Liverpool, qui avait son destin entre ses mains, s’impose (1-0) contre Fénix et s’offre le tournoi Apertura 2022 ! Cinquième titre pour ce club finement géré, qui va désormais chercher à confirmer comme il n’avait pas pu le faire en 2020. Derrière, Nacional et surtout Peñarol perdent et semblent en recherche d’un nouveau modèle.

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Liverpool avait déjà été champion du Clausura 2020, mais à l’extérieur et surtout sans public en pleine pandémie. Quel plaisir donc de voir les tribunes du Belvedere, où est né le football uruguayen (phrase peinte sur ses murs et très largement exagérée), plein comme un œuf et vibrant tout le long du match pour ses joueurs. Il ne restait plus à l’équipe de Jorge Bava qu’à battre le Fénix d’Ignacio Pallas pour remporter ce tournoi « court ». Les deux étaient joueurs il y a encore peu dans leur équipe respective et les deux ont su imposer leur style et obtenir des résultats satisfaisants, surtout pour Bava évidemment. Ce match a été une finale, avec un stress incroyable qui a fait déjouer Liverpool pendant quarante-cinq minutes jusqu’à la libération, un penalty obtenu par Alan Medina sur une faute inutile d’Agustín Requena. Gonzalo Carneiro transforme et le titre ne peut plus échapper aux locaux. Liverpool continue en effet à dominer dans les grandes largeurs la deuxième mi-temps, contrôlant bien un Fénix qui commet beaucoup de fautes. La délivrance, au bout du temps réglementaire, est un aboutissement, une certaine forme de logique, dans un championnat que Liverpool n’a pas survolé, mais dans lequel il a proposé à chaque match quelque chose d’agréable.

Liverpool a en effet commencé le tournoi avec deux victoires, sept buts marqués et zéro encaissés, et donc de grande promesse, avec un duo Gonzalo Carneiro / Thiago Vecino en attaque, mais aussi Pablo González sur un côté… Sauf qu’après quelques résultats plus compliqués, c’est finalement le milieu de terrain qui s’est imposé et qui a pris en main le destin de cette équipe. Du haut de ses dix-neuf ans, Fabricio Díaz a déjà été appelé avec la sélection et il est très bon à chaque match, d’une grande régularité et techniquement très agréable à voir jouer, dans la lignée des milieux actuels de l’Uruguay. Il a eu à ses côtés un Santiago Colo Romero qui est décidément toujours dans les bons coups (il était champion de l’Apertura avec Rentistas) ou encore le Tofi Figueredo, capitaine de cette équipe du haut de ses trente-sept ans… C’est dans ce secteur qu’est né ce titre de Liverpool. L’équipe s’assure déjà une place dans les finales du tournoi, où elle essayera d’effacer le très mauvais souvenir de la défaite contre Rentistas, défaite injuste s’il est possible de décrire ainsi un match de football après cent-vingt minutes.

Dans l’absolu, Liverpool ne le savait évidemment pas, mais l’équipe aurait tout aussi bien pu perdre, car Nacional s’est incliné à Jardines contre Danubio. Rafael Haller a ouvert le score (le marquage de Castro et de Candido sur le but n’est pas acceptable à ce niveau) avant que le même Haller se fasse exclure après moins d’un quart d’heure de jeu, ce qui aurait dû laisser le temps à Nacional de reprendre la main. Mais l’équipe de Pablo Repetto n’a pas de solution offensive, alterne les attaquants sans trouver d’efficacité, n’a pas dans son escouade offensive des joueurs ayant la qualité technique nécessaire pour jouer dans des espaces plus réduits. Franco Fagùndez a bien égalisé au retour des vestiaires (d’une frappe contrée qui trompe le Coco Conde), mais Danubio a repris l’avantage, toujours à dix contre onze, dans la foulée, sur une faute de main de Yonathan Rodríguez. Un autre Rodríguez, Nicolas, transforme et offre l’avantage à son club, avant de résister désespérément aux dernières offensives bolso. Nacional perd, même si cela n’avait plus d’importance pour l’Apertura, cela en a pour le classement annuel et pour la suite, car l’équipe ne semble pas vraiment savoir où elle va.

Elle n’est pas seule dans ce cas, avec un match encore une fois catastrophique de Peñarol, qui a joué le même match pour la quinzième fois cette saison : domination stérile. Pas de but, parfois un miracle, mais pas forcément, mais aussi parfois un contre qui tue. C’est sur cette base que Cerro Largo a gagné. Une équipe très limitée, mais qui a su faire le dos rond et marquer en toute fin de match par l’entrant Tizón. Peñarol a marqué dix buts en quinze matchs. N’en a encaissé que six, certes, mais quel mauvais début de saison, marqué par une vague de départs en janvier et une autre à venir. Être supporter de football, c’est être convaincu qu’à la défaite succédera un jour la victoire. Le fait qu’en compétition internationale les clubs uruguayens doivent apprendre qu’à la défaite succédera un jour la défaite, puis la défaite, puis la défaite, semble être trop difficile à encaisser pour ces clubs ayant une autre histoire. Si le club avait mieux géré la Libertadores, il aurait tout à fait pu jouer le titre ou du moins se battre jusqu’au bout contre Liverpool. Mais ce n’est pas le cas, le club vit toujours comme une humiliation suprême le fait de ne pas pouvoir se battre comme il le devrait en coupe continentale, porté par une histoire qui n’est plus. Quelle tristesse, quelle peine.

Résultats et classement final

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Jérôme Lecigne
Jérôme Lecigne
Spécialiste du football uruguayen, Suisse de l'Amérique du Sud, Patrie des poètes Jules Supervielle, Juan Carlos Onetti et Alvaro Recoba