Après l’écrémage d’un deuxième tour fourni, les dix-huit meilleures équipes du continent se retrouvent pour une phase qui enverra d’office six représentants asiatiques au Mondial. Et le moins qu’on puisse dire c’est que tout ne s’est pas passé comme prévu pour certains favoris…

Groupe A

Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas revu la Corée du Nord du football et sincèrement ça nous fait plaisir tant cette équipe est capable de produire des choses intéressantes lorsqu’on lui en laisse l’occasion. Face à un Ouzbékistan qui veut enfin valider sa participation au Mondial, la tâche s’annonçait cependant ardue. Sur un terrain joga mochito, les Ouzbeks poussent et ouvrent le score sur une jolie combinaison Nasrullaev – Masharipov avec une belle mine sous la barre du second (1-0, 19e). On se dit que les hommes de Katanec vont dérouler, mais ils manquent systématiquement le cadre et se montrent maladroits au moment de conclure. Ils frôlent même une immense déconvenue lorsque Khamrobekov concède un penalty en fin de première mi-temps. Heureusement pour eux, Yusupov arrête l’horrible tir de Kuk Chol-Kang II. Le score ne bougera plus et l’Ouzbékistan engrange trois points précieux à défaut de convaincre. La Corée du Nord sera, comme prévu, un poil à gratter de qualité et bien malin celui qui pourra dire quelles équipes repartiront de Pyongyang avec les trois points (voire un).

Face à l’équipe la plus faible du groupe, l’Iran se devait d’assumer son statut de favori pour la probablement dernière Coupe du Monde de son duo de feu Azmoun – Taremi. Certes en progression, les Kirghiz sont surtout là pour apprendre dans un groupe pas des plus relevés mais aux footballs variés. On pensait assister à une démonstration des Perses, il n’en fut rien. Sur un terrain indigne d’un match de football, la partie a été hachée par les imprécisions des uns et l’inoffensivité des autres. Seul un éclair de lucidité de Taremi, sur une balle mal repoussée par Tokotaev (1-0, 30e), permet à l’Iran de prendre les trois points. Il s’en fut fallu de peu pour que les Kirghiz n’égalisent sur deux-trois occasions sur lesquelles Beiravand a veillé au grain. Il faudra hausser le ton pour l’Iran, sous peine de mauvaises surprises.

Les doubles champions d’Asie vont-ils enfin se qualifier pour un Mondial sans devoir l’organiser ? Pour cela, rien de tel qu’un petit derby contre les cousins émiratis. Et tout semble se dérouler comme sur des roulettes pour les hôtes qataris. Le jeune Ibrahim al-Hassan s’offre son premier but en sélection à dix-huit ans sur un service de l’inévitable Afif Akram (1-0, 38e). On se dit que les carottes sont cuites pour les hommes de Bento, mais l’équipe des Émirats revient des vestiaires totalement remontée. Harib Suhail réduit la marque d’un superbe enroulé après avoir mis Lucas Mendes sur les fesses (1-1, 67e), avant que Khaled Ebrahim s’offre un rush d’exception depuis sa défense pour fusiller Meshaal Barsham (1-2, 80e). Les Qataris pensent obtenir un penalty dans la toute fin de match, mais l’arbitre australien Shaun Evans revient sur sa décision. Pas habituée à ne pas bénéficier des services du VAR, l’équipe du Qatar encaisse un troisième but sur une minasse d’Ali Saleh (1-3, 90+4e). Incroyable victoire des Émirats qui montrent les crocs, tandis que le Qatar est déjà face au mur.

Groupe B

Avec un nouveau sélectionneur sur le banc en la personne de Hong Myung-bo, la Corée du Sud espérait voir du changement. Douche froide pour les supporters. Si l'ancien entraîneur d'Ulsan réservait quelques surprises intéressantes dans la composition de son groupe en convoquant Yang Min-hyeok (transféré à Tottenham cet été mais en prêt à Gangwon), Eom Ji-sung (Swansea), Lee Han-beom (Midtjylland) ou encore Hwang Moon-gi (Gangwon), il restait conservateur lorsqu'il s'agissait de créer son onze de départ. Seul Hwang Moon-gi se voyait donner sa chance dans un onze sans surprise. Avec les mêmes hommes qui n'ont jamais su jouer ensemble depuis des années, difficile de faire différemment en seulement quelques jours. Bilan : la Corée du Sud a de nouveau proposé une bouillie de football face à une faible équipe de Palestine, qui aurait même pu arracher la victoire si Abou Ali n'avait pas tiré directement sur Jo Hyeon-woo dans le temps additionnel. Certes les Guerriers Taeguk ont eu de nombreuses occasions avec de gros raté à l'image de Son Heung-min incapable de pousser le ballon dans le but vide, mais ces occasions n'ont été permises qu'à la baisse physique des Palestiniens. Aucun élan offensif, une défense mise à mal trop facilement, des erreurs techniques inacceptables à ce niveau et un collectif inexistant. Voilà comment définir ce décevant 0-0 de la part des Sud-Coréens. Pour couronner le tout, les joueurs sont entrés dans la guerre qui fait rage entre les supporters et la fédération.

Le cycle vertueux initié par Jesus Casas va-t-il enfin renvoyer les Irakiens en Coupe du Monde, quarante ans après leur seule participation ? Les voyants sont en tout cas au vert, mais il faudra d’abord passer l’écueil d’Omanais en constante progression, sous l’égide de l’expérimenté Silhavy. Pas de problèmes pour la star Ayman Hussein, impérial dans les airs pour smasher le corner d’Ali Jasim dans les filets d’Al-Rushaidi (1-0, 12e). Et ce fut tout pour les Lions de la Mésopotamie. Bousculés tout le match, ils ne parvinrent jamais à se mettre à l’abri face aux offensives des Omanais. Seule la maladresse des visiteurs, ainsi que quelques arrêts peu académiques de Jalal Hassan, permettent une victoire des hommes de Casas arrachée au forceps. Il faudra faire mieux la prochaine fois lors du bouillant derby du Golfe face au voisin koweïtien.

Orpheline de son mage Ammouta parti à Al-Jazira, la Jordanie espérait que son adjoint Jamal Sellami pouvait faire aussi bien que son prédécesseur. Opposée à des Koweïtiens sans véritable ligne directrice, il ne fallut qu’un quart d’heure aux Nashama pour ouvrir la marque via l’inévitable Al-Tamari (1-0, 14e). Mais, incapables de se mettre à l’abri, ils concèdent l’égalisation sur un penalty d’Al-Sulaiman dans les dernières minutes (1-1, 90+2e). Grosse contre-performance jordanienne, on ne mesure peut-être pas encore l’impact du départ d’Ammouta… Deux derbys pour les deux équipes mardi prochain avec la Palestine pour la Jordanie et l’Irak pour le Koweït, ça va être chaud !

Groupe C

Il fallait observer les regards australiens à la mi-temps qui les opposaient à l’équipe nationale de Bahreïn. Des têtes baissées, des explications et des hommes perdus sur la côte est australienne. Une grande bouille de football bien terne pour cette rentrée des Socceroos. Pire encore qu’une première mi-temps faiblarde, une deuxième avec l’expulsion justifiée de Kusini Yengi à cause d’un pied trop haut puis le but casquette du Bahreïn après un centre d'Abdulla Al Khalasi détourné d’Harry Souttar dans ses propres filets. Graham Arnold n’a pas trouvé de solution face à ce bloc bas des Guerriers du Dilmoun. Nestory Irankunda a bien tenté en deuxième mi-temps, mais rien n’a été cédé par les hommes de Dragan Talajić. Le technicien croate n’a toujours pas perdu depuis sa prise de fonction en février 2024 et décroche la première victoire de la quatre-vingtième nation FIFA contre l’Australie.

Dans une rencontre à la saveur historique toujours prégnante, le Japon n’a pas dû forcer pour battre une équipe chinoise recroquevillée sur elle-même. Il ne faut pas longtemps pour que les Samurai Blue ne fassent sauter le verrou chinois lorsqu’un Endo étrangement seul au point de penalty catapulte le corner de Kubo dans les filets de Dalei Wang (1-0, 12e). La suite du match est à sens unique. Peu avant la mi-temps, Mitoma double la mise sur un superbe centre de Doan (2-0, 45e+ 2). En revenant des vestiaires, Minamino s’offre un festival côté gauche et termine par un enroulé du droit pour corser l’addition (3-0, 52e). Six minutes plus le tard, le monégasque s’offre un doublé qui enterre définitivement la Chine (4-0, 58e). Entrés en jeu, Junya Ito (5-0, 77e) et Daizen Maeda vont également participer à la curée (6-0, 87e), avant que Kubo ne mette un point final à cette défaite historique (7-0, 90e + 5). Le Japon s’affirme encore une fois comme le gros favori asiatique et il faudra se lever tôt pour aller le chercher…

Entre un favori qui patauge toujours sous Mancini et un outsider qui monte lentement mais sûrement en puissance, il n’était pas évident de se prononcer sans ciller sur le vainqueur du match. Les temps semblent changer en Asie, car qui aurait pu imaginer l’Indonésie tenir la dragée haute aux Saoudiens sur leur terres il y a encore quelques années ? Portés par leur formidable public qui se déplace partout, les Indonésiens ouvrent la marque sur un tir d’Oratmangoen dévié par Sandy Walsh (0-1, 19e). Les Saoudiens reviennent dans le temps additionnel sur un tir d’Al-Juwayr que touche Calvin Verdonck (1-1, 45+3e). La deuxième mi-temps est un véritable ping-pong jusqu’au moment où Maarten Paes, impeccable jusque-là, fauche bêtement Al-Buraikan qui joue bien le coup, à la 78e. Al-Dawsari s’élance mais Paes se rattrape de son erreur et sauve le penalty ! Les deux équipes auraient pu revendiquer la victoire mais se quittent sur un match nul. Superbe performance de l’Indonésie qui devient décidément un client sérieux. Côté saoudien, les jours semblent comptés pour Mancini…

 

 

Avec Antoine Blanchet-Quérin (Australie – Bahreïn) et Baptiste Mourigal (Corée du Sud – Palestine)

Photo : Chris Hyde/Getty Images

Boris Ghanem
Boris Ghanem
Chroniques d'un ballon rond au Moyen-Orient, de Beyrouth à Baghdad, de Manama à Sanaa, football sous 40 degrés à l'ombre d'un palmier.