Ce samedi, Santos et Palmeiras s’affrontent au Maracanã en finale de la Copa Libertadores pour écrire un nouveau chapitre de la riche histoire du clássico.

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Le premier match entre Santos et Palmeiras a lieu le 3 octobre 1915. Palmeiras, encore connu sous le nom de Palestra Itália, a été fondé un an plus tôt par des Italiens de São Paulo après avoir vu joué le Torino, qui effectue alors une tournée au Brésil. Le Santos FC est légèrement plus vieux puisqu’il a été fondé le 14 avril 1912, jour du naufrage du Titanic, triste symbole pour un club fondé dans une ville portuaire.

Palestra Itália premier géant

Bien qu’il ne dispute pas le championnat paulista 1915, limité à six équipes de São Paulo, Santos est déjà une équipe respectée alors que Palestra Itália n’a joué que deux matchs avant ce 3 octobre 1915. Au Velódromo, premier stade historique de São Paulo, l’enjeu est double. Les deux équipes s’affrontent pour récolter des fonds afin de venir en aide aux victimes de la grande sécheresse qui touche le Nordeste, mais Palestra Itália doit aussi battre un poids lourd du football pauliste afin d’être accepté dans le championnat paulista de l’année suivante. Santos affiche sa supériorité, et avec notamment un triplé d’Ary Patusca, écrase le club aux origines italiennes sur le score de 7-0. Sans championnat à disputer, Palestra Itália est proche de fermer ses portes, mais un scandale touche Scottish Wanderers, un club fondé par des Écossais et qui a terminé cinquième du dernier championnat. Frustré d’être mis à l’écart, un joueur du club avoue que les athlètes sont payés à une époque où le professionnalisme est strictement interdit. Le club est immédiatement expulsé de l’APEA, la ligue qui organise le championnat, et met fin à ses activités. Palestra Itália est invité à disputer le championnat paulista 1916, auquel participe également le Santos FC pour la première fois. Les deux équipes remportent un match lors des confrontations directes, Santos termine cinquième et Palestra Itália sixième d’un championnat disputé à sept équipes.76

Dix ans plus tard, Palestra Itália a remporté deux fois le championnat paulista (1920 et 1926) alors que Santos n’a jamais fait mieux qu’une troisième place. En 1927, Santos a déjà une réputation et tradition d’équipe offensive et fait pleuvoir les buts dans le championnat : quatre-vingt-dix-huit buts en quinze matchs ! Pour son dernier match du championnat, Santos peut repasser devant Palestra Itália, à qui il restera un match ensuite pour tenter d’être champion. Au Vila Belmiro, stade historique du Santos inauguré en 1916, Santos démarre le match par un but dès la deuxième minute. Palestra Itália parvient cependant à inverser la tendance, et malgré un but de Santos en fin de match, devenant ainsi la première équipe du championnat paulista à atteindre les cent buts en une édition (avec une moyenne irréelle de 6,25 buts par match), Palestra Itália s’offre la victoire et valide un nouveau titre de champion. L’équipe d’origine italienne s’impose comme la meilleure équipe de São Paulo pendant la période qui voit l’instauration officielle du professionnalisme. Palestra Itália remporte le championnat paulista en 1932, 1933, 1934 et 1936, infligeant notamment un 8-0 à Santos en 1932, plus large victoire de l’histoire du clássico. Santos se console en 1935 en remportant le premier championnat paulista de son histoire.

Naissance des mythes

En 1942, le Brésil déclare la guerre aux pays de l’Axe et les références à l’Italie sont interdites. Palestra Itália devient Palmeiras et remporte la même année un nouveau championnat paulista. Cinq ans plus tard, Palmeiras est à nouveau sacré, à l’issue d’une victoire sur Santos au Vila Belmiro. C’est cependant à partir de la fin des années cinquante que le clássico entre Palmeiras et Santos change de dimension avec des affrontements mythiques, période à retrouver dans le treizième numéro de notre magazine. Le premier épisode a lieu en 1958, où Santos mène 5-2 à la mi-temps au Pacaembu. Palmeiras, emmené par Mazzola, inverse complètement la tendance et prend l’avantage, avant qu’un doublé de Pepe dans les dernières minutes n’offre la victoire à Santos sur le score improbable de 7-6 ! Sur le chemin du retour, Pepe informe un passant du score du match et ce dernier ne le prend pas au sérieux, finissant même par l’insulter ! Cinq personnes décèdent par arrêt cardiaque, Nonno Beppe écrit dans le livre 20 jogos eternos do Palmeiras de Mauro Beting : « On ne verra plus rien de comparable, au Pacaembu ou ailleurs. Mais s’il y a deux équipes au Brésil qui devaient faire ce match, c’était nous et eux, l’équipe de Pelé ».

Les deux équipes se retrouvent dans le championnat paulista 1959, les buts sont une nouvelle fois au rendez-vous : victoire 7-3 de Santos à l’aller, victoire 5-1 de Palmeiras au retour, les deux clubs s’affrontent en finale avec trois matchs extrêmement relevés qui offrent au championnat le nom de supercampeonato. De 1958 à 1969, aucun championnat paulista n’échappe au duo, Palmeiras s’imposant en 1959, 1963 et 1966, Santos les autres années. Les deux équipes s’affrontent également dans le championnat national, comme en demi-finale de la Taça Brasil en 1964 et 1965 puis lors du quadrangulaire final du tournoi Roberto Gomes Pedrosa 1968. Depuis, le clássico Palmeiras – Santos est connu sous le nom de clássico da saudade, en référence à ces affrontements mythiques des années soixante, qui ravissent les plus nostalgiques. Pelé brille particulièrement lors des chocs contre Palmeiras avec trente-deux buts en cinquante-sept matchs, un record. Le meilleur buteur palmeirense dans le clássico est Heitor, attaquant du Verdão entre 1916 et 1931, et limité à treize buts face à Santos.

Goleadas et mots doux

Si les années soixante appartiennent à Santos et Palmeiras, les années quatre-vingts sont celles du duo Corinthians – São Paulo, Santos parvenant tout de même à décrocher le championnat paulista en 1984. En 1979, le Palmeiras de Telê Santana écrase Santos 5-1, le Peixe prend sa revanche trois ans plus tard avec une victoire 6-1 au Pacaembu. En 1983, lors d’un match du championnat paulista au Morumbi, Santos mène 2-1 jusqu’à la dernière minute et l’égalisation pour Palmeiras d’Aragão, qui n’est autre que l’arbitre de la rencontre ! Un clássico, ce sont des buts et des goleadas, des finales et des titres, mais aussi des moments d’histoire qui dépassent les limites du terrain. Les supporters de Palmeiras sont appelés « porcos », un terme qui daterait de 1942, où les descendants d’Italiens sont insultés à cause de la Seconde Guerre mondiale, mais qui va être réellement popularisé en 1969. Cette année-là, deux joueurs du Corinthians, Lidu et Eduardo, décèdent dans un accident de voiture. Le président du Corinthians, Wadih Helu, demande à inscrire deux nouveaux joueurs pour la deuxième partie du championnat paulista, mais essuie le refus de Palmeiras, la mesure devant être approuvée par tous les clubs pour être adoptée. Wadih Helu dénonce « l’esprit de cochon » de Palmeiras, le surnom du Porco est alors utilisé par les rivaux pour dénigrer et désigner les supporters de Palmeiras. Dans les années quatre-vingts, João Roberto Gobbato, directeur marketing de Palmeiras, souhaite que le symbole du cochon soit adopté par le club, mais se heurte au scepticisme des dirigeants et des groupes de supporters. Le 29 octobre 1986, lors d’un match contre Santos dans le Brasileirão, les supporters du Verdão chantent pour la première fois : « E dá-lhe Porco, e dá-lhe Porco... olê, olê, olê ». Jorginho, numéro 10 et star du club, pose en une de Placar avec un cochon dans les bras. « Avant, c’était Porco d’un côté, et ils répondaient avec Gambá de l’autre. Après la Une, cela s’est arrêté », rappelait Jorginho pour Lance. Le symbole du cochon est définitivement adopté par Palmeiras et les supporters, pour la plus grande déception des rivaux du club.

Après une pénurie de titres dans les années 1980, Palmeiras retrouve le sourire et les trophées au début des années quatre-vingt-dix, aidé par le partenariat avec Parmalat qui recrute de nombreux joueurs. Dirigé par Vanderlei Luxemburgo, Palmeiras s’offre le doublé championnat paulistaBrasileirão en 1993 et 1994. Deux ans plus tard, Palmeiras remporte le championnat paulista en dépassant la barre des cent buts marqués et écrase Santos au Vila Belmiro. Avec des doublés de Cléber et Rivaldo, des buts de Cafu et Djalminha, le Verdão humilie Santos sur le score de 6-0. En 1997, Vanderlei Luxemburgo est désormais l’entraîneur de Santos, mais c’est à nouveau Palmeiras qui s’offre une goleada, cette fois dans le Brasileirão : victoire 5-0 sur Santos avec notamment un but d’Alex. À l’aube du nouveau millénaire, Santos et Palmeiras s’affrontent à quatre reprises dans des matchs à élimination directe. Santos se qualifie pour la finale du tournoi Rio – São Paulo 1997 et du championnat paulista 2000 (après avoir pourtant été mené 2-0), Palmeiras se qualifie aux dépens de Santos pour la finale de la Coupe du Brésil 1998 et du championnat paulista 1999. Les goleadas continuent de marquer l’histoire du clássico, comme en 2004 où Santos, qui remportera pourtant le Brasileirão en fin d’année, s’incline 4-0 face au Porco, porté par le doublé du jeune Vágner Love. La revanche des Santistas a lieu en 2006 avec une victoire 5-1 au Vila Belmiro.

Un clássico, ce sont aussi des provocations, parfois des bagarres, comme celle entre Diego Souza et Domingos en demi-finale du championnat paulista 2009. Un an plus tard, Santos est l’une des équipes les plus séduisantes du Brésil avec des joueurs comme Robinho, Neymar et Ganso. Contre Palmeiras, le Peixe mène 2-0 avant de finalement s’incliner 4-3. Robert est l’homme du match avec un triplé et une passe décisive pour le Colombien Pablo Armero, qui célèbre son but avec une danse, comme les joueurs de Santos avaient l’habitude de le faire à cette époque. En 2015, Santos et Palmeiras s’affrontent en finale du championnat paulista pour la première fois depuis l’historique finale de 1959 ! La formule du championnat dans les années soixante, dominées par Santos et Palmeiras était un championnat aller-retour sans finale et, depuis le passage à une formule avec finale en 1973, les équipes ne s’étaient jamais croisées lors de l’ultime marche du championnat. Au terme d’un match marqué par des buts, des expulsions, des polémiques et une séance de tirs au but, Santos remporte son vingt-et-unième championnat paulista et revient à une longueur de Palmeiras. Lucas Lima, aujourd’hui à Palmeiras, marque le tir au but vainqueur et s’en fera même un tatouage.

Lors du match aller du Brasileirão 2015, le gardien de Palmeiras, Fernando Prass accuse l’attaquant de Santos, Ricardo Oliveira, de lui avoir donné un coup de poing et les deux se provoquent par presse interposée. Au retour, Ricardo Oliveira marque un but qu’il célèbre en faisant une grimace, célébration vue comme une provocation par les Palmeirenses. En fin d’année, Santos et Palmeiras se retrouvent en finale de la Coupe du Brésil, troisième finale de l’histoire de la compétition entre deux clubs d’un même État, après FlamengoVasco en 2006 et Atlético-MGCruzeiro en 2014. Le titre se joue à nouveau aux tirs au but, mais Palmeiras sort cette fois-ci vainqueur avec comme héros Fernando Prass, qui arrête un tir au but avant de mettre le sien. Les joueurs de Palmeiras posent aux côtés du trophée en faisant une grimace, des masques avec la grimace de Ricardo Oliveira seront mêmes utilisés par les joueurs.

En 2016, Santos prend sa revanche en battant Palmeiras en demi-finale du championnat paulista, à nouveau aux tirs au but, et remporte le titre face à Audax, le compte Twitter de Santos pouvant répondre aux provocations de son homologue de Palmeiras quelques mois plus tôt. De son côté, Palmeiras remporte le Brasileirão en 2016 et 2018, et atteint la barre des dix titres, un record devant les huit championnats de… Santos. Le Verdão et le Peixe ont marqué l’histoire du championnat paulista, du football brésilien, mais également de la Copa Libertadores. Santos a été champion en 1962 et 1963 avec Pelé, a perdu la finale 2003 avec Robinho avant de gagner en 2011 avec Neymar. Palmeiras s’incline en finale en 1961 avec Julinho, en 1968 avec Ademir avant d’être sacré en 1999 avec Alex. Le Verdão retrouve la finale en 2000, défait comme Santos en 2003 par Boca Juniors. L’affiche pour l’édition de 2020 entre Palmeiras et Santos est la troisième finale 100 % brésilienne de l’histoire de la Copa Libertadores après São Paulo – Athlético-PR en 2005 et InternacionalSão Paulo en 2006, ce PalmeirasSantos est donc le premier clássico brésilien en finale. Au Maracanã, temple du football, Santos et Palmeiras s’apprêtent à disputer ce qui est déjà le plus grand clássico da saudade de l’histoire centenaire de cette rivalité.

Marcelin Chamoin
Marcelin Chamoin
Passionné par le foot brésilien depuis mes six ans. Mon cœur est rouge et noir, ma raison est jaune et verte.