En 1949, le Brésil accueille pour la troisième fois de son histoire le Sul-americano. Comme lors des deux premières éditions organisées à domicile, le Brésil s'impose et fait le plein de confiance à un an de la Coupe du monde. Malgré la victoire finale, le Brésil se montre fébrile en défense et l'ombre du Maracanaço n'est pas très loin.

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Le tournoi privé de l'Argentine et avec l'Uruguay diminué

En 1949, le Maracanã est encore un chantier et les matchs pour la nouvelle Copa América ont lieu au São Januário, stade du Vasco, au Pacaembu du Corinthians, au General Severiano, antre du Botafogo, et à Belo Horizonte. Le triple tenant du titre, l'Argentine, ne participe pas à cette compétition. En cause, une grève des joueurs pour de meilleures conditions salariales et la fin du « passe », système qui permet aux clubs de pouvoir transférer ou garder un joueur, même lorsque celui-ci est en fin de contrat. Les grands noms du football argentin, comme Julio Cozzi, Néstor Rossi et Alfredo Di Stefano filent au Millonarios, en Colombie. L'Argentine, privée d'une équipe nationale compétitive déclare forfait pour l'édition sud-américaine de 1949 et pour la Coupe du monde 1950. L'Uruguay connaît un mouvement de grève similaire et le championnat national 1948 est annulé. La grève perdure jusqu'en 1949 mais l'Uruguay envoie une équipe, composée de jeunes joueurs amateurs des divisions inférieures. La CBD, la fédération brésilienne, critique l'Argentine et son « manque de sensibilité et de solidarité avec le peuple brésilien, qui contraste avec la traditionnelle amitié des Uruguayens. »

Des débuts époustouflants

Flávio Costa, qui cumule les fonctions d'entraîneur de la sélection et du Vasco da Gama, s'appuie sur un groupe de joueurs de son Vasco, vainqueur du championnat sud-américain des clubs 1948, notamment face au River Plate de Di Stefano. À ce groupe talentueux, s'ajoutent l'arrière gauche du Botafogo, Nílton Santos, le milieu à tout faire du São Paulo, Bauer, les stars du Flamengo Zizinho et Jair et l'idole de l'Internacional, Tesourinha. Les débuts du Brésil dans la compétition sont sensationnels. La Seleção s'impose 9-1 pour le match d'ouverture au São Januário contre l’Équateur et fait encore mieux lors du match suivant avec une victoire 10-1 contre la Bolivie, cette fois-ci au Pacaembu. Le troisième de cette poule unique entre les huit participants, est plus difficile mais le Brésil s'impose 2-1 face au Chili, qui réduit la marque en fin de match sur penalty. Le Brésil reprend ses bonnes habitudes lors du quatrième match, en écrasant la Colombie 5-0. Flávio Costa change d'équipe à chaque match et cette rencontre face à la Colombie permet à Bigode, tenu responsable de la future défaite de 1950, de connaître sa première sélection. De retour à Rio et au São Januário après trois matchs au Pacaembu, le Brésil continue d'écraser la concurrence : victoire 7-0 contre le Pérou.

Une victoire contre l'Uruguay en trompe-l’œil

Ces larges victoires, qui peuvent être comparées à celles du tournoi final de la Coupe du monde 1950 (le Brésil avait battu la Suède 7-1 puis l'Espagne 6-1 avant de perdre contre l'Uruguay), rendent le Brésil confiant à l'approche de la fin du tournoi. Son attaque est inarrêtable, sa défense est moins rassurante, mais avec un tel potentiel offensif, la victoire finale ne peut échapper aux Brésiliens. La rencontre face à l'Uruguay, privé de ses joueurs majeurs, est arbitrée par… un Brésilien. Le match est raconté par Marcelino Pérez, ancien joueur uruguayen passé par Vasco et reporter pour El Diario.

« L'arbitre brésilien Da Gama a commis de nombreuses erreurs, favorisant les joueurs locaux. Les Uruguayens ont fait une bonne performance, sans ressentir un complexe d'infériorité connu par quasiment toutes les équipes qui ont affronté les Brésiliens. Les Uruguayens sont entrés sur le terrain pour vendre chèrement leur peau, et ils ont réussi. Quand ils se sont aperçus que le rival n'était pas ce monument qu'ils pensaient être, ils se sont améliorés et ont joué d'égal à égal. Les faits de jeu ont donné raison à notre pronostic, où nous avions relevé les faiblesses de la défense brésilienne. Les erreurs lors des matchs précédents se sont répétées, laissant voir qu'il y avait une différence nette entre l'attaque et la défense du Brésil. L'espace d'un instant au São Januário, les Uruguayens ont fait taire le vacarme provoqué par les actions sensationnelles de Jair et Zizinho. Le bruit s'est transformé en silence funèbre quand Ramon Castro a profité d'un cadeau de Barbosa, qui a relâché le ballon sur un centre de l'ailier Garcia. »

L'Uruguay ouvre le score à la surprise générale, sur une erreur de Barbosa, autre coupable de la défaite de 1950. Certes, le Brésil se ressaisit rapidement, égalise dans la foulée grâce à Jair et finit par s'imposer 5-1. Les observateurs attentifs remarquent qu'un seul des cinq buts brésiliens a été inscrit sur une action de jeu, les autres venant de coups de pied arrêtés. De cette sélection de l'Uruguay, seul Matías González sera champion du monde un an plus tard.

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Avec cette sixième victoire en autant de matchs, un match nul face au Paraguay de l'entraîneur Manuel Fleitas Solich, qui dirigera de nombreux clubs brésiliens par la suite, suffit au Brésil pour être champion. Comme en 1950, le Brésil a besoin d'un match nul pour être champion mais ne souhaite qu'une large victoire, comme c'est le cas depuis le début du tournoi. Tesourinha, forfait sur blessure pour la Coupe du monde un an plus tard, ouvre le score en première mi-temps. Un premier but mérité selon Marcelino Pérez et qui en appelle d'autres.

« Le Brésil a réussi à ouvrir le score et à conserver le résultat jusqu'à la mi-temps, ce qui paraissait mérité et indiscutable. Pourtant, les choses ont changé en seconde période, et de manière impressionnante. Les Paraguayens changèrent de tactique et attaquèrent avec envie, mettant en évidence ce qui avait été déjà observé : l'inconstance de la défense locale. Est venu logiquement l'égalisation, ce qui a provoqué une nervosité et un malaise chez les Brésiliens. Après cela, les Brésiliens ont attaqué pour chercher la victoire de n'importe quelle façon, sans logique, se jetant à l'abordage alors que les circonstances exigeaient de la sérénité. De plus, avec un match nul, le titre de champion était acquis pour le Brésil. Dans les derniers instants du match, le match provoquait une émotion extraordinaire. Les actions dangereuses s'enchaînaient sur les buts de Barbosa, et l'une d'elles termina en but, un but avec une seule signification, décrétant la défaite du Brésil encore invaincu jusqu'ici. »

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Le Brésil encaisse un but à la 75e minute puis à la 85e minute, dans un scénario qui rappelle évidemment la Coupe du monde 1950, face à l'Uruguay, cette fois-ci au complet. Au contraire de 1950, le Brésil a une seconde chance avec un match d'appui pour déterminer le vainqueur entre le pays hôte et le Paraguay. Trois jours après la défaite 2-1, le Brésil ne fait cette fois-ci pas de cadeaux aux Paraguayens avec une victoire 7-0 : triplé d'Ademir et doublés de Jair et Tesourinha. Le Brésil peut fêter sa victoire finale, Jair termine meilleur buteur de la compétition avec neuf buts, un record qui tient toujours. Tesourinha met sept buts, Ademir six, Zizinho cinq. Au total, le Brésil inscrit trente-neuf buts en seulement sept matchs, soit plus de 5,5 buts par match. Cette avalanche de buts rend les joueurs confiants pour la Coupe du Monde à domicile, et plus que les joueurs encore, les journalistes, les supporters, les hommes politiques. Tout le Brésil se concentre sur cette attaque magnifique, oublie la défense peu rassurante et se persuade qu'il sera bientôt sur le toit du monde. Le sort se montrera cruel avec des Brésiliens trop sûrs de leur force.

 

Article initialement publié le 03/06/2016, mis à jour le 11/05/2021

Marcelin Chamoin
Marcelin Chamoin
Passionné par le foot brésilien depuis mes six ans. Mon cœur est rouge et noir, ma raison est jaune et verte.