Il y a vingt-huit ans aujourd’hui, le clásico platense comptant pour la septième journée du Clausura a donné lieu à un moment resté dans l’histoire du championnat argentin : celui du tremblement de terre.

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Depuis plus d’un siècle, les Triperos du Gimnasia et les Pinchas d’Estudiantes s’affrontent régulièrement lors d’un clásico platense qui reste l’un des grands rendez-vous d’une saison argentine. Un clásico n’est jamais un match comme les autres, il alimente souvent les légendes et fait naître les histoires souvent les plus folles. C’est le cas du numéro 113, celui du 5 avril 1992.

Cela fait seize ans que le Lobo ne s’est plus imposé sur le terrain de son meilleur ennemi et, après avoir terminé à la cinquième place du tournoi d’ouverture, le Gimnasia emmené par Guillermo Barros Schelotto a du mal à lancer son Clausura. Au point qu’après six journées, il attend encore un succès. De son côté, Estudiantes ne va pas au mieux. Dix-septième de l’Apertura, les Pinchas jouent leur survie dans l’élite et n’ont connu qu’une seule victoire, face à Quilmes qui terminera bon dernier au fin d’exercice. Mais un clásico ne se joue pas, il se gagne, surtout quand on accueille un Gimnasia qui ne sait plus gagner.

Le match est tendu, âpre, accroché, fermé. Jusqu’à la 55e minute, moment d’un coup franc lointain accordé aux visiteurs du soir. La suite est racontée par José Battle Perdomo, numéro 6 sur le dos à l’époque : « celui qui était en charge des coups de pied arrêtés était Odriozola. Mais ce jour-là, je lui ai demandé de le tirer. Je crois que le gardien ne me connaissait pas encore, même si j’ai toujours eu l’habitude de frapper fort. Cette fois, j’ai décidé de le faire autrement, de placer un peu plus mon ballon pour essayer de surprendre. Lorsque j’ai vu le ballon entrer dans le but, j’ai senti un cri immense venant de la hinchada. Ils ont tous sauté ensemble, j’ai regardé la tribune, elle s’effondrait. Ce but m’a marqué. J’ai joué à Peñarol, j’ai vécu des clásicos face à Nacional, au Genoa j’ai joué contre la Sampdoria, en Angleterre, j’ai joué des Coventry-Aston Villa et en Espagne des Betis-Séville mais le clásico platense se vit avec plus de passion. Gregorio Pérez m’avait dit « j’ai besoin de toi ». Je lui avais répondu que je n’étais pas alors à cent pour cent mais cela ne lui importait peu. Alors j’ai joué et j’ai marqué le but de ma vie. C’est une fierté d’avoir mis ce but ».

Ce but offre la victoire au Lobo qui lance alors enfin son Clausura. Mais surtout, il entre dans l’histoire et surtout dans la légende. À quelques encablures du stade, les vibrations provoquées par la célébration des hinchas du Gimnasia agitent les aiguilles des sismographes du département de Sismología e Información Meteorológica del Observatorio Astronómico La Plata de la Universidad Nacional de La Plata. L’agence scientifique du gouvernement des États-Unis détecte alors un mouvement sismique à La Plata de 6,2 sur l’échelle de Richter et avise les cent-vingt autres pays. En Argentine on relie alors cet événement au but de Perdomo et la célébration des hinchas de Lobo qui s’ensuivit. Le but de Perdomo devient alors « el gol del terremoto », l’Uruguayen prend ce surnom. « J’ai appris que le but avait provoqué un petit séisme lorsque le journal El Día m’a appelé quelques jours plus tard pour me prendre en photo avec le sismographe », déclarera-t-il ensuite. Pour Panenka, Luis Rivera, chef de presse du club, raconte « quelques jours plus tard, on nous a dit que le sismographe avait mesuré un mouvement de terrain à l’heure du match. Nous avons enquêté et l’avons confirmé. C’est ainsi qu’est né le mythe selon lequel nous sommes les premiers à avoir provoqué un tremblement de terre ». La légende ne va plus jamais s’éteindre. Plus d’une décennie plus tard, le Movimiento Terremoto est créé par des supporters du club afin d’entretenir la mémoire de ce but. Perdomo reste à jamais celui qui a fait trembler la terre.

Récemment, le sixième but du FC Barcelone face au Paris Saint-Germain, le but d’Ulloa pour Leicester face à Norwich ou encore celui de Farfán qui envoyait le Pérou vers la Russie ont également fait s’agiter les sismographes. Mais en Argentine, la légende veut que le premier est celui de Perdomo ce 5 avril 1992.

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Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.