Selon les autorités argentines, l'attaquant uruguayen s’est donné la mort dans son appartement de Mendoza. Il avait trente ans.

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Un grand attaquant s'en est allé. À contre-courant des clichés dont il a pu souffrir, el morro (le museau, à ne pas confondre avec le moro avec un seul r, propre à l'Espagne) était un joueur très propre techniquement et capable de gestes d'attaquant de grande classe comme ses fameux retournées acrobatiques. Il était aussi l’un des joueurs les plus appréciés par l’ensemble des fans de football en Argentine, dépassant les rivalités entre clubs.

Formé à Nacional, le joueur s'y épanouit entre 2008 et 2011, marquant un but dès son premier match, obtenant deux titres de champion sur ses trois premières années au club. En 2011, il est stratosphérique, avec vingt-trois buts en vingt-sept matchs, et il dédie le titre en fin de saison à son ami Diego Rodríguez, issu de la même génération que lui au club, décédé quelques mois plus tôt dans un accident de la route. Il est alors vendu à l'Athletico Paranaense dans ce qui est à l'époque le transfert le plus onéreux de l'histoire du club brésilien. Malheureusement, son arrivée se fait dans un contexte difficile suite à un contrôle positif à la cocaïne lors de la finale du championnat uruguayen contre Defensor en 2011. Le club brésilien cherche rapidement à s'en débarrasser et García poursuit sa carrière en Turquie du côté de Kasımpaşa avant de revenir finalement à la maison, au Nacional. Son deuxième passage se passe assez mal, étant critiqué par les supporters pour un supposé surpoids (élément qui sera entendu souvent au long de sa carrière). Finalement, il signe à River Plate en 2015 et, début 2016, sous les ordres d'un Juan Ramon Carrasco qu'il avait côtoyé lors du titre de 2011 avec Nacional, il retrouve les joies du but en étant notamment meilleur buteur de l'Apertura 2015/16 avec dix buts.

Il en profite pour aller chercher un contrat plus intéressant et s'installe mi-2016 du côté de Mendoza, en s’engageant avec Godoy Cruz. Il vit alors ses meilleures années hors d'Uruguay, inscrivant cinquante-et-un buts en en cinq saisons, deuxième meilleur buteur de l’histoire du club, le meilleur en première division, et décrochant le titre de meilleur buteur du championnat argentin durant la saison 2017/18. Une saison durant laquelle il emmène Godoy jusqu'à la deuxième place du classement, juste derrière Boca Juniors, meilleure performance de l'histoire du club. Depuis, le joueur avait petit à petit perdu sa place dans l'effectif, jusqu'à être exclu du groupe professionnel début 2021 par le président du club. Alors que le club traverse une passe difficile, le président José Mansur a même des propos très durs envers l’idole du tomba : « le cycle du Morro García est terminé. Nous avons besoin de leaders positifs, nous avions des leaders négatifs. Nous avons eu des problèmes complexes et n’avons pu les résoudre. On va désormais si attacher. Tu ne peux pas être un leader et ne pas aller au gymnase, être dans le rouge vis-à-vis de toutes les mesures ». Le joueur et ses agents cherchent alors un nouveau club, et l'on parlait d'un retour éventuel au Nacional ou d'un transfert vers un autre club argentin.

Malheureusement, il n’y aura pas de retour. Car Santiago García était rongé de l’intérieur. Le joueur avait connu de nombreuses mauvaises passes dans sa carrière. Parti à seulement vingt-et-un ans au Brésil, il avait été sous le feu des critiques pour un test positif à la cocaïne. S'en était suivie une passe très difficile, avec un premier épisode dépressif, durant lequel le joueur raconte ne même plus vouloir allumer la lumière dans son appartement. Cet épisode amènera les commentaires terrifiants d'inhumanité du président du club brésilien, se rappelant du joueur le jour de sa mort en se félicitant de ne pas avoir payé les sommes dû dans le cadre de son transfert à l'époque..

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Aux problèmes sur le terrain, le joueur souffrait ces derniers temps de ne pas avoir vu sa famille, sa fille en particulier, depuis le début de la pandémie. Un nutritionniste avait été mis à sa disposition et le joueur était de nouveau suivi psychologiquement ces derniers mois. Malgré tout, il ne jouait plus, ne s'entraînait plus et avait été testé positif au coronavirus le 22 janvier, renforçant pendant quelques temps son isolement. Exubérant sur le terrain, le joueur était beaucoup plus rare en interview, mais avait déjà parlé de ses mauvaises passes, expliquant notamment à Radio Nihuil : « Nous ne sommes pas des robots, pas des petites machines, nous aussi on passe par des mauvais moments. Et comme cela arrive avec tout le monde, cela influe sur nous aussi. Cela fait que le rendement sur le terrain n’est pas optimal. Grâce à Dieu, j'ai pu m'en sortir petit à petit, en m'appuyant sur ma famille, mes amis, mes collègues ou entraîneurs. Le public ne sait pas ce qui nous arrive, mais quand on le vit de l'intérieur on s'en rend compte. Chacun a ses raisons dans la vie. Je ne le dis pas comme une excuse pour mon mauvais rendement de ces derniers mois ».

Des propos aujourd’hui lourds de sens. Depuis l’annonce de la nouvelle, les réactions se sont multipliées. Le joueur a été salué par ses anciens collègues, ses anciens clubs. Nacional a illuminé le palco (loge privée fréquente dans les stades sud-américains) que possède García au Gran Parque Central. Des joueurs ont également commencé à mettre en avant les paroles de García, comme Augusto Batalla, gardien d’O'Higgins au Chili étant passé par River Plate : « Nous ne sommes pas des robots. Beaucoup réfléchissent sur ce qui s'est passé avec le Morro, on parle désormais quotidiennement du bullying, mais on ne se penche jamais sur le manque de respect que reçoivent tous les jours les joueurs de football, pour le simple fait qu'il y ait un public et que ce soit un sport ou la passion est un moteur. Chaque fois que vous donnez votre opinion, pour quelle que soit la profession, faites-le avec soin, avec respect. En nous-même, nous livrons tous une bataille. Reste en paix, Morro García. » Une leçon, pour tous. Sur le terrain, alors que River Plate et Nacional s’affrontaient ce dimanche à Montevideo, dernier clin d’œil du destin, Godoy Cruz annonce que le numéro 18 du Morro ne sera plus jamais porté.

Jérôme Lecigne
Jérôme Lecigne
Spécialiste du football uruguayen, Suisse de l'Amérique du Sud, Patrie des poètes Jules Supervielle, Juan Carlos Onetti et Alvaro Recoba