Cette journée de Superliga, la dix-neuvième du nom, nous livrait un match d’anthologie au scénario surréaliste entre Racing et Independiente. Dans le même temps, River et Boca se détachent comme les seules équipes en forme du moment, et luttent déjà pour le titre. Leurs poursuivants, Argentinos et Lanús, ont déposé les armes.
L’affiche du week-end : Un clásico épique
Dimanche 9 février. 19 heures en Argentine. Clásico de Avellaneda. Le 225e du nom. Le second plus grand derby du fútbol argentin, et le rendez-vous de l’année pour les deux clubs de la ville. Independiente a fait le (très) court déplacement jusqu’au Cilindro pour y affronter le Racing. De longues minutes avant le coup d’envoi, l’enceinte est pleine à craquer, la Guardia Imperial est incandescente. En des terres si hostiles, Lucas Pusineri espérait retrouver en son Independiente l’intensité qui a fait sa force dans les grands rendez-vous, contre Boca, River et dernièrement, Central. Le moment était spécial pour son homologue. Sebastián Beccacece, au style à mi-chemin entre PNL et Matthieu Delormeau, avait l’opportunité de prendre sa revanche sur le club qui l’avait évincé du poste d’entraineur fin octobre. C’était également l’occasion pour son Racing, dixième, d’enclencher à nouveau la marche avant dans cette Superliga, après une seule victoire en huit sorties. Mais plus que tout cela, l’important dans ce clásico est de piétiner l’ennemi de toujours et d’apporter la fierté à son club au moins jusqu’à la fois suivante. Les premières minutes donnaient le ton : l’Academia dominait les débats. Bien plus entreprenants, utilisant les ailes pour déborder le Rojo, les locaux étaient emmenés par un Matías Rojas, qui montait en puissance au fil des minutes. Dominés dans le jeu, les joueurs d’Independiente s’en ramenaient à l’intimidation physique en ciblant Lisandro. Très actif sur son côté droit, Walter Montoya lançait les hostilités d’une frappe flottante que Campaña déviait sur la barre transversale. Au bout de vingt minutes, el Diablo n’a toujours pas vu le ballon. La faute à un Marcelo Díaz, entre autres, intraitable dans l’entrejeu. L’aile droite de l’Acade continuait de maltraiter ses adversaires directs grâce au trio en forme : Pillud, Montoya et Rojas. Ce dernier allait faire basculer le match. Pas dans le sens qu’il aurait espéré. D’un tacle rageur, il envoyait dans la profondeur Cecilio Domínguez défier Gabriel Arias. D’un réflexe de la main en dehors de la surface, le gardien chilien empêchait le ballon de filer au but. Sans hésiter, l’arbitre lui indiquait aussitôt le chemin des vestiaires. Jusqu’ici, tout allait dans le sens des bleus et blancs, mais le match prenait une autre tournure en l’espace d’une seconde. À la pause, le Racing jouait à dix. À la reprise, après cinq secondes de jeu, faute à priori anodine de Sigali sur Leandro Fernández. L’arbitre siffle et dégaine… le rouge. La décision était sévère mais peu importe, le Racing se retrouvait à deux joueurs de moins pour disputer la seconde période. En nette infériorité numérique, les locaux se repliaient dans leur surface, se dégageant comme ils le pouvaient. Dans une situation critique, les joueurs de Beccacece allaient s’en remettre au héros inattendu de la soirée : le gardien remplaçant Javier García. Face à Franco et Fernández, le portier réalisait des parades spectaculaires et sauvait son équipe. Malgré cet état de siège permanent, Independiente ne parvenait presque jamais à créer des différences et buttait sur le bloc bas adverse. À mesure que les minutes passaient sans but, les Rojos se frustraient et les esprits s’échauffaient. À l’image de Braian Romero qui, s’attaquait à l’arcade sourcilière de Dario Cvitanich d’un discret coup de genou. L’inefficacité des joueurs de Pusineri doit être attribuée à l’héroïsme de la défense du Racing dont la concentration et l’abnégation n’ont jamais fait défaut. Walter Montoya en est le parfait exemple, lui qui a arpenté son couloir et défendu les chances de son équipe jusqu’au bout. Ce don de soi allait finir par payer. Sur l’une des seules incursions de l’Acade dans la surface adverse de la seconde mi-temps, la terre trembla. Après un centre en retrait de Cvitanich que Leo Miranda laissait passer entre ses jambes, le Chelo Díaz ajustait avec sang-froid Martín Campaña depuis le point de penalty. Le Chilien qu’on n’avait plus vu ou presque depuis une heure délivrait le Cilindro et ses huit coéquipiers restants. Incroyable. Diego Milito, euphorique, haranguait les hinchas qui n’en croyaient pas leurs yeux. Excédés, vexés, les Rojos voyaient leurs nerfs lâcher : Cecilio violentait García sur un six-mètres et était lui aussi expulsé. Dans le tumulte, les arcades de Javier García et Nery Domínguez y passaient également. Alors, le temps additionnel interminable s’écoulait en même temps que la hinchada bleue et blanche chantait en pleurs leur « Muchachos, traigan vino, juega la Acade ». Et quand on pensait que le jeu allait enfin reprendre, un accrochage entre Cvitanich et Lucas Romero l’arrêtait à nouveau. Cartons jaunes mérités pour les deux, mais synonyme de retour au vestiaire anticipé pour le joueur d’Independiente, déjà averti. À la 97e, les deux équipes se retrouvaient à nouveau à égalité au nombre de joueurs. L’arbitre sifflait la fin de ce match inoubliable quelques secondes plus tard. Beccacece et son staff explosaient. Leur formation venait de réaliser une prouesse mémorable : humilier le rival éternel en jouant en infériorité numérique pendant une heure, et à deux joueurs de moins pendant une mi-temps. Inespérée, cette victoire replace en plus le Racing dans la course à la Libertadores. En face, le Rojo a lui aussi fini à neuf. Abattus, les joueurs venaient de livrer une prestation pauvre et repartaient du stade Juan Domingo Perón humiliés. De notre côté, nous venions d’assister peut-être au plus grand match de la saison en Argentine. C’est certain, ce clásico fera date.
Argentinos et Lanús enterrent mutuellement leurs espoirs de titre
La veille, avait lieu un duel de cadors de cette Superliga, entre le troisième et le quatrième : Argentinos accueillait Lanús. En somme, une affiche pleine d’enjeux entre les deux surprises de la saison. À cinq journées de la fin, tout restait encore possible pour eux. Pour y croire, ils devaient réaliser un sans-faute en espérant des faux-pas de River et Boca. Mais dans ce duel décisif, malheur au(x) perdant(s). Malgré l’enjeu, on ne pouvait pas dire que le match déchainait les foules du côté de la Buenos Aires, le stade Diego Maradona étant loin d’être rempli. Après un coup d’envoi retardé de cinq minutes, le temps que Lucas Chávez aille changer la couleur de son short et de ses chaussettes, la partie pouvait enfin commencer. Les premiers frissons ne se faisaient pas attendre dans la défense de Lanús. Une minute après un sauvetage sur sa ligne de Muñoz, Gabriel Hauche ratait l’immanquable en envoyant sa reprise de la poitrine à bout portant bien au-dessus des cages. Sans avoir la possession en sa faveur, Argentinos se montrait menaçant. À l’inverse des Granates, qui n’arrivaient pas à trouver leur ligne offensive, et ne produisaient presque rien. Il faut reconnaître des bonnes intentions aux deux clubs qui donnaient à voir un match vivant et agréable. En dix secondes, on pouvait passer d’une surface à l’autre, comme à la vingtième minute lorsque que Chávez et Rossi gagnaient successivement leurs duels devant Acosta et Tanque Silva. Juste avant la mi-temps, Elías Gómez, très en vue, trouvait Florentín dans la surface, qui, en pivot, manquait d’accrocher le cadre. La tendance ne changeait pas après la pause puisque le Demonio Hauche continuait d’affoler les défenseurs de Lanús, mais Rossi bloquait bien son angle au premier poteau. Argentinos flirtait avec le génie en ce début de seconde période : le centre en coup du foulard de Gómez était controlé par Hauche qui enchaînait par un retourné acrobatique à quelques centimètres du poteau. Ce score nul et vierge relevait du miracle quand Orsini donnait presque l’avantage aux visiteurs sur son tout premier ballon : l’imposant Silva repoussait sa tentative sur la ligne de but. On pensait enfin voir un but quand l’arbitre désignait le point de penalty pour une faute grossière sur Batallini. Le défenseur central d’Argentinos Miguel Torrén s’élançait aux neuf mètres… et Agustín Rossi captait le ballon en deux temps. C’était écrit. Dans les dernières minutes, Florentín croyait finalement trouver la faille mais Rossi continuait son match de haut-niveau avec une énième parade spectaculaire. A ce moment-là, le Bicho aurait dû mener de plusieurs buts d’avance mais il n’en était rien. Le braquage de Lanús aurait pu être parfait si Torrén n’avait pas rattrapé son penalty manqué en sauvant la frappe de Pepe Sand dans les ultimes instants. Score final : 0-0. Frustrant pour tout le monde. Comme le dit le milieu granate Facundo Quignón, « un match nul qui ne sert à personne ». Après le nul contre le Racing, ce duel servait de dernier vrai test pour Argentinos. Alors qu’ils dominaient tout le match, ce résultat venait leur rappeler qu’il fallait être plus efficace devant le but pour pouvoir rêver d’un titre. La série de cinq contre-performances successives les fait redescendre sur Terre, et en termine avec les espoirs du club de la Paternal. Ce test a également révélé les limites du Granate : ils n’ont pas existé face à cet adversaire direct, en ne cadrant qu’un seul tir. Le Bicho pourra se consoler avec le titre de meilleure équipe d’Argentine à domicile, en restant invaincu au stade Maradona en dix matchs. Bien maigre.
Le come-back de River
En difficulté en cette saison, Unión recevait le leader, en la personne de River Plate. Grand favori dans ce duel, River sortait de trois victoires consécutives. L’équipe de Marcelo Gallardo apparait sûre de son jeu et de ses forces en ce mois de février, et même de plus en plus à l’aise dans le secteur aérien. Le Muñeco était incertain suite à une opération pour calculs rénaux, mais il est bien présent sur le banc à Santa Fe. Les joueurs santafesinos justement sont bien moins frais que leurs adversaires : ils sortaient d’une éprouvante victoire en Sudamericana trois jours plus tôt. Pour cette raison, Leonardo Madelón opérant quelques changements dans son onze organisé en 5-3-2 : Bonifacio, Milo et Gerometta apparaissent sur la feuille de match. Dès les premières minutes, la force tranquille millonaria confisquait le ballon et s’installait chez l’adversaire. Jusque-là peu inquiété, Unión se faisait peur sur un contrôle raté du gardien Moyano sauvé in extremis par ce dernier. Plus de peur que de mal. Dans un faux-rythme, River était en train de s’endormir. Unión arrive à se créer les meilleures occasions. Après un contrôle à la Bergkamp, Walter Bou puis Bonifacio se frottaient sans succès à Franco Armani. En utilisant les ailes et les centres pour mettre la pression, Unión fait plus que jeu égal avec le Millonario. Conscient des difficultés de ses joueurs dans le jeu, Gallardo décide de sortir Martínez-Quarta, l’un de ses trois défenseurs centraux, à la demi-heure pour renforcer son entrejeu grâce à Quintero. Une tactique qui n’allait pas s’avérer payante. Au moins pas de suite. En début de deuxième période, sur un coup-franc lointain, Walter Bou surgissait dans le dos de Matías Suárez. En déviant légèrement le ballon d’une tête plongeante, le numéro neuf trouve le petit filet d’un Armani impuissant. Cette ouverture du score aura récompensé le Tatengue mais surtout aura sonné le réveil de River. Moins de dix minutes plus tard, les Millonarios revenaient dans la partie. Lancé par Quintero, Matías Suárez se rattrapait de son marquage laxiste en délivrant un centre pour Nacho Fernández qui déposait une tête dans la lucarne de Moyano. River démontrait sa puissance en prenant l’avantage peu de temps ensuite. Sur un corner de Quintero - encore à l’avant-dernière passe -, la déviation de Montiel le dos de Rojas qui envoyait le cuir au fond des filets. En dix petites minutes, la bande à Gallardo avait renversé la vapeur. Unión, allait néanmoins jouer sa carte jusqu’au bout. Sur un bon centre de Bou, l’entrant Troyansky éliminait Enzo Pérez d’une feinte de corps et sa frappe qui a suivi frappait la barre, déviée par le bon retour de Montiel. Après s’être fait peur, River repartait du stade du 15 avril avec la victoire en poche. Ça n’était ni plus ni moins la seizième en déplacement pour le Millonario. Et donc le quatrième succès d’affilée en Superliga. Quatre, comme le nombre de finales qu’il reste à jouer pour décrocher un premier titre depuis 2014. Avec un calendrier abordable, le chemin semble de plus en plus être tracé pour le Muñeco et ses soldats.
Boca suit la cadence, quinte flush pour la Sudamericana
Boca semble avoir enfin trouvé la recette. En espérant pour eux que ce ne sera pas trop tard. Avec une nouvelle victoire contre Atlético Tucumán (2-0), le Xeneize reste en course, toujours à trois points de River. Le sprint final se dessine entre les deux plus grands d’Argentine. Sarandí de son côté commence à serrer les dents en fin de cette saison : troisième nul consécutif (1-1) pour le club qui demeure bien placé pour aller en Sudamericana. Problème, c’est également le cas de quatre autres équipes, à égalité de points avec Arsenal, Newell’s, Vélez, Central et San Lorenzo. L’avantage c’est qu’aucun n’est assez en forme pour jouer le favori dans cette course. Les Leprosos confirment leur irrégularité en concédant le nul contre Estudiantes (0-0). Le club de Marcos Rojo reste en embuscade, un point derrière les autres. Vélez n’a toujours pas gagné en 2020 et n’y arrive plus. Le Fortín perd à San Lorenzo. Un concurrent direct puisque le Ciclón se retrouve dixième et tout près des places qualificatives. Enfin, Central complète la liste : les Rosarinos ont du mal à se remettre de la gifle reçue chez Independiente la semaine dernière. Ils ne prennent qu’un point en déplacement sur le terrain de Banfield, de nouveau une équipe qui fait peur. Dans la deuxième partie de tableau, le spectacle n’y était pas beaucoup plus. Colón a réussi à stopper l’hémorragie en empochant un point contre Defensa y Justicia (0-0) après avoir laissé filer les quinze derniers auparavant. Les Charruas de Central Córdoba réalisent la bonne opération et s’éloigne de la zone rouge des promedios en s’imposant chez Aldosivi. Cette fin de saison promet une bataille épique entre le Tiburón et les Sabaleros qui se battront pour ne pas accompagner Patronato et le Gimnasia dans la descente. Ces derniers qui s’affrontaient pour cette dix-neuvième journée : match nul (1-1) qui n’arrange personne dans cette affiche de probablement seconde division à partir de l’an prochain. Enfin, Godoy Cruz se ressaisit après six matchs sans victoires et confirme la mauvaise saison de Huracán (2-0).