Après deux mois de trêve, l’Uruguay se la jouant à l’européenne, le championnat reprend ses droits ce week-end. L’occasion pour LO de vous offrir un guide complet en trois épisodes.

Un mois de juillet banal vient de s'achever en Uruguay. Le pays s'est grandement réjoui de la défaite de l'Argentine en finale de la Copa America, l'Uruguay restant leader en nombre de victoires. Et le pays s'est enthousiasmé sur la finale des jeux panaméricains au Canada, gagnée par la sélection des moins de 22 ans. Alors comme tous les ans, ce mercato a été celui de la vente des jeunes pousses, bonnes ou mauvaises, dans des clubs russes ou mexicains. Comme tous les ans, les vieux briscards sont également revenus au bercail en négociant leur contrat libre de tout engagement. Le championnat va reprendre ce week-end, en fanfare, avec pour la dernière fois un calendrier européen. En effet, après, un tournoi de transition, le championnat reprendra un format sud-américain (saison sur année civile) dès 2016.

Mais avant de s’exciter ce week-end sur le Tiki Tiki de River, sur le retour de Diego Forlán ou sur les débuts de Villa Teresa, faisons le point sur les différentes équipes tout en dégustant un chorizo recuit trois fois au coin du feu. Voici un petit guide des clubs pour comprendre le championnat le moins compréhensible du monde.

Club Atletico Cerro

Stade Troccoli, capacité normale de 25 000 places mais souvent réduite pour des raisons de sécurité.

Coach: Miguel Falero

Club de la banlieue populaire de Montevideo, au pied du Cerro, le Fort de Montevideo. Il sera orphelin de son rival traditionnel Rampla Juniors, club du même quartier, descendu en deuxième division. C'est un historique, presque toujours présent en première division, mais qui n'a jamais rien gagné au plus haut niveau. Ses hinchas sont connus pour être assez virulents. Il y a notamment eu des incidents contre Peñarol l'année dernière, avec match arrêté et victoire donné sur tapis vert (voir Uruguay : la chasse au Bolso). Cela tombe bien, ce sera leur premier match de la saison. Il se jouera au Centenario, autant pour des raisons de sécurité que pour le business, le club voyant l’intérêt du premier match officiel de Forlán dans le championnat uruguayen. Le club a terminé 14ème sur 16 l'an dernier, mais a bénéficié du système de descente sur deux saisons pour se maintenir. Cela l'oblige, malgré tout, à de très bonnes performances cette année puisqu'il ne sera plus protégé.

Espoir pour la nouvelle saison: se maintenir, se maintenir, et se maintenir.

L'espoir qui sera vendu dans un an (ou moins) : Pas de joueur convoqué dans les équipes de jeunes d'Uruguay, mais un gardien qui se fait remarquer, Mathias Cubero, qui a bien aidé son club durant la saison précédente. Mais il est en fin de contrat et n'a toujours pas renouvelé. Pas sûr qu'il soit encore la dans une semaine. A noter également Hugo Silveira, jeune attaquant de 22 ans, physique (1m90), qui fera sa troisième saison au Cerro.

L'ancienne gloire qui continue sa tournée d'adieu : Richard Porta, grand attaquant mi-australien, mi-uruguayen, il n'a que 31 ans mais a déjà tout connu. Deux fois meilleurs buteurs du championnat, double champion avec le Nacional, il arrive de Rentistas mais a déjà joué dans 10 clubs de 6 pays différent. Il pourra être très utile en renard des surfaces qu'il est, si le physique suit.

Danubio FC

Stade: Jardines del Hipodromo, 15 000 places et une magnifique palmeraie en arrière-plan.

Coach: Jorge Castelli

Club historique également, mais cette fois avec 4 titres, dont le dernier conquis il y a deux ans dans une finale d'anthologie contre les Wanderers (voir Uruguay : Danubio au bout de la folie). Club connu pour son centre de formation très efficace de Chevanton à Cavani ou Gargano. Danubio a son Clásico contre Defensor, mais d'une bien moindre importance que les superclásico ou que le Clásico de la Villa entre Rampla et Cerro.

Après donc avoir été champion, il y a deux ans, le club a été assez ridicule en Libertadores terminant dernier de son groupe et se faisant étriller 4-0 par deux fois au Brésil (voir leur parcours). 4ème du dernier championnat, il participe donc dès ce mois d’août à la Copa Sudamericana contre la U Catolica. Ils viennent de perdre 1-0 à l’aller et ont donc encore leur chance pour le retour.

Espoir pour cette saison : finir avec 5 ventes à plus de 500 000$.

L'espoir qui sera vendu dans un an (ou moins) : Il y en a plusieurs, c'est le Business Model de Danubio. Avoir 7 ou 8 jeunes entourés de quelques vieux. Côté prodige, Formiliano, très bon défenseur axial, va partir cet été, il a des pistes en Italie. A suivre également Gaston Faber, milieu de terrain, magnifique relanceur le Danubio compte toujours 4 joueurs dans la sélection des moins de 20 ans.

Le prodige sur le retour : Juan Manuel Olivera débarque du Peñarol où il vient de passer 6 mois sur le banc des remplaçants. Grand attaquant de l'équipe carbonero qui fut en finale de la Libertadores en 2011 contre Santos (voir Les dignes héritiers), il est déjà passé par un nombre incalculable de clubs et de pays. Il revient à la maison puisqu'il a été formé au club, et il pourra encadrer les jeunes du club. Retour également de Carlos Grossmuller, ancien enfant prodige, passé par Schalke, et de Pablo Lima.

Defensor Sporting Club

Stade Franzini, 18 000 places, avec une magnifique vue sur la Rambla, idéal en été mais avec un vent meurtrier en hiver.

Coach: Juan Tejera

Club du centre-ville de Montevideo, considéré comme « huppé », également un historique du championnat avec 4 titres. Le club a participé à une « épopée » l'année dernière en Libertadores terminant en demi-finale contre un club paraguayen (voir Defensor Sporting 1 - 0 Nacional). Ancien club de Diego Rolan ou de De Arrascaeta, c'est comme le Danubio un grand club formateur.

Le club a terminé 5ème l'an dernier, après avoir digéré la demie de Libertadores. Il a vendu de Arrascaeta au Brésil, Lemos en Russie, et même Ramon Arias au Mexique (connu pour avoir bien profité de la victoire en quart de la Libertadores à l'extérieur, je vous laisse vérifier sur google image).

Espoir pour cette saison : retourner en Libertadores, pour connaître à nouveau l'ivresse en Colombie (Cf Ramon Arias). Et peut-être déjà connaître la joie d'un bon parcours en Sudamericana. Premier match contre les Boliviens du Bolivar réussi puisque victoire 3-0 à l’aller.

L'espoir qui sera vendu dans un an (ou moins) : Brian Lozano est un milieu offensif, technique, marquant ses quelques buts dans l'année qui vient de remporter les jeux panaméricains avec la sélection des moins de 22 ans. Il pourrait s'imposer définitivement dans cette équipe. Très bon joueur, passeur et aussi buteur à ses heures. Attention également à Mauro Arambarri, milieu de terrain de bon niveau, et à Guillermo De Los Santos, ancien défenseur du Nacional où il n’a pas beaucoup joué à cause de la concurrence, mais qui aura sa place dans cet effectif.

Les piliers de la chiviteria du coin : C'est sur les anciens que le Defensor envoie du lourd, un joueur par ligne. En défense, Andrés Scotti tient la barre depuis l'année dernière. Ancien du Rubin Kazan ou d'Argentinos Juniors, il rempile à 39 ans pour une nouvelle saison. Sa photo Wikipedia est en noir et blanc, tel un hommage à sa longévité. Plus très rapide, mais encore immense dans l'anticipation. Pour rappel, il est 4ème du mondial 2010, champion d'Amérique 2011, et il est extraordinaire dans le match qui qualifie l'Uruguay pour la coupe du monde au Brésil gagné 2 à 0 contre la Colombie. Respect. Au milieu, Andrés Fleurquin continue son chemin. Il est violet depuis 2010, après quinze de pérégrination mondiale, notamment à Rennes. Il est pour beaucoup dans la victoire du Defensor lors des tournois de clôture 2012 et 2013. Il est revenu de blessure l'année dernière et jouera encore cette saison à 40 ans. En attaque, Hector Acuña, 33 ans, continue de rouler sa bosse. Sans le palmarès de Scotti, sans le côté international de Fleurquin, le Defensor est son neuvième club en Uruguay. Un Super Sub.

El Tanque Sisley

Stade del los Campeones Olimpicos, Florida, 6 000 personnes. Petit stade bucolique, de campagne disons, avec une tribune et trois « buttes ». Les 6 000 personnes de capacité sont données à titre indicatif, il n'y a jamais autant de monde.

Coach: Julio Cesar Antunez

Petit club récent, n'ayant que six participations au championnat uruguayen. C'est l'un des clubs de l'intérieur du pays, à environ 100 kilomètres de Montevideo. Pas beaucoup d'anciens joueurs connus, hormis les frères Novick, qui joue aujourd'hui au Peñarol. Et évidemment Hector Acuña. Le nom ridicule vient de la jonction de deux clubs différents en 1981, El Tanque et Sisley.

Le club vient de terminer 10ème. Moins bien que l'année d'avant ou ils avaient terminé 5ème... Mais c'était leur meilleur résultat historique. La dixième place est malgré tout à relativiser car le club s'est maintenu lors du dernier match lors d'un combat épique contre Atenas.

Objectif : obtenir au tirage du championnat un El Tanque Sisley – Peñarol au printemps, pour pouvoir louer et remplir à moitié le Centenario, et ainsi remplir les caisses du club.

L'espoir qui reviendra en janvier : Yoel Burgueño vient de partir à Libertad au Paraguay. Il n'y jouera sans doute pas et sera cédé à nouveau au club en janvier

Les piliers de l'année à venir : Le club vient d'engager Dario Silva comme nouveau gardien. Rassurez-vous, c'est un homonyme. Ancien gardien remplaçant de Defensor, il trottine sans problème. Juan Ignacio Surraco reste également au club, et c'est toujours bon d'avoir un bon attaquant dans une équipe de foot.

Fenix

Stade du Parque Capurro, 6 500 spectateurs, proche de la Rambla

Coach: Rosario Martinez

Attention, club de Jaime Roos, idole absolu de la chanson uruguayenne. 31ème participation au championnat, aucune victoire. Club situé près du port de Montevideo, il a formé le grand Lolo Estoyanoff. Le club a terminé neuvième la saison dernière.

Objectif : Se maintenir et peut être rêver d'une place en Copa Sudamericana

Les pépites : Andrés Schettino, milieu de terrain très bon en sélections mineures. Lucas Cavallini, attaquant Uruguayo-Canadien, très bon également, à suivre.

Le joueur qui ne joue plus très bien mais qui peut donner des cours de français : Sébastian Ribas, vous vous souvenez ? En Uruguay il est connu pour être le fils de Julio Ribas. En France, il a fait deux bonnes saisons avec Dijon en Ligue 2 quand Dijon monte en Ligue 1. Depuis, plus rien. Une signature libre au Genoa, des prêts à gogo, et donc, à 27 ans seulement, un retour à la maison. Fénix après Strasbourg? Possible.

Club Atletico Juventud

Stade: Parque Artigas, 5500 places, à Las Piedras, grande banlieue de Montevideo. Fait officiellement partie des 4 clubs extérieurs à Montevideo. Mais, honnêtement, celui-là ne devrait pas compter.

Coach : Jorge Giodarno

Petit club de première division, seulement 10 saisons dans l'élite. Mais le club a fait une très bonne saison l'année dernière (6ème) et jouera donc la Copa Sudamericana, pour la première fois de son histoire. Ils joueront Potosi, club bolivien. Le club n'a pas de figure historique hormis Fabien Carini, et il conserve un effectif très stable au fil des années.

Objectif : bien figurer pour la première apparition en compétition internationale.

Le pilier historique : Fabien Carini, grand gardien de l'Uruguay de 2000 à 2010. C'est lui qui a écœuré les attaquants de l'équipe de France en 2002 en Coupe du Monde. Il est connu pour avoir été presque tout le temps remplaçant en club, en passant quand même par la Juventus et l'Inter. Il a été très bon l'année dernière.

Liverpool FC

Stade du Belvedere, environ 8000 personnes.

Coach: Juan Jose Verzeri

Pour l'histoire du nom du club, c'est ici !

Supporter de choix : Paul Mac Cartney en est socio !

Le retour ! Club historique de première division,  il vient de passer une saison en deuxième division, ou il a tout écrasé. Revient donc avec une équipe jeune, quelques renforts de poids, et les dents longues. Club formateur de Jorge Fucile ou Luis Aguiar. Il a également connu la fin de carrière un peu pathétique de Javier Chevanton l'année de la descente du club. Comme quoi, aligner des noms n'est pas toujours une bonne stratégie, surtout pour les attaquants.

Objectif : le maintien, pour viser plus haut éventuellement, l'effectif étant bon.

La pépite gantée : Guillermo de Amores est un grand gardien, espoir uruguayen au poste. Gardien titulaire lors de la finale de moins de 20 ans perdu contre la France. De bons réflexes, de la présence, il a tout pour réussir. Sauf que pour le moment, Liverpool a recruté Bava au poste de gardien. Pas sûr que son avenir se situe toujours sur les bords de la Mersey de la Plata. Sinon, Junior Arias, jeune attaquant, a fait des étincelles en deuxième division l'année dernière, avec notamment un quintuplé. A suivre en première division.

Les piliers derrières : Ils viennent de recruter libre de tout contrat Damian Macaluso. Ancien joueur de Nancy pendant 4 ans, grand défenseur physique, profil de joueur à la Pablo Correa, il vient de passer 3 saisons au Peñarol où il ne jouait plus sur la fin (3 minutes jouées sur le dernier tournoi clausura) mais il était adoré des supporters. Un #graciasmaca a circulé quand son départ a été annoncé. Macaluso, un bon défenseur, un mec bien.

Autre renfort, Liverpool a signé Jorge Bava. C'est plus surprenant quand on sait que le club avait De Amores, mais ils ne lui font à priori plus confiance pour le haut niveau. Bava, gardien de la vieille garde, cirait le banc du côté du Nacional. Quand Munua a pris les rênes du Nacional cet été, il a tout de suite indiqué que le club ne comptait pas sur lui. Bonne ambiance, sachant qu'ils étaient numéro 1 et 2 l'année précédente. A voir s’il peut revenir après une année blanche.

Jérôme Lecigne
Jérôme Lecigne
Spécialiste du football uruguayen, Suisse de l'Amérique du Sud, Patrie des poètes Jules Supervielle, Juan Carlos Onetti et Alvaro Recoba