Une semaine après le sacre du Cameroun, l’heure est venue de faire le bilan d’une CAN gabonaise qui aura offert quelques beaux moments.
Un grand feu d’artifice illumine le ciel de Libreville pour sonner le glas de cette 31ème Coupe d’Afrique des Nations. La fin d’une belle compétition qui a vu les Camerounais remporter leur cinquième sacre continental. Les lions indomptables ont retrouvé en finale les pharaons d’Egypte pour une revanche de 2008. À l’époque, Aboutrika, Mohamed Zidan et ses coéquipiers l’avaient emporté 1 à 0 contre l’équipe d’un Samuel Eto’o en pleine bourre au Barça, et d’un Alex Song qui montre son nez dans le milieu d’Arsenal.
Aboubakar pour faire mentir les statistiques
On a cru jusqu’à la mi-temps de cette finale que la trame entretenue tout au long de la phase finale irait jusqu’au bout. Un bégaiement de l’histoire qui se répète inlassablement dans des affiches qui ont marqué les pays concernés. En ¼ de finale, le Sénégal n’a pas pu prendre sa revanche contre le Cameroun qui l’avait empêché de gagner une CAN 2002 dont il était un grand favori. En ½ finale, les Etalons du Burkina Faso pouvaient à leurs tours se venger de l’élimination de leurs CAN à domicile en 1998 par les pharaons Egyptiens, au même niveau de la compétition. Idem pour le Ghana, qui avait été éliminé dans son tournoi de 2008 par les Lions Indomptables aussi en ½ finale.
Ainsi, l’histoire a radoté jusqu’à la 88ème minute de jeu et un enchaînement contrôle poitrine – coup du sombrero – reprise instantanée de Vincent Aboubakar sur le gong (une Gignac 2016, une Pinilla 2014, le poteau en moins). Une fin improbable qui rappelle toute la magie du football. Des moments de grande communion dans un stade de 40 000 places tout acquis à leurs causes. La fête s’est rapidement propagée à Douala, Yaoundé, Garoua et toutes les villes du Cameroun voisin. Après 2 défaites en finales contre les Egyptiens, la revanche est prise. Les Pharaons rejoignent le Ghana, le Sénégal, le Gabon « dans la sauce » concoctée par les supporteurs camerounais tout au long de la compétition. Une fois encore tous les pronostics ont été déjoués. Après Leicester en Angleterre, Plaza Colonia en Uruguay, le Portugal à l’Euro, Chapecoense en Sudamericana, et même Mamelodi Sundowns en Ligue des Champions de la CAF, c’est un outsider qui remporte cette CAN. La série se poursuit. Mais à qui le tour ? Monaco en ligue des champions ? Leipzig en Allemagne ?
S’il y en a un autre pour qui l’histoire se répète tristement, c’est le sélectionneur égyptien Hector Cùper qui ne parvient toujours pas à gagner une finale. Le Poulidor du coaching argentin a quand même fait un sacré travail avec cette équipe dont la plupart des joueurs découvraient la compétition (dernière participation en 2010). Pour venir chercher le trophée, Benjamin Moukandjo partage son honneur de capitaine avec le « grand frère » du groupe Nicolas N’Koulou. Pour confirmer si cela était encore nécessaire que c’était bien l’esprit « de famille » instauré dans la tanière des fauves qui a guidé cette équipe au titre. Même si la tanière est enfin débarrassée des égos et des clans de leurs anciens leaders Eto’o, Mbia, Kameni, Chedjou, le disparu Alex Song, etc…, Hugo Broos a su souder cette jeune équipe. Le Belge a su faire comprendre à certains qu’ils devaient prendre place sur le banc pour l’équilibre de la stratégie mise en place. Et avec N’Koulou, Aboubakar, Clinton N’Jie, ce n’était pas si évidant... Surtout que c’était une première pour lui à la tête d’une sélection africaine.
Des enfants d’Eto’o venus de Séville B et du Danemark
Pour gagner l’équipe s’est appuyée sur deux jeunes révélations issues de Fundesport, l’école de foot de la fondation Samuel Eto’o : Ondoa et Bassogog. Le premier est le jeune gardien remplaçant de la réserve du FC Séville. Passé par la Masia du FC Barcelone et la Youth League, il n’a pas trouvé de poste de titulaire en Europe. Il reste à Fabrice « Faro » Ondoa la Coupe des Confédérations cet été pour montrer aux yeux du monde tout le talent qu’il a présenté à l’Afrique avec le sens du spectacle et de la dramaturgie. Le second a été élu MVP du tournoi. Le Benjamin Button version ado/vieux Christian Bassogog (dans le style Lebron James ou Greg Oden pour les afficionados de la NBA) a marqué 2 buts et a été omniprésent dans le jeu offensif et défensif des Lions. Du haut de ses 21 ans, cette performance lui a permis de se mettre sous le feu des projecteurs et devrait lui donner beaucoup de confiance pour la fin de saison. À l’image de ce qu’avait fait Max-Alain Gradel avec les verts de Saint-Etienne en 2015, Christian Bassogog retournera dans son club d’AaB Aalborg au Danemark avec un nouveau statut et une confiance énorme. Le joueur a choisi un chemin atypique pour arriver en Europe, puisqu’il a d’abord quitté le Cameroun pour la Caroline du Nord et les Wilmington Hammerheads en USL Pro (soit l’équivalent d’une 3 division), avant de rejoindre la Scandinavie. Nul doute que des offres venues de clubs de championnats plus huppés arriveront sur le bureau du président cet été. Pourquoi pas d’Angleterre ou sa puissance devrait plaire aux supporteurs. Sinon il restera toujours un contrat avec beaucoup de 0 dans un championnat plus Lucarne Opposée.
En attendant, les Camerounais ont bien fêté ce titre aussi inattendu que magnifique. Et ce n’est pas la fameuse crise des primes qui est apparue avant la demi-finale qui gâchera la célébration, (la fédération n’avait rien prévu au-delà de l’objectif initial ¼ de finale). Finalement, ils ont été bien récompensés à leur retour au pays. Il suffit de voir la joie du couple présidentiel pour comprendre que cette victoire tombe à pic, et que des villas, voitures et autres cadeaux leur ont déjà été promis. Bon, il se dit que les salutations avec courbure à 90° en mode « Bidoung Kpwatt challenge » y ont bien contribué.
Mais attention de ne pas se reposer sur ses lauriers. N’oubliez pas que la prochaine CAN est à domicile pour le Cameroun. La CAN au Gabon ne devait servir qu’à mettre les bases de l’équipe de 2019. Un titre à défendre plus tard, l’attente sera toute autre autour de ses jeunes lions, 24 ans de moyenne. Des viva de la foule aux camps de travaux forcés, il n’y a qu’un pas. En tout cas, le potentiel est là, surtout défensif. Avec un axe central partant de la défense jusqu’à la pointe de l’attaque ultra solide, ils ont quelques certitudes sur lesquelles se reposer. Teikeu (FC Sochaux), Ngadeu (Slavia Prague), Siani (KV Ostende), Djoum (Heart of Midlothian), Ndip Tambe (Spartak Trnava).
Vous l’aurez compris, vu le profil de ces joueurs, cette CAN n’était pas celle de la victoire du beau jeu il n’y a qu’à voir les buts contre le Ghana en demi-finale pour s’en persuader. Mais à l’image de Leicester et du Portugal, ce sont les équipes solidaires, qui respectent bien le schéma tactique mis en place qui sont récompensées. L’Egypte est arrivée en finale avec la même stratégie. Mais justement, parlons des Égyptiens qui faisait leurs grands retours et restaient sur une incroyable série de match sans défaites dans la compétition (22 matchs, avec des victoires 2006, 2008 et 2010).
Le retour des Pharaons
Les Égyptiens ont bénéficié d’un parcours plus facile pour arriver jusqu’en finale (Mali, Ouganda, Ghana, Maroc, Burkina Faso). L’Argentin Hector Cùper a créé un savant mélange de joueurs qui jouent dans le championnat local et en Europe, des champions d’Afrique junior 2013, des anciens de 2010, le vétéran El Hadary (44 ans et 4 titres en 1998, 2006, 2008 et 2010) arrivé aux cages suite à la blessure des deux autres gardiens, et surtout Mohamed Salah. Le joueur de l’AS Roma est le meilleur joueur Africain. Bien sûr, il ne brille pas comme Mané ou Mahrez, il ne marque pas comme PEA, mais quelle élégance, quel génie. Toujours le geste juste. Des passes, des frappes, des sprints, des coups francs, des dribles, du pressing et surtout un sourire et un plaisir de jouer communicatif. À 24 ans, il est déjà la tête d’affiche d’un nouveau football égyptien qui a su se régénérer après la révolution du printemps arabe qui a stoppé sa domination continentale. L’arrêt du championnat a bouleversé le cycle de formation traditionnel. Au lieu de filer à Al Alhy ou au Zamalek, qui était les destinations privilégiées des meilleurs joueurs égyptiens, les jeunes rejoignent l’Europe. Salah et Elneny en sont le parfait exemple. Formés au Arab Contractor, les deux potes ont rejoint le FC Bâle en Suisse, avant de migrer en Italie pour l’un et à Arsenal pour l’autre. Loin des turbulences de la révolution et des matchs de championnat à huit-clos. Ahmed Hassan qui a été blessé très tôt dans la compétition, Trezeguet, Ramadan, Omar Gaber sont tous en Europe.
Le championnat a repris son rythme de croisière et les clubs reprennent les compétitions africaines avec ambition. L’Egypte est repartie pour marcher sur le foot africain dans la décennie à venir. Les stars expatriées apportent un vrai plus et ont prouvé qu’elles n’ont rien oublié de leur formation au pays. Bien au contraire, ils ont réussi à s’adapter rapidement et à monter en puissance tout au long de leur première CAN. Encore une fois, le best-of de Salah dans cette compétition est collector, il aurait vraiment mérité le titre, tant il a été génial et inspiré sur le terrain. Vivement que l’Egypte se qualifie à la Coupe du Monde et mette fin à cette étrange anomalie de n’avoir jamais vu la meilleure nation du continent (7 titres) se battre contre le reste du monde.
Le Burkina sans crier gare
Si la défaite du Ghana contre le Cameroun a précipité la chute du pronostic LO, il y a une autre équipe que l’on n’avait pas vu venir et qui a atteint le dernier carré : les Étalons du Burkina Faso. Avec le portugais Paulo Duarte aux commandes, ils sont sortis vainqueurs du duel contre la Tunisie en quart, avant de perdre face à l’Egypte. Bien sûr, cela s’est joué sur des détails à chaque fois. Contre les Aigles de Carthage, c’est un coup de sifflet contre une main collée au corps de Ben Youssef qui offre à Artisite Bancé la possibilité de rentrer dans sa CAN avec un coup franc au pied du poteau. Il devient le héros de la nation des Hommes Intègres. C’est d’ailleurs lui qui égalisera contre les Pharaons d’un enchainement poitrine/volé au milieu des défenseurs. N’ayant pu prendre l’avantage contre une défense égyptienne bien en place tactiquement, c’est aux tirs aux buts que les Étalons finissent par s’incliner. Cruel. Car la séance hantera longtemps les pensées burkinabaises. Alors qu’il mène 3-2 Koffi, le jeune gardien de but de 20 ans, s’approche pour tirer face à son adversaire de 44 ans. S’il marque, les Étalons retournent en finale pour la deuxième fois après 2013. Seulement El Hadary réalise la parade, puis, récidive face à Bertrand Traoré pour renvoyer les Pharaons en finale.
Le capitaine Charles Kaboré auteur d’une très bonne compétition, peut descendre fièrement de l’avion à Ouagadougou. Les Étalons sont tombés avec honneur et le peuple les a accueillis avec les honneurs tant ils ont fait vibrer le pays. S’il a annoncé sa retraite internationale, l’ancien de Libourne (il était de l’épopée avec Mathieu Valbuena et Chalmé) sera sollicité par la fédération pour poursuivre 2 ans de plus.
Arbitrage au top, pelouses en toc
On l’avait dit à la fin de la phase de poule, mais ça s’est confirmé par la suite, la CAF a réussi à mettre les arbitres africains dans les meilleures conditions pour qu’ils puissent exercer leur fonction de maitre du jeu. Très peu d’erreurs à leurs actifs, et même quelques matchs très fluides, avec peu de coup de sifflet et beaucoup de rythmes. Il ne fallait rien attendre de mieux des pelouses, pas de miracles...On aurait pu espérer des délocalisations sur la seule bonne pelouse de Franceville. Dommage.
Un autre constat inquiétant, c’est le faible poids des attaquants dans les statistiques offensives. Ce sont d’avantages les ailiers qui se sont mis en évidence et qui ont scoré. Comme si la mode venue d’Espagne avec Ronaldo et Messi avait contaminé le jeu africain. Pourtant avec les Milla, Yekini, Kanu, Weah, Diouf, Kanouté Adebayor, Drogba, Eto’o.... la génétique doit avoir ce qu’il faut pour des grands 9.
Rendez-vous dans 2 ans
Cette CAN, fut une belle fête. Sur tout le continent, on peut ressentir l’effervescence autour de cette compétition. Même si l’on est dans des pays qui n’y participent pas. Dommages qu’elle soit placée en hiver, en plein milieu des grands championnats, car cela lui donnerait d’avantages de visibilité d’être dans le même timing que les autres compétitions internationales de la FIFA. Mais peu importe au final, car la fêter ici est bien l’essentiel.
Rendez-vous dans 2 ans pour la CAN au Cameroun, Kribi,c’est pas mal non ?