C’est toujours la trêve en Uruguay, et l’on ne connaît pas officiellement la date de reprise pour le championnat de transition à venir. Ce championnat ne sera que de 6 mois, l’Uruguay basculant de nouveau dans un calendrier de type sud-américain, commençant en février et terminant en décembre, à compter de 2017. En attendant, on parle beaucoup de caméras, de violence, de transferts, de jubilés et un peu de ballon. Voici le récit de ce qu’il s’est passé en Uruguay cet hiver.
Le fiasco du tournoi La Liga
Le premier grand rendez-vous de l’hiver en Uruguay devait donc être un tournoi alléchant organisé avec des équipes espagnoles (Celta Vigo et Deportivo La Corogne) et les deux grands du football uruguayen (Peñarol et Nacional). Le tournoi devait voir s’affronter en demi-finale les deux espagnols, puis les deux clubs uruguayens le jeudi 21 Juillet, puis une finale devait avoir lieu le dimanche 24 entre les vainqueurs de chaque match. Nous aurions donc du assister à un clásico, sauf que une semaine avant, le ministère de l’intérieur tape du poing sur la table et annonce que le match n’aura pas lieu. Les clubs se sont en effet engagés en 2009 (!!!) à équiper les grands stades de caméra de vidéo-surveillance à reconnaissance faciale, et nous sommes en 2016, rien n’est encore prévu… La police refuse donc d’assurer la sécurité des stades tant qu’un plan d’installation de ces caméras n’est pas mis en place. La fédération uruguayenne annonce donc à 5 jours des matchs que le tournoi est annulé, ne pouvant organiser un clásico sans force de police.
C’était oublié un élément important : les espagnols avaient tout réservé. Entre le voyage, l’hôtel, et le trou dans la préparation que représentent ces matchs amicaux, on peut imaginer la sensation désagréable qui a dû envahir les présidents des deux clubs espagnols. Ces derniers s’en remettent donc au ministère des sports espagnols et à l’ambassade d’Espagne en Uruguay pour communiquer leur mécontentement concernant ce fiasco. La plainte est entendue, et des matchs sont finalement organisés entre les équipes espagnoles le jeudi 21 juillet au soir, puis le week-end entre Nacional et Celta Vigo, puis entre Peñarol et La Corogne.
Aucun enseignement footballistique à retenir de ces trois matchs sans jeu ni enjeu, mais la certitude que les pouvoirs publics et la fédération vont devoir se s’asseoir et négocier. En effet, pour couronner cette belle semaine de cafouillage, le match de Peñarol est perturbé par l’entrée en « avalanche » de supporters dans la tribune Cataldi, ces fans estimant ne pas avoir assez eu de places gratuites de la part du club (pour information, le don de places pour acheter « la paix » en tribune est une pratique très utilisée par Peñarol, mais interdite…).
A fin juillet, la situation paraissait bloquée. Finalement, une porte de sortie est sur le point d’être ouverte, basée sur une reprise du championnat le 20 Août (avec deux semaines de retard), et sur l’installation dans le semestre de caméras au Centenario (financés par l’AUF), au Campeon del Siglo (financés par Peñarol) et au Gran Parque Central (financés par Nacional). Les caméras du Centenario seront financées également par des fonds de la CONMEBOL qui devait servir à financer l’éclairage de « petits stades », les équipes concernées sont donc ravies…
Des changements chez les grands
Côté joueurs, à l'intersaison, certains sont partis comme prévu. Michael Santos est parti éclairer Malaga, où il réussira à s’imposer. Federico Valverde a été transféré le jour de ses 18 ans, il jouera pour la Castilla du Real De Madrid. Nicolas Lopez a été vendu par son club de l’Udinese à l’Inter de Porto Alegre. Il est remplacé au Nacional par Tabaré Viudez. Felipe Rodriguez, la magnifique patte gauche du Defensor, est parti rejoindre Arevalo Rios aux Chiapas. Voilà pour les gros transferts à ce jour, sachant qu’il reste presque un mois à des joueurs comme Nahitan Nandez (Genoa ?), Gurruceaga (Turquie ?) ou Polenta (River Plate, Racing ?) pour négocier leur transfert.
La bonne surprise de ce mercato réside dans le fait que les deux grands ont plutôt bien réussi cette période, en faisant notamment signer les principales révélations du dernier championnat. Peñarol a réussi à faire signer des joueurs comme Alex Silva ou Nicolas Dibble, mais aussi Rodriguez ou Urruti, tous révélations dans leurs équipes respectives au dernier championnat. On s’achemine vers une équipe Gurruceaga – Alex Silva, Valdez, Bressan, Oliveira – Rodriguez, Pereira – Urruti, Dibble – Novick ou Rossi, Murillo. Équipe offensive donc, mais qui devra créer des automatismes suite au remplacement de 7 à 8 titulaires. Côté Nacional, l’effectif est beaucoup plus stable, avec comme principal changement l’entraîneur, avec le retour de Martin Lasarte, l’homme qui a lancé Griezmann et Suarez. Les principaux apports dans l’effectif sont Lozano, de retour après six mois au Mexique où il ne s’est pas imposé, Tabaré Viudez et Hugo Silveira. L’effectif devrait tourner sur ces bases : Conde – Fucile, Polenta, Victorino, Espino – Romero, Carballo – Liguera, Viudez, Lozano – Ramirez.
Ailleurs, des Neuf durent
Dans ce tournoi de transition qui ne durera donc que jusqu’à décembre, soit sur 15 journées, d’autres équipes pourront jouer sur l’effet de surprise. Deux équipes vont pouvoir s’appuyer sur des 9 à la carrière bien avancée, revenant au pays pour y amener du plaisir : le Fénix de Lolo Estoyanoff et le Liverpool de Carlos Bueno.
Fabian Lolo Estoyanoff a 33 ans, et retourne dans l’équipe qui l’a formé. Il aurait sans doute préféré revenir à Peñarol, son club de cœur, mais personne ne l’a appelé. Et Dieu sait que sur les six derniers mois, il n’a jamais dû mettre son téléphone portable en silencieux. Il avait quitté l’Uruguay entre 2005 et 2007 pour jouer à Valence ou La Corogne, mais s’était surtout imposé à Peñarol entre 2010 et 2015. Après un an en Arabie Saoudite, il a quitté le club en mauvais terme et vient donc de passer six mois sans jouer, ne pouvant signer de nouveau contrat. Dans l'impossibilité de taquiner le ballon, il s’est adonné à son autre passion, la musique, chantant dans un groupe une sorte de Cumbia, exhibant ses tatouages dans un Jacuzzi dans des vidéos clips incroyablement pauvres… Depuis le 30 juillet, il peut de nouveau jouer au football, et il ne s’en est pas privé, marquant un but dès son premier match amical, un penalty certes, contre une équipe qu’il connaît bien, Nacional. On lui souhaite de retrouver son mailleur niveau.
Carlos Bueno, également appelé Charly Good par les fans, a 36 ans. Il est, comme Estoyanoff, un joueur au sang jaune et noir de Peñarol. Il y a été formé avant de partir par la toute petite porte pour Paris, en 2005. Il ne s’est jamais vraiment imposé en Europe, pérégrinant dans les années 2000 entre Espagne, Chili, Mexique, Argentine. A la Real Sociedad, où il passe une saison, il prend le temps de faire déguster à Griezmann (encore lui), ses premiers matés. Il aurait sans doute également souhaité revenir à Peñarol, mais la vie en a décidé autrement, et il vient renforcer une équipe de Liverpool ambitieuse, avec des joueurs comme De La Cruz ou le gardien De Amores.
Pendant ce temps-là, Tony s’en va
Le dernier grand moment de cet intersaison a été le jubilé du grand, de l’immense, Antonio Pacheco. Dans un Capeon Del Siglo plein, il a uni tout le peuple carbonero le temps d’oppositions avec ses amis, des joueurs comme Bengoechea, Morena, Dario Rodriguez mais également d’autres plus modestes comme les déjà-mentionnés Carlos Bueno, Estoyanoff ou Damian Macaluso. Au final, Tony s’en va en étant 8 fois champions d’Uruguay, en étant le meilleur marqueur de l’histoire des Clasicos, mais surtout avec l’amour de tout un peuple, et le respect de tout le pays, comme Alvaro Recoba quelques mois avant lui. On notera d’ailleurs avec une immense tristesse qu’ils n’ont pas pu assister à leur jubilé respectif, à cause de la peur de certains supporters violents, bêtes comme des loutres, qui auraient pu se déchaîner envers leur « ennemi ». El Tony no se va. Surtout que son prochain objectif est de devenir président du club.
Et maintenant, vivement que le football revienne.
