Près de deux mois après une Copa América qui avait affirmé certaines dynamiques, le retour des éliminatoires n’ont fait que les confirmer. Et certaines nations sont déjà en grand danger.
Quelques semaines ont passé depuis le titre décroché par l’Argentine dans la chaleur des USA et beaucoup de choses ont changé dans bien des pays depuis. L’Équateur a changé d’entraîneur, la belle campagne de Félix Sánchez dont la Tri a été l’une des rares (voire la seule) à véritablement bouger le champion argentin étant salué par un renvoi, Sebastián Beccacece se trouvant une nouvelle porte de sortie pour relancer une carrière qui n’a finalement jamais décollée loin de Sampaoli. La Bolivie a mis fin au projet Zago après dix matchs pour lancer Óscar Villegas, frère d’Eduardo qui avait dirigé la Verde à deux reprises par le passé. Enfin, le Paraguay a également remercié Daniel Garnero – qui s’est immédiatement réinstallé à la tête de Libertad – pour appeler un Gustavo Alfaro bien heureux de planter le Costa Rica au lendemain de la Copa América. En attendant les prochains, la grande question était donc de savoir si les dynamiques entrevues aux States se confirmeraient, qui que soit l’entraîneur en place. C’est finalement le cas.
Mécaniques huilées
Les deux protagonistes de la dernière finale de Copa América n’étaient pas générateurs de grandes interrogations. Car d’un côté comme de l’autre, les systèmes sont aboutis, compris des joueurs qui y sont parfaitement adaptés. Et cela s’est vérifié lors du retour des deux sélections. Face à un adversaire finalement peu dangereux, l’Albiceleste a reproduit le schéma entrevu aux États-Unis, s’imposant sans jamais donner l’impression d’avoir à forcer. De son côté, la Colombie a quelque peu déjoué au Pérou, se montrant souvent incapable de fluidité face à une sélection qui a imposé un gros impact physique. Mais n’a pas perdu. Aussi, quand l’heure de la revanche de la finale est venue – à un horaire qui a beaucoup fait parler en Argentine – on a vu la continuité pour ces deux sélections. L’Argentine est toujours capable d’accélérer, de gérer le rythme d’un match, mais souffre toujours autant dans les couloirs et à la perte de balle. Face à elle, la Colombie s’appuie sur un James toujours aussi différent en sélection, un milieu complémentaire, sait attaquer les ailes à merveille avec des Luis Díaz, Jhon Arias ou David Muñoz. Et surtout a vaincu ses fantômes. Car la Colombie s’est imposée, certes sur un penalty des plus discutables, et a déjà signé une performance unique : pour la première fois lors de mêmes éliminatoires, elle s’est offert les scalps du Brésil et de l’Argentine. Reste qu’avec respectivement dix-huit et seize points, on voit mal comment les deux leaders ne seront pas du rendez-vous nord-américain de 2026. Reste à compter les jours qui nous séparent de l’officialisation de leur présence.
En embuscade
Derrière les deux locomotives, deux sélections suivent tranquillement la cadence, avancent à leur rythme. Certes, la double session n’a pas été des plus positives pour l’Uruguay, deux nuls sans but, mais elle a permis de célébrer en douceur et avec la manière la fin de l’ère Luis Suárez et à Marcelo Bielsa de procéder à quelques modifications, notamment en l’absence de Darwin Núñez. Attention tout de même car les deux dernières sorties sont plus dans la lignée de la phase à élimination directe de la Copa América, avec une Celeste qui a du mal à générer du danger et se montre bien imprécise dans la circulation du ballon. Mais si le climat reste serein autour de la sélection, celle-ci va devoir quand même avancer sans ses joueurs sanctionnés pour s’éviter de se mettre en danger avec une meute lancée à ses trousses. Dans ses pas, à quatre points tout de même, l’Équateur a donc initié un nouveau nouveau cycle. Après une première sortie plutôt intéressante au Brésil, la Tri dominant le second acte, le premier match de Sebastián Beccacece à Quito était attendu. Et la Tri a une fois encore dominé, face à un adversaire certes assez faible. Mais n’a inscrit qu’un seul but, montrant quelques difficultés à faire sauter un verrou bien regroupé. Difficile de conclure quant aux prestations d’une sélection qui s’évite une crise de nerf en restant à la tête de la meute des poursuivants, mais dont la marge reste finalement ténue alors que l’effectif semble taillé pour viser plus haut. On attendra les rendez-vous d’octobre pour mieux analyser cette Tri version Beccacece.
Brésil en danger
Sorti d’une Copa América où il n’a guère brillé, le Brésil est quant à lui toujours malade. Et se pose toujours la même question : où est passée son identité ? Car ce Brésil ne sait plus créer. Face à un Équateur un temps regroupé à Curitiba, il a attendu vingt-cinq minutes pour se créer une véritable occasion, qui a annoncé l’unique but du match, œuvre de Rodrygo. Et surtout a ensuite subi, Gabriel Magalhães le sauvant de l’égalisation juste avant la pause avant que la Tri domine le second acte. Au Defensores del Chaco, avec son trio du Real en attaque, le Brésil a d’abord eu le ballon, s’est procuré quelques situations, notamment par Vinícius Júnior, mais a fini par buter sur une défense adverse qui parvenait à contrôler. Et comme entretemps, Diego Gómez avait signé un golazo, les espoirs de succès s’étaient rapidement envolés. Car là est bien le problème du Brésil de Dorival Júnior. Il manque du génie dans cette équipe, il manque un joueur capable de générer ce grain de folie qui ferait redouter la Seleção. Aussi grand soit-il, Vinícius Júnior ne peut assurer ce rôle à lui seul. L’ombre de Neymar plane sur la sélection auriverde, et ce n’est pas anodin, tant il est le dernier représentant de l’identité brésilienne à une époque où les meilleurs talents du pays partent subir le formatage européen destiné aux meilleurs et que ce phénomène commence à avoir de solides répercussions sur la Seleção. Sur le plan comptable, le Brésil a perdu quatre de ses cinq derniers matchs d’éliminatoires, ne fait plus peur à son continent, et se retrouve désormais englué en milieu de tableau, sous la menace d’un trio.
Peloton
Car en s’imposant, le Paraguay est revenu à un point, capitalisant son nul ramené de Montevideo lors des adieux de Luis Suárez au peuple céleste. L’Albirroja est donc dans le wagon des équipes qui lutteront jusqu’aux dernières secondes pour la qualification. Mais surtout, elle a trouvé un équilibre. Défensif d’abord, en Uruguay où le bloc planté par Alfaro a fonctionné à merveille, offensif ensuite, le Paraguay exploitant à merveille les moindres opportunités face au Brésil. Cette notion d’équilibre et d’efficacité, si chère à Alfaro, semble correspondre à merveille au Paraguay, certains médias locaux évoquant même un retour aux sources et aux valeurs d’une sélection qui affrontera deux adversaires directs (Équateur et Venezuela) lors de la session d’octobre.
Un Venezuela qui se trouve juste devant, à un point. La Vinotinto a totalement sombré à El Alto sur l’un des toits du monde, mais a livré une prestation convaincante face à un Uruguay peu emballant. Les hommes de Bocha Batista se sont heurtés à un excellent Sergio Rochet, ont parfois fait preuve de maladresse offensive, mais, si la double session est négative en termes de résultat (une défaite, un nul, aucun but inscrit), le contenu, uniquement du deuxième match, est dans la continuité de ce que la Vinotinto a produit lors de la Copa América et peut encore entretenir l’espoir. Reste qu’avec trois nuls et une défaite en quatre matchs, le Venezuela ne peut plus perdre de temps alors qu’il accueillera l’Argentine en octobre.
Si le Venezuela ne peut plus perdre de temps, c’est aussi car en plus du Paraguay, la Bolivie s’invite à la fête. Surfant sur la victoire 4-0 à El Alto, au terme d’un match qu’elle a totalement maîtrisé, la Verde a réussi le coup de tonnerre de la deuxième soirée en s’imposant au Chili. Pour cela, les hommes d’Óscar Villegas se sont appuyés sur une jeunesse qui se montre de plus en plus, à l’image de la pépite local évoluant au Brésil, Miguel Terceros, aka Miguelito. Le joueur de Santos a marqué lors des deux sorties de septembre, dont le but de la victoire à Santiago, mais surtout la Verde a montré quelques éléments qui pourraient bien constituer sa nouvelle identité : une grande capacité à combiner, générant du jeu notamment dans les couloirs – mention particulière pour Roberto Fernández – et possède quelques éléments offensifs créatifs et efficaces. Et si la blessure de Carlos Lampe au Nacional sur le seul but encaissé lors de cette séquence d’éliminatoires, aurait pu faire quelque peu vaciller l’arrière garde, le système mis en place par Villegas a fonctionné et Guillermo Viscarra a parfaitement tenu dans les cages, brillant sur les dernières occasions chiliennes. Mais surtout, a fait sauter un bouchon mental : la victoire de Santiago est la première en déplacement depuis le 7-1 passé au Venezuela en 1993, soit une série record de soixante-sept matchs sans victoire hors des bases. Il fallait bien ça avant la réception de la Colombie à El Alto et le déplacement en Argentine, les deux rendez-vous d’octobre.
Débâcle
Derrière, les deux voisins de l’Ouest sont en pleine déroute. Déjà chancelants lors de la Copa América, Chili et Pérou poursuivent leur chemin de croix. La Roja a été balayée par l’Argentine et s’est donc inclinée chez elle face à la Bolivie. Cela fait désormais huit matchs sans victoire en compétition et surtout, plus préoccupant, un seul but marqué sur cette série, ce but polémique d’Edu Vargas qui a récupéré le ballon lorsque Carlos Lampe s’est écroulé, victime d’une rupture totale du tendon d’Achille. Si Ricardo Gareca estime que la défaite concédée au Nacional n’est pas méritée, et n’est pas une honte, ses choix soulèvent tout de même énormément de questions. D’une part dans son attitude, le traitement particulier contre Ben Brereton en est l’illustration, le joueur terminant en larmes sur le banc après avoir été sorti dès la 35e minute, dans son choix des hommes, car si la fin de la génération dorée et sa transition est toujours des plus compliquée, el Tigre ne s’appuie par exemple pas sur des joueurs qui marchent sur le plan local, on pense à plusieurs joueurs de la U, actuel leader du championnat. D’autre part, car le fond de jeu pose question. Face à la Verde, Gareca a changé de système, a placé deux neuf (jusqu’à la sortie précoce de Brereton) mais n’a jamais mis en place les éléments pour les servir, son sélectionneur changeant son fusil d’épaule à plusieurs reprises. Les résultats ne sont pas là, le ciel s’assombrit au sein de la sélection et dans son environnement. Pas certain que Gareca finisse ces éliminatoires. Mais peut-être aussi que le Chili devrait tirer un trait sur 2026 pour commencer à travailler à son avenir, celui de l’ère post-génération dorée. Nombreux sont les joueurs de qualité à attendre. Encore faudrait-il que tout un pays en accepte l’idée. Car les prochains rendez-vous, Brésil à la maison, Colombie à Barranquilla, risquent de condamner sa Roja.
La question se pose également pour le Pérou. Car si la Blanquirroja a montré parfois de bonnes choses face à l’Équateur, une fois encore, elle a surtout passé son temps à courir après le ballon et n’a finalement quasiment jamais généré de danger. Comme pour Gareca au Chili, Jorge Fossati est discuté, ses choix aussi. Le Pérou est la seule équipe de la zone sans aucune victoire, ne semble pas véritablement dessinée pour sortir de cette torpeur par le jeu et, avec trois malheureux points, semble déjà condamnée, d’autant que les rendez-vous d’octobre se nomment Uruguay et Brésil.
Classement
Photo une : Andres Rot/Getty Images