Peñarol a battu Nacional lors d'un clásico avec avertissements, expulsion, baston mais aussi pas mal de jeu, des buts et beaucoup de suspense. Peñarol n'a donc plus « que » dix points de retard sur son adversaire de toujours et le regardera jouer son quart de finale de Libertadores jeudi soir depuis son canapé, ayant depuis longtemps quitté les terrains en compétition continentale. Cela valait-il donc une danse ?
Nacional sortait d'une semaine compliquée après une défaite deux à zéro contre River Plate en Copa Libertadores, une défaite qui a permis à la presse locale de titrer « RIVAR PLATE », prouvant encore une fois que l'analyse « critique » de l'arbitrage est un sport qui ne disparaîtra ni avec l'arbitrage vidéo, ni avec quoi que ce soit. Un jour, on inventera l'arbitrage par intelligence artificielle, et ce jour-là le perdant dira que c'est de la faute de l'ordinateur, mauvais au possible. Cela arrive. Malgré tout, en championnat, le Bolso survole son sujet avec treize points d'avance, avant ce clásico, sur Peñarol. Nacional a perdu de justesse l'Apertura mais a déjà remporté sa série de l'Intermedio et avance sereinement malgré quelques couacs dus notamment à la double compétition. De son côté, Peñarol est en phase de reconstruction institutionnelle avec un nouveau président qui va sans doute nommer un nouvel entraîneur. Le tout a entraîné une période d'incertitudes et de mauvais résultats. Le club ne joue plus que pour tenter de faire quelque chose lors du Clausura et arracher ainsi un accessit aux finales avec notamment un premier match supposément accessible contre Rentistas. Le clásico de ce week-end étant encore l'un des derniers matchs de l'Intermedio, l'enjeu sportif du match était pour le moins minime. Mais l'Uruguay est l'Uruguay, Peñarol est Peñarol, Nacional est Nacional, et donc le match s'est joué à fond avec les meilleurs joueurs sur le terrain des deux côtés et un combat de chaque minute. À noter que Peñarol jouait son premier match depuis trois semaines et a eu donc l'occasion de rendre hommage à Diego Maradona avec un tee-shirt pour l'entrée des joueurs et un petit fanion « 10 » sur le maillot.
Peñarol est bien rentré dans son match avec une animation offensive du trio David Terans, Jonathan Urretaviscaya et Facundo Torres qui a mis à mal la défense de Nacional. La première grosse occasion des Carboneros est l’œuvre d'Urretaviscaya sur coup-franc, une frappe magnifique que Rochet vient sortir in extremis. La faute avait été sifflé sur Emiliano Martinez suite à une infraction sur Facundo Torres, qui sera insaisissable tout le match et générera beaucoup de fautes, penalty et carton pour l'adversaire. À la demi-heure de jeu, Peñarol ouvre le score sur un coup-franc obtenu par Torres sur une faute d'Ayrton Cougo. Urreta le centre bien pour un Formiliano seul au milieu de la surface, qui trompe donc logiquement Rochet. Nacional prend un peu l'eau, car Peñarol aggrave rapidement la marque avec un but de Terans. Cebolla Rodríguez sur l'une de ses seules bonnes actions du match réussit à se retourner dans le dos de Rafa Garcia et à effectuer une petite passe pour Terans sur la ligne des six mètres qui trompe donc encore facilement Rochet. La faiblesse des deux défenseurs côtés droits Laborda / García ainsi que le relâchement post-Libertadores font alors craindre un match où Nacional aurait pu exploser. Ce ne fût pas le cas grâce à un joueur qui continue à porter son équipe vers l'avant en orientant le jeu et en se disant peut-être que la meilleure défense, c'est l'attaque : Gabriel Neves. La plus belle moustache d'Uruguay réduit d'abord la marque contre le cours du jeu sur une frappe contrée à l'entrée de la surface. Sa frappe molle tape le talon d'un Formiliano malchanceux et termine doucement au ras du poteau. Dawson était parti de l'autre côté et est battu. Deux à un à la mi-temps et Nacional décide de faire comme Peñarol et d’appuyer sur le côté faible de la défense de l'adversaire. Peñarol aurait dû avoir comme latéral droit Giovanni González. C'est le titulaire habituel, international uruguayen, bon joueur, puissant. Ce dernier avait quatre cartons jaunes et a décidé d'en prendre un cinquième il y a trois semaines pour pouvoir être sûr de jouer le clásico... Sauf que patatras, le match contre Danubio est reporté pour des cas du fameux virus et Gio se retrouve suspendu contre... Nacional. Saralegui se retrouve à devoir aligner Robert Herrera. Le joueur de trente-et-un ans, arrivé il y a un an est bien le remplaçant du poste, mais joue très peu et surtout très mal. Pourquoi je vous raconte tout cela ? Parce qu'hier, au coup d'envoi de la deuxième période, exactement au coup d’envoi, la plus belle moustache du monde envoie un amour de passe vers Chory Castro, dans le dos d'Herrera, et Castro n'a plus qu'à centrer en retrait vers Santiago Rodríguez pour l'égalisation. Magnifique action bien préparée à l'entraînement.
Il reste donc une mi-temps presque entière et le match devient alors bizarre. Nacional domine dans un premier temps un Peñarol touché psychologiquement, puis Giordano fait des très mauvais choix de coaching qui font que Peñarol connaît quinze dernières minutes de domination. Bergessio et García sortent côté Nacional et l'équipe ne retrouve jamais vraiment son équilibre ni offensif, en l'absence de neuf, ni défensif, avec Laborda passé en défense centrale et Trezza étrangement latéral. Facundo Torres continue son récital et, après avoir fait que toute la défense de Nacional ait un carton jaune par ses débordements, obtient un penalty sur une énième course côté gauche où il est renversé par Laborda. C'est le moment où si vous regardez les résumés, vous allez voir arriver un drôle d'individu, Ariel Nahuelpán. Joueur argentin de trente-trois ans, il a le physique du footballeur de quartier que tu ne souhaiterais pas vraiment rencontrer sur un terrain. Grand, chauve, pour le moins physique, il est passé par de nombreux pays entre le Brésil, l'Espagne, l’Équateur, le Mexique... et il a donc signé il y a de cela deux mois pour aider Peñarol lors de l'Intermedio et du Clausura. Malheureusement, the rock est arrivé hors de forme, et a donc dû attendre avant de connaître sa première entrée sur le terrain en ce dimanche soir de clásico à la 75e (à la place d'un Britos toujours aussi déroutant). Il est entré une première fois dans la surface pour placer une tête sur un corner, puis une deuxième fois sur une action très mal terminée par Terans alors que les deux attaquants faisaient face à Rochet. Sa troisième entrée dans la surface arrive sur le penalty tiré par Álvarez Martínez. Elle arrive trop tôt, car le jeune attaquant de Peñarol n'a pas encore frappé que Nahuelpán et Yacob courent déjà dans la surface vers le but. Rochet repousse la frappe du jeune Álvarez vers Nahuelpán qui marque d'un petit pointu dans le but vide. Côté Nacional, on crie au scandale car le grand chauve était un mètre dans la surface au moment du tir, en oubliant de préciser que Yacob aussi, ce qui rend la lecture de l'action beaucoup plus compliquée pour les arbitres. Dans la foulée, Nacional tente le tout pour le tout avec un immense arrêt de Dawson sur une tête de l'entrant Sebastian Fernández. Il repousse la tête à bout portant sur le poteau, la défense peut dégager vers un Facundo Torres qui part presque seul au but. Presque seul car Neves, qu'il avait dribblé au milieu de terrain, le rattrape et le descend dans le plus pur style d'un clásico uruguayen. Se faire expulser pour garder une chance, cela avait marché lors du clásico de la nuque de Novick il y a quatre ans, cela n'a pas marché ce jour. L'arbitre siffle la fin du match et déclenche ainsi des affrontements en tribunes et sur le terrain. Car oui, un match à huis-clos peut entraîner des affrontements entre la quinzaine de délégués officiels de chaque équipe en tribune et entre les joueurs sur le terrain. La sortie des joueurs de Nacional sera longue, ces derniers en profitant pour balancer des bouteilles d'eau à la tête de la garde républicaine venue assurer la sécurité, pendant que les joueurs de Peñarol célèbrent leur victoire dans les couloirs (évidemment pour que les joueurs de Nacional entendent) comme s'il s'agissait d'un titre international, avec notamment un Cebolla sautant torse nu, montrant une forme physique comme il ne l'a pas montré sur les terrains depuis dix-huit mois...
Footballistiquement, sur ce match, Nacional a été en dessous. Rochet s'est bien défendu, mais la défense n'a pas été au niveau, entre la lenteur de García et les erreurs de Laborda, seul le jeune Orihuela a tenu la baraque. Ce dernier s'est blessé et sera absent contre River jeudi. Au milieu, Gabriel Neves a été un rayon de soleil, un sueño de bigote, entre Trasante et Villar moins en forme que d'habitude. Devant, Bergessio s'est bien battu mais n'a pas reçu de bons ballons, notamment de Rodríguez pas très en forme. La presse a acclamé Chory Castro, je ne suis pas entièrement d'accord. Castro a une facilité technique, mais n'a réussi à déséquilibrer la défense que par le niveau très faible d'Herrera, il a d'ailleurs perdu son impact dans le jeu quand Bravo a remplacé Herrera. Côté Peñarol, l'équipe est très égale, très moyenne dans beaucoup d'aspects. Hormis la catastrophe Herrera, le seul joueur différent a été Facundo Torres.

Le joueur de la semaine : Facundo Torres, un grand talent et quelques mèches blondes
Peñarol a connu de nombreux jeunes issus du centre de formation ces dernières années, jouant sur les côtés et attirant la lumière. Après Rossi, après Rodríguez, après Pellistri, voici Facundo Torres, seulement vingt ans et déjà meilleur joueur du match. Pur produit de Peñarol et étant passé par toutes les sélections de jeunes de l'Uruguay, il a mis du temps à s'imposer mais est incontournable notamment depuis quelques très bonnes performances en Libertadores. Au profil similaire à Diego Rossi, il aime jouer en soutient de l'attaquant sur tout le front de l'attaque, capable de partir d'un couloir ou d'y aller, alternant les courses. À l'aise techniquement, il devrait travailler un peu sa finition et sera dans tous les cas un joueur clef si Peñarol souhaite faire quelque chose lors du Clausura.
Pour le reste
On est un peu perdu en cette fin d'Intermedio et les choses ne devraient pas s'arranger dans les semaines à venir avec le virus qui se répand pour la première fois vraiment en Uruguay depuis quelques jours. Plusieurs matchs devront être joués avant la finale (Nacional Wanderers) dont un Danubio – Peñarol reporté à de nombreuses reprises suite à plusieurs cas au sein du club à la frange. Ensuite, il restera le Clausura sans doute en 2021.
La deuxième division a été plus efficace avec déjà deux promus connus, Cerrito et Villa Española. Ces deux clubs sont des surprises dans un championnat qui comprenait des clubs glorieux, mais au final les difficultés financières n'ont pas permis à Rampla et aux Racing ou Juventud de jouer la montée directe. Le troisième accessit est en cours de définition entre Rampla, Sud America et Juventud de Las Piedras.


