Si l'on vit assez longtemps, on voit que toute descente se change un jour en montée, se disait Simone dans les tribunes du Viera pour voir Danubio mardi soir. Elle n'a pas complètement tort Simone, sauf pour Albion, personne n'a vécu assez longtemps en ayant été au stade en 1908. Il y avait donc des moments d’histoires ce week-end en Uruguay. Une histoire à laquelle les deux grands ont voulu participer.

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Guide de la saison 

Cela faisait donc depuis 1939 que les deux grands n'avaient pas perdu lors de la première journée. Peñarol a d'abord perdu au Capurro un match qu'il a pourtant bien dominé en première période. Mais Agustín Álvarez Martínez a frappé hors du cadre un penalty (l'occasion la plus franche, évidemment) et Peñarol a eu un mal de chien à générer des actions dans les trente derniers mètres d'un Fénix bien replié. Jusqu'à ce que les jaunes et noirs perdent un peu le fil du match à l'heure de jeu et que l'équipe de Pallas en profite pour commencer à sortir de sa boite, profitant en plus d'un temps de chien. Sous le déluge, Fénix se crée des occasions et le nouvel arrivant Gonzalo Vega marque sur une frappe de Pereira repoussée dans ses pieds par Neto Volpi. Fénix n'a pas été très séduisant, comme souvent ces derniers mois, mais s'est montré solide. Peñarol a du mal à déséquilibrer les équipes bien repliées, encore plus en l'absence de Torres... Rien de nouveau sous la pluie.

La défaite de Nacional est du même acabit. Le Deportivo Maldonado a battu les deux grands lors du Clausura 2021, et c'est une équipe qui ne se replie pas, qui montre qu'elle n'a pas peur. Nacional de son côté a bien recruté mais peu en défense et se présente donc avec une charnière Laborda – Marichal qui ne respire pas la confiance. Parfois, le football sait être un sport logique. Nacional domine stérilement pendant une heure avant de prendre deux buts coup sur coup, de Darias puis par Marichal contre son camp. On pense alors que le match est cuit mais le Bolso trouve les ressources pour revenir et marquer par deux fois, par Emmanuel Gigliotti (sur un but un peu gag, typique d'un but uruguayen mais marqué par un Argentin), puis par Zunino. On pense alors que Nacional peut enflammer le match pour les cinq dernières minutes... jusqu'à ce que le pompier Cantera passe par là. L'ancien de Nacional (tout comme Vega contre Peñarol) marque sur une action ou il fait jouer et son physique et sa frappe, pour donner la victoire à Maldonado (3-2). Le joueur refuse de célébrer. Deux anciens attaquants de Nacional ont donc marqué, alors que les petits nouveaux du club bolso (Otormín ou Ramírez) n'ont pas été à la hauteur. Ce problème, plus la défense, Repetto a du boulot devant lui...

Ces deux matchs n'ont pas été à la hauteur. Les deux ont été ce que l'on appelle en Uruguay des pilules pour dormir, sauf la fin de match de Nacional à la limite pour les limites, pas pour la qualité du jeu. Heureusement, il y avait d'autres matchs avec en tête un DefensorLiverpool où l'équipe de la cuchilla a très nettement dominé et montré une belle animation offensive, un beau « projet de jeu », comme à l'habitude. Fin 2021, l'équipe avait perdu de l'allant avec le départ de Ramírez, elle l'a retrouvé en 2022 avec l'arrivée de deux jeunes joueurs, des joueurs déjà connus en Uruguay depuis quelques saisons : Gonzalo Carneiro et Thiago Vecino. Deux beaux attaquants avec un Carneiro très rapide, de débordement, et un Vecino présent en surface qui crée des espaces pour le reste de l'équipe (la comparaison Mbappé / Giroud me vient à l'esprit, mais comparaisons n'est pas raison). Si on ajoute à cela un milieu qui se connaît bien (Figueredo en magicien, Díaz en récupérateur), on obtient une victoire tranquille contre un Defensor qui n'avait vraiment pas les armes face à une machine bien huilée. Le premier but vient d'une belle passe de Martirena (très bon latéral droit) qui change de côté vers González. Ce dernier cherche à centrer mais son centre est contré dans son propre but par Facundo Mallo. Le deuxième est l’œuvre de Vecino sur un bon centre du même Martirena. Troisième but d'un attaquant qui était au Nacional l'année dernière de la journée. Le Defensor, qui a poussé pendant un temps, commence à se faire prendre systématiquement en contre et concède le troisième sur un nouveau corner, but de Rodríguez. Soit le Defensor a été une équipe particulièrement mauvaise (c'est une possibilité, la défense à trois ayant été pour le moins friable), soit Liverpool s'impose quand un candidat très très sérieux. Mon petit doigt me dit qu'il y a un peu des deux.

Sinon, Boston River et Plaza ont fait un match nul idéal pour la sieste (0-0) tout comme River Plate et Wanderers (1-1), Rentistas a battu Albion (5-3) au Centenario et Torque a fait match nul toujours au Centenario contre Cerro Largo (1-1). La pelouse du Centenario, qui était magnifique pour la finale de Libertadores, commence à redevenir le champ de patate qu'elle a toujours été.

Pour finir, la journée s'est terminé mardi par un Cerrito - Danubio qui a été très longtemps franchement déplaisant, jusqu'à ce qu'il nous ponde une petite histoire sympathique, celle de Jimmy Evans. Originaire du Nigeria, ce dernier n'est qu'un footballeur amateur dans son pays. Un jour de 2019, son ami Abasi Abraham est repéré par Rocha en troisième division uruguayenne et Evans l'accompagne depuis le Nigeria pour la signature et pour l'installer. Il demande aussi s'il peut participer à quelques entraînements et il finit par s'installer au sein du club de l'est. Comment un club amateur fait venir deux Nigérians et pourquoi, l'article d'Ovación ne le dit pas ? Finalement, son ami ne reste pas (et rentre au Nigeria, lui et Evans ne se sont plus jamais reparlé), mais Evans reste et devient professionnel quand Rocha monte en deuxième division en 2020. Le club finit par redescendre mais Evans a été repéré et il signe à Danubio. Jusqu'à ce que mardi, Fossati l'envoie sur le terrain à l'heure de jeu et lui dise « quand tu as le ballon, va vers l'avant ». Chose faite sept minutes plus tard avec l'ouverture du score d'Evans sur une action qu'il se crée tout seul, comme un grand. Un but qui rend fou de joie toute la tribune de Danubio, une tribune très bien garnie, venue fêter le retour du club à la diagonale parmi l'élite. Sur un but d'un Nigérian venu de Rocha...

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Jérôme Lecigne
Jérôme Lecigne
Spécialiste du football uruguayen, Suisse de l'Amérique du Sud, Patrie des poètes Jules Supervielle, Juan Carlos Onetti et Alvaro Recoba