La finale de la Copa Libertadores entre Flamengo et River Plate a agité la toile brésilienne, certains profitant de la situation au Chili pour demander une délocalisation au stade Albertão à Teresina, dans l’État de Piauí. Cet État du Nordeste, bordé par le Maranhão, Tocantins, Ceará, Pernambuco et Bahia, est l’un des plus pauvres du Brésil et ne dispose pas de grands clubs nationaux, les deux équipes ayant gagné le plus de fois le championnat piauiense étant… River et Flamengo, qui s’affrontent dans le plus grand clássico de l’État.
Le Esporte Clube Flamengo est fondé en 1937, s’inspirant d’autres clubs du Piauí à avoir choisi le nom de clubs de Rio de Janeiro, comme Fluminense fondé en 1927 ou Botafogo fondé en 1932. Les couleurs de Flamengo sont évidemment le rouge et le noir, le logo ressemble également fortement à celui du géant carioca. Le Flamengo-PI remporte le championnat piauiense dès sa première participation, en 1939, année où le Flamengo de Rio de Janeiro remporte enfin le championnat carioca après douze ans sans titre. Entre 1942 et 1944, Flamengo-PI réussit le tricampeonato, tout comme Flamengo à Rio… En 1946, c’est au tour du River Atlético Clube d’être fondé à Teresina, seule capitale du Nordeste à ne pas être situé sur le littoral. « Le nom est venu en hommage à River Plate et l’idée a bien été reçue, notamment parce que Teresina est situé entre deux fleuves » expliquait pour Isto É l’historien Severino Filho, auteur du livre Rivengo, o clássico do século. Comme Flamengo, River va utiliser les couleurs du club argentin pour son maillot et son logo ainsi que le coq comme symbole.
Le premier match entre River et Flamengo se dispute le 24 avril 1948 et se termine sur un 0-0. River devient rapidement l’un des clubs les plus victorieux du Piauí, battant notamment en 1951 Flamengo sur le score de 11-3. Flamengo se veut le club le plus populaire de l’État, une affirmation contestée par les supporters de River, notamment lors de la finale de la Série D brésilienne 2015, suivie par 40 000 supporters au stade Albertão. Le Rivengo devient rapidement le clássico le plus important de l’État et même le onzième du Nordeste selon le vote de vingt-trois journalistes réunis par le site Verminosos por Futebol. Une rivalité rappelée par le président de Flamengo, Rubens de Souza pour le site Jornal do Commercio : « Cette blague, d’associer la finale de Libertadores au Rivengo est quelque chose de positif. Nous avons une rivalité très forte, qui est même supérieure à celle entre le Brésil et l’Argentine ». Un avis, du moins la première partie, partagé par Severino Filho : « Le football de notre État dépend sur le terrain totalement du fait que les deux clubs soient bien. Cela aide les autres clubs et supporters ».
Malheureusement, Flamengo a remporté son dix-septième et dernier championnat piauiense en 2009 après avoir connu deux relégations en deuxième division du championnat piauiense au cours de la décennie. En 2010, le siège du club était vendu à des investisseurs et sera revendu deux ans plus tard à une chaîne de supermarchés pour une valeur sept fois plus élevée. Depuis, le club continue de galérer, ne faisant pas mieux qu’une cinquième place (sur six équipes) lors des quatre derniers championnats du Piauí. Problème, les qualifications pour la Coupe du Brésil, la Coupe du Nordeste et la Série D brésilienne dépendent des résultats dans les championnats d’État. Ainsi, pendant que River se qualifiait pour ces trois compétitions en 2019 (avec cependant une élimination au premier tour à chaque fois), la saison 2019 de Flamengo se limitait au championnat piauiense et à dix petits matchs, dont deux contre River, d’abord un match nul 1-1, puis une défaite 2-0 devant 1 125 spectateurs. « Flamengo a rencontré tellement de problèmes que la torcida s’est éloignée. La rivalité diminue » expliquait pour Isto É Raimundo Brito, président du groupe de supporters de la Fiel Rubro-Negra.
Dans ce contexte, la finale de Copa Libertadores à venir entre Flamengo et River Plate réveille la rivalité entre les deux clubs de Teresina. « Peu importe où il y a River et des équipes tricolores, on va supporter contre eux. Nous sommes Flamengo, que ça soit dans le Piauí ou à Rio. Je vais même réunir les mecs à la maison pour voir la finale de la Libertadores » poursuit Raimundo Brito. Dans le camp d’en face, les propos sont les mêmes, avec ceux du président de la River Chopp, Ciro César Andrade : « Ce n’est pas possible de supporter contre River Plate, encore plus en jouant contre un rival. Il faut joindre l’utile à l’agréable ». À Teresina, il n’y a donc pas d’affiche entre un club brésilien et un club argentin, mais seulement un Flamengo – River, aussi bien pour les supporters que pour les dirigeants, comme le confirme le président de Flamengo-PI, Rubens de Souza : « Celui qui est Flamengo est Flamengo peu importe l’endroit. Et je suis sûr que personne du River d’ici ne va soutenir Flamengo pour la finale de Libertadores ». À 5 500 kilomètres de Lima, toute la ville de Teresina s’apprête à vibrer pour cette finale et à se déchirer entre supporters de Flamengo et de River.


