La logique est respectée et la meilleure équipe de l’année 2022 a remporté le titre après seulement un match. Les Rochet, Carballo et Suárez peuvent célébrer un nouveau titre avant de, déjà, prendre le chemin du Complejo Celeste pour se préparer pour la Coupe du Monde.

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De la pluie, du vent et des larmes de joie. Après cent vingt minutes, Nacional a confirmé être la meilleure équipe de l’année 2022 et s’est épargné une finale en aller-retour. L’équipe peut soulever le trophée de champion d’Uruguay (ou du moins sa copie, l’originale de 1937 étant définitivement rangée au musée, l’AUF en ayant marre de retrouver le trophée en morceau). C’est pourtant une excellente équipe qui se présente au Centenario pour jouer le Bolso : Liverpool est là après avoir remporté l’Apertura. Le club n’a pas levé le pied, terminant au final à une excellente deuxième place au classement annuel permettant à l’équipe de José Luis Palma de s’offrir une qualification directe en phase de groupes de Libertadores. Liverpool, c’est Thiago Vecino, Alan Medina, Fabricio Díaz… Mais en face, Nacional a l’équipe type avec ses internationaux et sa star en attaque.

La première mi-temps est équilibrée mais sans but. Nacional se procure les premières occasions mais Liverpool monte en chauffe avec notamment un Alan Medina de feu. Son petit gabarit de dribbleur est très plaisant à regarder. En face, Luis Suárez est frustré et la mi-temps se termine sur un savon du Pistolero à Fagúndez à qui il reproche de ne pas lui avoir fait une passe quand Fagúndez tente sa chance directement à vingt-cinq mètres. Le petit jeune semble être retenu par un coéquipier pour ne pas répondre vertement à Suárez et ne pas en venir aux mains. Au retour des vestiaires, Suárez prend les choses en main et marque un but presque seul, sur un ballon de Candido, il effectue un amour de frappe enveloppée petit-filet opposé. Britos ne peut rien faire, mais Liverpool continue son match. Et cela paie, puisque les bleus et noirs obtiennent un penalty, transformé par l’ex-Nacional Thiago Vecino. Tout est alors possible, mais à dix minutes de la fin du temps réglementaire, le match bascule : Andrés Pereira est exclu côté Liverpool pour une main que l’arbitre juge volontaire, deuxième jaune et à la douche. Nacional prend alors la main sur le match. Le club n’arrive pas à marquer avant la fin du temps réglementaire mais prend son mal en patience. C’est finalement lors de la première mi-temps de la prolongation que Suárez hérite d’un centre venu de la droite et qu’il met une mine sur laquelle Britos ne peut rien faire. Liverpool sait que le match est plié et Gigliotti en profite pour en ajouter deux, dont un magnifique, le troisième, sur une belle passe de Ginella, le puma lobe un Britos abandonné par sa défense. Nacional peut faire la fête, le club est champion 2022.

Côté Liverpool, l’équipe a fait un bon match. Elle aurait mérité un peu plus de chance, mais les faits de jeu ont été contraires. Gros match d’Alan Medina, de Fabricio Díaz mais aussi du toujours bon Gaston Martirena. Britos a pris quatre buts sans être mauvais. Côté Nacional, Suárez a fait du Suárez, étant alternativement insupportable et génial. Rochet a tenu la baraque. Il manque toujours un peu de qualité technique devant si on exclut le Pistolero mais l’équipe gagne encore et encore. C’est bien cela le plus important.

L’équipe championne

Sergio Rochet : Arrivé en 2019, il remplace rapidement Mejia et s’impose définitivement dans les cages devenant un pilier de l’équipe alors qu’il n’était pas trop connu, étant parti aux Pays-Bas avant de débuter en championnat avec Danubio. Il a été ovationné pendant le match autant que Suárez, et pour cause : avec l’attaquant, ce sera le seul joueur du glorieux championnat uruguayen titulaire au Qatar. Il a eu une période d’invincibilité de 1074 minutes durant ce Clausura. Logique donc. Un excellent gardien. Il est sur le départ.

José Luis Pumita Rodríguez : Arrivé de Fénix alors qu’il était attendu à Peñarol, il avait de nombreux détracteurs pour son côté très offensif mais fébrile en défense. Au final, il s’est imposé en cours de saison et Repetto l’a transformé en un défenseur imprenable. On le voit d’ailleurs beaucoup moins offensivement : un mal pour un bien.

Leo Coelho : Le natif de Rio s’est aussi rapidement imposé, apportant dans la défense son côté physique et sa domination du domaine aérien. Le meilleur défenseur central de l’équipe cette année. Parfois rustique mais il commet très peu de fautes.

Mathias Laborda : Un autre joueur, encore, qui s’est imposé petit à petit. Formé au club, Laborda y joue depuis déjà quelques années et a profité notamment du départ de Marichal pour devenir titulaire. Il a été aussi bon que ce dernier.

Camilo Cándido : ancien de Liverpool, Cándido a joué en tant que latéral et en milieu gauche. Très bon techniquement, il a souvent apporté le surnombre pour faire la différence.

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Yonatan Rodríguez : arrivé sur la pointe des pieds, il s’agit d’un choix de Repetto qui l’a préféré rapidement à Diego Rodríguez. Au profil défensif, il a permis par son activité débordante aux autres milieux, notamment Felipe Carballo, de jouer libérés.

Felipe Carballo : le maître à jouer de cette équipe. Formé au club, il est revenu après un premier passage en Europe. Il a été très bon, très dynamique, très propre techniquement et a une chance d’être dans la liste pour le Qatar. Il devrait aussi être très demandé et quitter le club.

Franco Fagúndez : autre choix très fort de Repetto, le jeune qui jouait avec la réserve en début d’année s’est imposé comme un deuxième attaquant, milieu de terrain offensif très actif, capable de frapper, de jouer de la tête, mais aussi d’être très dynamique dans le jeu. Il a pris la place et n’est plus jamais sorti du onze, s’associant bien par son activité à Suárez.

Alfonso Trezza : Quel drôle de joueur. Un ailier ne sachant pas frapper, mais qui est resté titulaire grâce à son activité nécessaire à l’équipe, surtout en championnat d’Uruguay. Un travailleur comme l’équipe en avait besoin à ce poste.

Diego Zabala : Après de nombreuses saisons en Argentine, l’ailier droit est revenu en Uruguay et, là ou Trezza apporte sa vitesse, Zabala apporte son impact physique. Ce n’est pas non plus l’attaquant du siècle, mais d’autres dans l’axe apportent leur science du but. Il apporte son travail, et comme Trezza, a bien fait le job.

Emmanuel Gigliotti puis Luis Suárez : Les neuf de cette équipe. Gigliotti a fait le job, a une époque en début d’année ou l’équipe a mis du temps à se mettre en place. Il l’a fait plutôt bien, manquant malgré tout un peu de tranchant. Soit exactement le même reproche que l’on pourrait faire à son « successeur » Suárez, qui est arrivé dans une équipe bien en place dans laquelle il s’est glissé comme un saumon. Le voir a été un plaisir. On s’est souvent dit « Gigliotti aurait pu faire la même chose », jusqu’à ce que, une fois par match, il fasse un truc que Gigliotti n’aurait pas pu faire. Le premier but contre Liverpool en est l’exemple parfait.

L’entraîneur : Pablo Repetto. Il a passé son temps à prendre des décisions fortes, que les observateurs extérieurs n’ont pas forcément compris à première vue. Et chacune de ses décisions s’est révélée bonne. Il est connu pour les parcours qu’il a permis en coupe continentale à ses anciennes équipes, et la moitié de l’Uruguay n’attend plus que ça désormais. Un grand succès dans tous les cas.

 

Photo une : DANTE FERNANDEZ/AFP via Getty Images

Jérôme Lecigne
Jérôme Lecigne
Spécialiste du football uruguayen, Suisse de l'Amérique du Sud, Patrie des poètes Jules Supervielle, Juan Carlos Onetti et Alvaro Recoba