avec la Guinée équatoriale), puis dans les nouveaux stades construits à Oyem et Port Gentil, inauguré en express par le Président Ali Bongo en début de semaine. En dépit de toutes les critiques sur les dépenses nécessaires pour accueillir un tel événement (surtout de la part de l’opposition), la CAN a le mérite d’obliger la construction de stades modernes. Certes, ce n’est pas un hôpital, une école ou une centrale électrique, mais ils serviront pour les championnats domestiques. La jeunesse en sera la première bénéficiaire. De toute façon, il n’est plus l’heure pour les polémiques. Place au football.

B20 pour ouvrir le bal

La première star à enflammer la compétition ne sera pas la tête d’affiche du tournoi et des Panthères, Pierre-Emerick Aubamayang. Il sera devancé sur la pelouse par le rappeur Booba qui prendra le micro pendant la cérémonie d’ouverture. La venue d’une telle personnalité est un signe que la CAN veut devenir un événement global et plus simplement Africain. Espérons pour le Duc de Boulogne qu’il n’y aura pas que des n°10 dans sa team, question d’équilibre, puis de mode aussi, c’est plutôt les attaquants et les ailiers qui ont la côte en ce moment. Cependant, nul doute que la performance du Français sera appréciée, tant il est une star de l’autre côté de la méditerranée. Puis de toute façon, il ne pourra pas faire pire que Maitre Gims ou Patrick Bruel qui ont placé la barre trop haute !

Un plateau relevé

Groupe A : Gabon, Burkina, Cameroun, Guinée-Bissau

Groupe B : Algérie, Tunisie, Sénégal, Zimbabwe

Groupe C : Côte d’Ivoire, RDC, Maroc, Togo

Groupe D : Ghana, Mali, Egypte, Ouganda

Une fois que le MC laissera sa place, ils seront nombreux à avoir un statut de prétendant au titre final. Algérie, Côte d’Ivoire, Ghana, Sénégal, RDC, Gabon à domicile, Egypte, Maroc du talisman Renard. Tous peuvent nourrir des ambitions légitimes grâce à leurs effectifs, leurs formes ou leurs histoires. Puis avec la baisse de régime des Fennecs et des Éléphants, les qualifications sans faute du Sénégal et du Maroc, impossible de désigner un favori.

Comme d’habitude de nombreuses blessures, défections et autre refus de sélection sont à déplorer (Gervinho, Belhanda, Boufal, Bolasie, Choupo-Moting... Maxime Poundje), mais il restera du beau monde sur les terrains. Des briseurs de reins de Premier League (Mané et Marhez), de Série A (Keita Baldé et Mohammed Salah), du Golfe (Pitroipa), des colosses (Bailly, N’Dong, Kalidou Koulibaly) des maîtres artificiers (Alain Traoré, Brahimi, Max Gradel), et des derniers remparts infranchissables (Ondoa, Onyango). Ajouté à cela l’arbitrage CAF, et vous disposez de tous les ingrédients pour une édition épicée de la CAN, avec des golazo, des larmes, des danses, des chevauchées maradonienne et de la joie.

La surprise Guinée Bissau

Seulement 4 équipes participantes (sur 16) n’ont pas encore atteint la finale de la compétition. Le Gabon, le Togo, le Zimbabwe et la Guinée-Bissau. Les Guinéens sont d’ailleurs la seule équipe qui va découvrir la CAN pour la première fois. Petit pays lusophone coincé entre le Sénégal et la Guinée Conakry, les Djurtus sont constitués principalement de joueurs évoluant au Portugal (15). Ils ont créé la surprise pendant les qualifications en éliminant assez facilement les Diables rouges du Congo et les Chipolopolo de Zambie. De quoi donner des ailes au coach Baciro Candé qui a annoncé la couleur en visant un quart de finale. Si l’objectif semble irréalisable, le peuple y croit et les joueurs ont été accompagnés par des milliers de supporters sur la route de l’aéroport qui les a conduits au Gabon. Nul doute qu’ils seront grandement fêtés au retour s’ils reviennent avec ne serait-ce qu’une victoire.

L’Ouganda, le Zimbabwe et l’Egypte pour représenter l’Afrique

Aujourd’hui, une large majorité des joueurs qui participent à la CAN évoluent hors d’Afrique. Cela a même poussé la confédération africaine à créer le CHAN (championnat d’Afrique des Nations), sorte de CAN réservé aux joueurs évoluant en Afrique.  Quelques sélections font exception à ce constat. La Tunisie et la RDC, qui peuvent s’appuyer sur les joueurs des équipes locales fortes (TP Mazembe, AS Vita, Espérance de Tunis, Club Africain, CSS, ESS...), des binationaux et des expatriés. L’Egypte, qui a la particularité de former la quasi-totalité de ses joueurs. Même si leurs jeunes s’expatrient beaucoup plus qu’avant aujourd’hui (Omar Gaber en Suisse, Elneny en Angleterre, Ahmed Hassan au Portugal, Salah en Italie, etc…), le noyau du Zamalek et du Al Ahly est immuable.

L’Ouganda et le Zimbabwe sont constitués de joueurs évoluant dans les championnats d’Afrique du sud et de l’est. Même si cela sera difficile de sortir de leurs poules respectives, ces deux sélections seront les équipes les plus soudées de la compétition. L’Ouganda dirigé par l’entraîneur Serbe Sredojević est l’exemple type des petites nations du football qui rattrapent les cadors à grande vitesse. Grâce au travail de fond et aux concessions faites pour favoriser les regroupements de la sélection, même en dehors des dates FIFA, il a façonné un groupe qui ressemble davantage à un club qu’à une sélection. Il pourra aussi s’appuyer sur son gardien et capitaine Denis Onyango, qui vient d’être élu meilleur joueur du continent pour l’année 2016. Les favoris sont prévenus.

Ils vont nous manquer... un peu

Il n’y a pas eu beaucoup de surprises lors de ces éliminatoires de la CAN. Hormis la défection du Tchad qui a de fait condamné le Nigeria, et la surprise Guinée-Bissau, la hiérarchie a été respectée. Parmi les grands absents de cette édition : le Nigeria, la Zambie, l’Afrique du Sud, le Congo, et dans une moindre mesure la Guinée sabordée (et le mot est faible) par Luis Fernandez. Le Nigeria doit être celui qui peut nourrir le plus de regrets. C’est la deuxième absence consécutive des Super Eagles à la CAN, et leur effectif leur permettrait de jouer le titre. Mais les Nigérians payent la mauvaise gestion de leur fédération, et en particulier celle du cas de leur ancien sélectionneur Stephen Keshi (vainqueur en 2013).

La traditionnelle crise des primes

On n’a pas encore parlé du Cameroun, et ça tombe bien, car on arrive dans leur rubrique de prédilection. Celle des primes. Alors qu’une crise était en train de couvée, elle fut évitée de justesse. Probablement que l’absence de Eto’o a facilité une négociation des primes à la baisse (les plus basses depuis 2008). Les Lions Indomptables rajeunis s’en contenteront et ont pris l’avion pour Libreville. Les champions de la crise cette année sont les Warriors du Zimbabwe. À quelques heures de la compétition, rien n’est encore réglé, au contraire, tous sont unis contre leur fédération qui affiche des dettes en millions de dollars. Bien sûr, cela n’est pas une situation optimale, mais cela ne remet pas en cause la solidité de cette équipe. Au contraire, comme dirait le sorcier blanc Claude Le Roy, cela est un moyen pour les joueurs de s’unir et de commencer la compétition en avance puisqu’ils jouent déjà un match contre leurs dirigeants. À quitte ou double, car ils risquent aussi d’arriver fatigués mentalement.

Pronostic LO : enfin l’année du Ghana ?

Il y a des signes qui ne trompent pas. Des séries qui ne demandent qu’à être poursuivie. Ranieri qui gagne enfin un titre dans un grand championnat grâce à son épopée incroyable avec Leicester.  Le Portugal qui gagne un titre international. Sur cette CAN, le profil qui s’en approcherait le plus serait le Ghana. Finaliste malheureux de la dernière édition, la bande des frères Ayew doit gagner un trophée pour récompenser le travail effectué depuis l’éclosion de cette génération dorée il y a près de 10 ans avec Claude Le Roy. Cela fait 35 ans que les Black Stars n’ont pas remporté le trophée. Une éternité. Puis ce sera probablement la dernière chance pour Asamoah Gyan de se racheter du penalty sur la barre en 2010, et à la vue de ce qu’il a fait pour son pays, ses coéquipiers lui doivent bien ça. Il ne mérite pas une sortie à la Drogba, et être assimilé à un chat noir national.

Place au jeu

Vous l’aurez compris, cette CAN est indécise. Il est difficile de se lancer dans un jeu de pronostic compte tenu de l’homogénéité des groupes. Puis avec 11 nationalités d’entraineurs différentes (Sénégal, Guinée, RDC, Zimbabwe, Argentine, France, Espagne, Portugal, Belgique, Serbie et Israël), il y aura forcément des oppositions de jeu, de style, et de gestion de la compétition. Le gouvernement de Bongo a revu le prix des places largement à la baisser, afin de permettre au gabonais de profiter de la compétition, et pas uniquement quand les panthères jouent. Malgré les menaces de boycott de l’opposition, quand la compétition commencera et que Aubameyang mettra ses premiers buts, tous les Gabonais s’enjailleront et oublieront leurs conflits et désaccords pour profiter du spectacle. La magie du football. Que la fête commence !

 

Pierre-Marie Gosselin
Pierre-Marie Gosselin
Amoureux du football et de ses tribunes, supporter inconditionnel des Girondins de Bordeaux et de ses ultramarines, je me suis pris d’une affection toute particulière pour le football africain. Là-bas le foot a pris le nom de « sport roi », et c’est un euphémisme tant il étend son royaume au-delà des ethnies, des classes sociales, des générations et des genres.