Les deux grands continuent de gagner et le principal suspense en Uruguay est de savoir si l’un ou l’autre des deux grands va perdre des points d’ici la fin du Clausura et ainsi avantager l’autre. Derrière, on retrouve les mêmes équipes que l’année dernière mais loin, très loin...

Le championnat uruguayen présente cette difficulté que deux équipes y attirent presque toute la lumière. Presque, la nuance est importante, mais il n’empêche que les deux grands ont les spectateurs, les téléspectateurs, l’histoire, les revenus… et souvent les résultats qui vont avec. La beauté du championnat réside cela dit dans le fait que des équipes sortent parfois de nulle part, avec des joueurs qui deviennent des joueurs de classe internationale et des entraîneurs exceptionnels. On peut citer ces dernières années le River de Carrasco en 2015, le Defensor d’Acevedo en 2017, le Liverpool de Méndez en 2020 puis évidemment celui de Jorge Bava en 2013. On en oublie, avec des équipes comme Rentistas ou Plaza Colonia qui ont gagné des tournois courts dans cette période. Ce sont ces équipes qui rendent le championnat particulièrement intéressant, car du plus petit stade de campagne peut sortir des équipes surprises et des matchs de grande qualité. Exemple typique : Racing – Danubio, un dimanche après-midi pluvieux à Montevideo, peut être intéressant à suivre car ce sont deux équipes qui jouent bien, qui étaient en zone de Sudamericana l’année dernière, qui le seront à nouveau cette année, avec deux entraîneurs connus, des joueurs connus…

Sauf que, cette année, cela accouche de matchs miteux. Et ce Racing – Danubio n’a pas échappé à la règle avec un terrain chargé d’eau et deux équipes qui ne se livrent que pour le dernier quart d’heure. Les entraîneurs avaient fait tourner puisque les deux équipes avaient joué en milieu de semaine… sauf qu’elles ne joueront pas de nouveau avant dix jours car le week-end prochain est celui du deuxième tour de l’élection présidentielle. Danubio joue donc avec le fantôme de Nicolas Blandi en attaque, en lieu et place de Papelito Fernández, meilleur buteur de l’équipe. À noter également la présence de Mauro Goicoechea dans les cages, ex-TFC, meilleur joueur de son équipe. Comme vous l’aurez compris, le match s’est terminé sur un bon 0-0 des familles, avec le Racing qui a « l’excuse » d’avoir joué la deuxième mi-temps à dix à la suite de l’expulsion de Lucas Rodríguez à la mi-temps. On a donc regardé, mais surtout pour voir sombrer quelques anciens comme Blandi et Andrada (l’ex-messin est entré en fin de match) ou pour voir le ballon s’arrêter dans les flaques au milieu de terrain… Pas les meilleures raisons de regarder un match de foot. Heureusement, quelques gestes, surtout en fin de match, ont un peu éclairé la rencontre comme cette presque aile de pigeon d’Hernan Novick, poète, qui est repoussée sous la barre par Odriozola, ou les déboulés de Dylan Nandín, super joueur malgré sa ressemblance à Vinnie Jones. Il n’a que vingt-deux ans et on aimera le revoir. Ce match est l’image des autres matchs nuls durant les derniers mois d’équipes comme Defensor ou Montevideo Wanderers. Frustrant, et avec ce petit goût de ne pas avoir tout donné. Le type de match qui fait qu’il y a un abysse de vingt-cinq points entre les deux grands et les autres. Le pire étant qu’on connaît aussi déjà les grandes lignes du haut de tableau avec Peñarol et Nacional qui iront en phase de groupes de Libertadores, Boston et Defensor qui iront en tour préliminaire et Danubio, Cerro Largo, Racing et Wanderers en Sudamericana. Soit le même top huit que l’année dernière avec juste Boston River à la place de Liverpool !

Il reste donc les matchs des deux grands, qui devraient terminer à environ 2,5 points par match. Nacional a roulé sur ses deux derniers matchs avec un 6-0 contre Fénix et un 5-2 contre le Deportivo Maldonado. Nacional a concédé des occasions comme le montre les deux buts du Depor mais tout réussit en attaque en ce moment notamment grâce à un grand Nico López. Nacional a mangé son pain blanc et va maintenant jouer contre Danubio et Boston River avec l’impossibilité de perdre des points si le club veut pouvoir jouer la ou les finales. Car Peñarol a cinq points d’avance au classement annuel et est à égalité au classement du Clausura. Si le Manya remporte le Clausura, il n’y aura pas de finales et le championnat s’arrêtera dans deux semaines avec un titre logique pour Peñarol. L’équipe vient d’enchaîner sept victoires en championnat depuis sa défaite lors du clásico, dont cinq 2-0 ! Souvent, le même schéma se répète avec un but en première mi-temps et un autre en fin de match, tout en contrôle. C’est ce qui s’est passé contre Montevideo Wanderers avec un premier but sur un coup-franc direct, proche du point de corner, de Léo Fernández, de toute beauté. Contre le Defensor ce week-end, le même Fernández a marqué juste avant la mi-temps sur un dribble dans la surface qui a laissé trois défenseurs dans le vent, dont surtout Giampoli dont on peut s’interroger sur les qualités au vu de son déplacement sur ce but et sur le deuxième de Medina également. Bref, Peñarol roule sur la concurrence et, après un calendrier un peu chargé, va maintenant jouer Progreso et Fénix. L’équipe a bien digéré l’élimination en Libertadores et a conservé un niveau très haut avec un potentiel d’intensité à des années lumières de ce qui se fait en Uruguay, même si l’équipe a tendance à « gérer » ses matchs. Avec en plus un Fernández stratosphérique, meilleur joueur que l’on ait vu dans le championnat depuis… depuis très très longtemps, le titre lui semble promis. Sauf que les Carboneros ont eu du mal contre Nacional cette année. À suivre.

Derrière, le Deportivo Maldonado est déjà relégué, Fénix y est presque également. Le troisième relégable se jouera entre Miramar Misiones, Rampla, Cerro et Progreso.

Résultats et classement

Jérôme Lecigne
Jérôme Lecigne
Spécialiste du football uruguayen, Suisse de l'Amérique du Sud, Patrie des poètes Jules Supervielle, Juan Carlos Onetti et Alvaro Recoba