Le 14 janvier 1995, Diego effectuait ses premiers pas dans un tout nouveau costume : celui d’entraineur de La Academia.

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Au milieu des années quatre-vingt-dix, la vie du Diez mélange l’épilogue de sa merveilleuse carrière et ses premiers pas en tant qu’entraîneur. Après la Coupe du Monde 1994 aux États-Unis où il a été contrôlé positif à l’éphédrine, Diego Maradona a profité de cette suspension de quinze mois (qui expirait donc en septembre 1995) pour donner un tout nouveau tournant à sa carrière. En effet, si la suspension interdisait Diego de fouler la pelouse comme joueur, celle-ci ne l’empêchait pas de diriger une équipe. Les négociations pour trouver un club commencent alors. C’est le 3 octobre 1994 que Diego fera ses tout premiers pas comme DT – en duo avec Carlos Fren - du Deportivo Mandiyú de Corrientes. Il débute officiellement lors de la sixième journée avec une défaite 2 buts à 1 contre Rosario Central. Maradona a d’ailleurs dû entraîner depuis les tribunes, car il n’était pas autorisé à s’asseoir sur le banc des remplaçants. Divers désaccords avec la direction l’ont amené à démissionner le 6 décembre, après seulement deux mois de travail. Il ne fera pas une bonne campagne avec le club correntino, douze petits matchs au cours desquels il a obtenu une victoire, six nuls et cinq défaites.

Le 10 rebondit rapidement, puisque le 6 janvier 1995, toujours avec Fren, il est engagé pour diriger le Racing Club de Avellaneda, qui n’avait alors plus remporté de championnat depuis 1966. Une fois revenu de France, où Diego avait passé les fêtes, le champion du monde prend la direction de la célèbre station balnéaire argentine : Mar del Plata pour y effectuer la présaison. Le groupe est composé de Diego Gustavo Costas, Néstor De Vicente, Carlos Galván, Claudio García, Ignacio González, Claudio López, Alejandro Lanari, Walter Cáceres, Christian Akselman, José Albornoz, Pablo Michelini, Marcelo Saralegui, Cosme Zaccanti, Néstor Clausen, Juan Fleita, José Luis Rodríguez, Abelardo Eliseo Vallejos, Roberto Galarza, Ricardo Ramírez, Luciano Oliveri, Fernando Castro, Alejandro Allegue, Carlos Soca, et Gastón Rogel. Un chaud samedi d’été à Mar del Plata, le clásico d’Avellaneda aura cette fois-ci une saveur toute particulière. En face, l’équipe de Brindisi est bien sûr très semblable à celle qui venait de remporter le Torneo Clausura et la Supercopa 1994. Cependant, le Rojo était privé de Rotchen, Perico Pérez, Gustavo López, Rambert et Usuriaga ce qui complique les choses.indrca95

Il est 22h13, Diego entre sur le terrain avec une chemise quelque peu extravagante et est photographié avec Jorge Burruchaga, alors joueur d’Independiente, ancien coéquipier, champion du monde au Mexique. En face, l’entraineur du Rojo n’était autre que Miguel Angel Brindisi, qui a été sacré champion avec Maradona à Boca, en 1981. En tribunes résonnent les chants de la hinchada de Racing en hommage à Diego « Olé Olé Diegó, Diegó… », côté Rojo on répondait « De la mano de Diego se van a la B... ». Comme toujours en Argentine, les clásicos d’été n’ont d’amical que le nom. Celui-ci se termine sur un score nul et vierge avec trois expulsions au menu :  Cascini côté Rojo - Vallejos et Quiroz pour la Academia.

Le début du Clausura avec Maradona

Le 26 février 1995, Racing affronte Ferro Carril Oeste à Caballito pour le compte de la première journée du Clausura. La tribune des visiteurs est pleine à craquer. Le tout sans vente de billets anticipés : à l’époque, les billets se vendaient le jour même. Une folie. Beaucoup d’hinchas du Racing restent dehors. Au-delà des mauvais résultats lors de la présaison, l’espoir était au rendez-vous, Racing voulait mettre un terme à tant d’années sans titres. Le public de Ferro a d’abord reçu Maradona avec de timides applaudissements pour, au fur et à mesure que le match avance, laisser place aux insultes. Rien à voir avec ce que l’on peut constater aujourd’hui. Ferro s’impose 1-0 grâce à un but de Samso à la 7e minute de la première période. Nacho González a arrêté un penalty de Molina et Maradona, fidèle à lui-même, répond à la tribune latérale avec deux doigts d’honneur. « Je veux que les gens de Racing sachent que mes joueurs ont pleuré dans les vestiaires. Ils disent que je ne suis pas du Racing mais je suis à mort avec ces gars », dira le Pibe de Oro aux journalistes présents.

Première victoire et expulsion lors du Clásico

Dans le cadre de la seconde journée du Clausura, Racing reçoit Platense au Cilindro. Un but de Claudio López validera la victoire 1-0. Pour Maradona, López était un joueur spécial parce qu’il voyait en lui beaucoup de volonté malgré sa célèbre phrase lors d’un entraînement : « Piojo, no le tires centros a los aviones ». Ce but a donc été un grand soulagement pour celui qui n’arrivait plus à scorer, et cela donna raison à Diego d’insister. L’image de López prenant en main ses parties génitales restera dans les mémoires.

Reste qu’économiquement, les choses n’allaient pas bien du côté de la Aca. Après quatre matchs amicaux et deux officiels, les premiers problèmes économiques sont apparus. Le manque de fiabilité du club à l’époque était remarquable. Les joueurs ne recevaient pas leur salaire et, avec le soutien de Maradona, ils ont quitté le camp d’entraînement et menacé de ne pas participer au troisième match. En quelques jours, joueurs et dirigeants sont parvenus à trouver un accord et le clásico contre Independiente a pu finalement être joué. Le 12 mars 1995, Independiente reçoit donc Racing au Libertadores de America. Le match se termine sur un 0-0 qui ne restera pas dans les annales, mais ce qui est encore présent dans nos mémoires, c’est l’expulsion de Maradona pour avoir jeté de l’eau sur l’arbitre assistant Paez. Diego avait prévenu plusieurs fois qu’il voulait faire entrer Michelini, mais l’assistant l’a ignoré. Après plusieurs appels, Maradona n’a pas eu de meilleure idée que de jeter de l’eau sur l’arbitre de touche. Ce dernier a immédiatement appelé l’arbitre central, Juan Bava, qui a logiquement expulsé Maradona, au-delà des tentatives de Carlos Fren de s’incriminer lui-même.

Mauvais résultats et licenciement

Les débuts de Maradona ne sont pas des plus réussis, notamment car la période n’est pas des plus simples pour Diego qui n’était pas présent à toutes les séances d’entraînement, et il n’était pas non plus là à tous les matchs. À croire que le véritable entraîneur de cette équipe était plutôt Carlos Fren. Formé à Argentinos Juniors, celui qui a été champion avec Independiente, n’a plus parlé à Maradona depuis des années. C’est lui qui a écarté Guillermo Coppola de Racing et que Diego a ensuite insulté de traître, sans que l’on sache vraiment pourquoi. Il était et reste encore la personne qui connaît le mieux Maradona en tant que DT. « À la fin de l’année (NDLR : 1995), nous sommes passés de Mandiyú à Racing et là, les choses se sont compliquées. Deux fois, je n’ai pas pu le relever… L’équipe ne jouait pas mal, mais nous avions commencé à nous compliquer la vie. La fracture a eu lieu juste avant le match contre San Lorenzo, quand je l’ai interpellé pour lui demander d’être bien (NDLR : comprendre clean, présentable) les jours de matchs, parce que c’était une honte. Il devait essayer d’être un peu plus présentable. Nous avions décidé de diriger le match en costume, mais comme il s’était disputé avec Claudia, il n’avait pas eu les vêtements. Incroyable. Nous avons fait la discussion technique et quand nous sommes allés sur le terrain, je me suis rendu compte qu’il n’était pas habillé correctement. On s’est donc enfermés dans le vestiaire et je lui ai dit en face ce que je pensais. Il s’est mis à pleurer, me disant que c’était quelque chose qu’il ne pouvait pas contrôler. On a perdu 2-1 et il a disparu. Il n’est pas venu pendant deux ou trois semaines », déclarera Fren à Infobae des années plus tard, décrivant en détail l’épilogue de son court passage chez Maradona en tant que DT de Racing. À la suite d’un match nul 2-2 contre Huracán ,après avoir mené 2-0, le Racing s’est également incliné lors de la 5e journée face à San Lorenzo, champion en titre. L’absence de Maradona a continué lors des matchs suivants. La Academia s’est ensuite rendue à Cordoba sans D10S et a fait match nul 2-2 contre Talleres, un golazo de Gasparini sur coup franc donnera l’avantage à la T, mais en seconde période, les joueurs de Fren ont renversé la vapeur grâce à une grande performance de José Fabian Albornoz, tout d’abord sur pénalty suite à une faute de Marcelo Saralegui puis sur une belle passe de Ricardo Ramirez. À la 38e minute de la seconde période, un autre coup franc permettra à Talleres d’égaliser.

Avec une seule victoire en sept journées, on ne peut pas dire que Racing effectuait un excellent début de tournoi… Le match nul contre Belgrano, toujours sans Diego, à Avellaneda n’a pas arrangé les choses. Pour la première fois, l’équipe a reçue des sifflets en fin de match. La semaine suivante, l’équipe de Diego devait se rendre à La Bombonera où Racing n’avait pas gagné depuis vingt ans.

Triomphe à La Boca

Pour la troisième fois consécutive sans Maradona sur le banc des remplaçants, le Racing est revenu à la Bombonera, stade dans lequel il avait encaissé six buts lors de sa dernière visite, début 1994, ratant ainsi l’occasion de remporter le Tournoi d’ouverture 1993. Le Boca de Silvio Marzolini était leader du championnat, Racing, avec une approche défensive, avait misé sur les contre-attaques. Pari gagnant puisque la Acade a pris l’avantage en début de seconde mi-temps. Un tir du gauche de Roberto Galarza, aujourd’hui chauffeur de ligne 148, a marqué l’inoubliable but qui mettra fin à vingt ans de disette à La Boca. Un peu d’air pour une équipe qui a trop souffert.

Sans lendemain. Une défaite 3-1 contre River à Avellaneda, avec des buts de Pablo Lavallén et Hernán Díaz, puis un match nul contre Vélez, champion du monde, de la main de Carlos Bianchi, avec la mémorable rabona de Juan Ramón Fleita à Chilavert, ont remis le Racing dans une position inconfortable au classement avec seulement deux victoires en dix journées. Lors de la onzième journée, le 5 mai 1995, Racing accueille Gimnasia de Jujuy. La foule lui a fait une ovation, Diego aligne alors Nacho Gonzalez-  Michelini, Galvan, Clausen - Saralegui, Allegue, G. Castro, A. De Vicente - Albornoz, Galarza et Piojo Lopez. Cette équipe ne réussira pas à battre le Lobo de Jujuy et ne pourra faire mieux qu’un match nul 0-0. Maradona cesse alors d’être l’entraineur de Racing avec un médiocre bilan de deux victoires, six nuls et trois défaites en onze matchs. Héctor Jesús Martínez assurera l’intérim et après quatre victoires, deux nuls et deux défaites), Racing terminera le Clausura à la sixième place avec vingt points.

S’il envisage ensuite de devenir joueur avec Racing à la fin de sa suspension, le rêve de Maradona était de devenir entraîneur-joueur de Boca. Mais il y avait deux problèmes majeurs. Premièrement, à cette époque, la direction technique était à nouveau assurée par Silvio Marzolini, et les dirigeants n’avaient aucun intérêt à le licencier. Le second était d’ordre économique, la situation financière dans laquelle se trouvait le club de la Ribera ne permettait pas d’offrir un contrat en or à Diego. Le Diez renoncera à l’initiative de devenir entraîneur, et finalement, plusieurs hommes d’affaires comme Eduardo Eurnekian, qui était déjà derrière sa venue sur le banc de Racing vont contribuer financièrement pour rendre le retour de Maradona à Boca possible. Diego reprend du service, marque notamment face à ses anciens joueurs quelques mois plus tard lors d'un match fou à la Bombonera (victoire 6-4 pour Racing) mais va bientôt tirer sa révérence, laissant place à celui qui lui succèdera comme numéro 10 de Boca, Juan Román Riquelme. Plusieurs années s’écouleront avant de revoir Diego entrainer, ce sera comme sélectionneur de l’Argentine, en 2008, avec la suite que l’on connait.

 

Initialement publié le 30/10/2020, mis à jour le 30/10/2021

Vincent Dupont
Vincent Dupont
Éperdument amoureux d'une région où fútbol est synonyme de religion, sur les rives du Rio de la Plata j'assouvis ma passion.