Première star du Corinthians, club aux origines populaires, Neco a renforcé l’identité du club par un tempérament explosif sur le terrain, faisant également, avec ses buts et ses coups d’éclat, les beaux jours de la sélection paulista et de la Seleção à l’époque de l’amateurisme.
Neco naît le 7 mars 1895 rue José Paulino, dans le quartier de Bom Retiro à São Paulo, dans la même rue où sera fondé le Corinthians, club dont il défendra les couleurs de 1911 à 1930. L’histoire de Neco se confond avec celle des débuts du Corinthians, son frère Hermógenes Barbuy dessinant même le premier logo du Corinthians. Neco rejoint le club en 1911 alors qu’il a seulement seize ans. Le Corinthians a été fondé un an plus tôt par les peintres en bâtiment Antônio Pereira et Joaquim Ambrósio, le cordonnier Rafael Perrone, le chauffeur Anselmo Correia et l’ouvrier Carlos Silva. Le nom du club est un hommage au Corinthian, un club amateur anglais, qui effectue une tournée au Brésil en 1910, battant notamment Fluminense 10-1 et le SPAC 8-2.
Primeira Bola : la naissance du football au Brésil
L’homme du Corinthians
Après avoir débuté dans le football varzeano au sein du Botafogo, Neco effectue son premier match en équipe première du Corinthians le 19 octobre 1913. Cette année-là, le club aux origines populaires est invité à rejoindre le prestigieux championnat paulista, ce qui force le traditionnel club du Paulistano à quitter la ligue et à fonder un nouveau championnat à São Paulo. La presse pauliste craint un « mélange indécent et dangereux » au sein du football entre les différentes classes de la société brésilienne. En 1914, Neco devient titulaire sur le front de l’attaque du Corinthians. Pour l’ouverture du championnat paulista, Neco marque trois buts lors de la victoire 6-0 face au Lusitano. Alors que le Corinthians avait remporté un seul de ses neuf matchs du championnat paulista 1913, le club du peuple écrase la concurrence en 1914 : dix matchs, dix victoires. Neco termine meilleur buteur du championnat avec douze buts.
En 1915, le Corinthians quitte la Liga Paulista de Foot-Ball (LPF) pour l’Associação Paulista de Esportes Atléticos (APEA), mais est refusé en raison de ses origines modestes. La LPF refuse de reprendre le Corinthians, qui ne dispute pas de championnat cette année-là et se retrouve endetté. Les biens sont saisis par la justice et Neco se rend au siège du club la nuit pour mettre les biens en sécurité. Sans match officiel à disputer, Neco est prêté au Mackenzie, mais fait son retour au Corinthians dès l’année suivante, en 1916. Une nouvelle fois, le Corinthians termine en tête du championnat paulista en remportant tous ses matchs. Le football pauliste revient à un championnat unique en 1917, l’Internacional et le Corinthians rejoignant les rangs de l’APEA. Le championnat est finalement remporté par le Paulistano alors que Neco découvre la sélection pauliste. Il marque notamment un but face à la sélection carioca, battue 7-1, permettant à São Paulo de remporter la Taça Rodrigues Alves. La même année, Neco est sélectionné pour la première fois avec le Brésil.
Première star de la Seleção aux côtés de Friedenreich
Neco fait ses débuts avec la sélection brésilienne le 3 octobre 1917 lors du championnat sud-américain organisé en Uruguay. Face à l’Argentine, il ouvre le score mais ne peut empêcher la défaite des siens sur le score de 4-2. La délégation doit ensuite courir dans Montevideo pour trouver un jeu de maillots après avoir perdu un tirage au sort, l’Uruguay et le Chili jouant également en blanc. Avec un maillot rouge, le Brésil s’incline contre l’Uruguay et est éliminé, sauvant ensuite l’honneur en battant 5-0 le Chili, avec un nouveau but de Neco. Le Brésil termine sa saison par un match amical contre l’Uruguay à Montevideo. Neco marque le seul but des siens lors de la défaite 3-1. Cette même année, le Corinthians termine troisième du championnat paulista, derrière le champion Paulistano et Palestra Itália. Le Paulistano est le club de l’élite brésilienne alors que le Palestra Itália est fondé par des immigrés italiens après la tournée du Torino au Brésil. Les trois clubs dominent la scène régionale, formant le « trio de ferro », qui se partage les titres dans la décennie 1920. Palestra Itália, ancêtre de Palmeiras, s’impose en 1920, puis le Paulistano, auteur d’un quadruplé toujours unique dans le football pauliste entre 1916 et 1919, récupère son bien en 1921, avant le triplé du Corinthians entre 1922 et 1924. Mais avant les années 1920, il y a 1919 et le premier championnat sud-américain organisé par le Brésil.
Neco fait partie des joueurs paulistes appelés à s’entraîner à Rio de Janeiro en 1918. Avec l’annulation du tournoi en raison de la pandémie de la grippe espagnole, la CBD demande aux joueurs de rembourser l’argent avancé. Le refus des Paulistes entraîne une crise au sein du football brésilien concernant la professionnalisation du football. Le tournoi a finalement lieu en 1919 et les joueurs paulistes sont sifflés par le public lors des entraînements à Rio de Janeiro. Neco garde son calme, déclarant simplement : « Quand on aura un ennemi commun, ça changera ». Neco évolue pour la première fois aux côtés d’Arthur Friedenreich sous le maillot brésilien. Le duo est redoutable, en ouverture du championnat sud-américain, le Chili s’incline 6-0 avec un triplé de Friedenreich et un doublé de Neco. Lors du dernier match, l’Uruguay, double champion en titre, mène 2-0 et est proche de conserver son trophée. Avec un doublé, Neco sauve le Brésil et force un match décisif. Trois jours plus tard, après s’être débarrassé de Zibecchi et Vanzino, c’est des pieds de Neco que part le centre décisif. La tête d’Heitor, attaquant du Palestra Itália, est repoussée, Friedenreich, buteur du Paulistano, suit et marque. Le Brésil s’impose 1-0 dans un match qui aura duré cent-cinquante minutes et remporte à domicile le premier championnat sud-américain de son histoire. Friedenreich et Neco terminent en tête du classement des buteurs avec quatre réalisations.
Joueur à l’âme corintiana
Malgré ce titre historique, les tensions ne sont jamais loin au Brésil. La rivalité entre Rio de Janeiro et São Paulo est une nouvelle fois exacerbée lorsque Fluminense fait une offre pour Neco, relançant le débat du professionnalisme, d’autant plus que Neco perd son emploi pour abandon dès le lendemain de la finale contre l’Uruguay. Neco refuse cependant l’offre du club carioca. Antonio Roque Citadini, auteur de la biographie Neco, o primeiro ídolo, écrit : « Cet épisode a fait augmenter la passion des corintianos pour leur joueur, qui, bombardé par une offre peut-être irrécusable pour d’autres athlètes, étant une personne avec peu de moyens, sans rien recevoir du club, resta au Corinthians. Neco montra son amour pour le maillot alvinegro et cette histoire sera répétée dans tous les coins de la ville, renforçant le mythe d’être un joueur à l’âme corintiana ».
Fidèle au Corinthians, Neco est aussi un joueur au « tempérament explosif » selon Newton César de Oliveira Santos dans son livre Brasil x Argentina, histórias do maior clássico do futebol mundial. Lors d’un match contre Palestra Itália dans le championnat paulista 1919, Neco est suspendu trois matchs pour jeu violent. Un an plus tard, lors d’un nouveau match contre Palestra Itália, Neco se bat avec le gardien Primo, retirant même sa ceinture pour menacer de frapper le malheureux gardien. Le 25 décembre 1921, le match entre le Corinthians et Palestra Itália pour la deuxième place du championnat ne commencera même pas, une bagarre générale éclatant avant le début de la rencontre. Neco termine meilleur buteur du championnat paulista 1920, laissant l’année suivante le titre à Arthur Friedenreich, qui mène le Paulistano à la première place du championnat.
Nouveaux titres
Neco et Arthur Friedenreich se retrouvent en sélection pauliste pour le premier championnat national des sélections d’État organisé au Brésil, en 1922. Les deux marquent à chaque fois lors des quatre matchs de São Paulo, Neco marquant notamment six buts lors de la victoire 13-0 contre le Minas Gerais. Face à la sélection carioca, Neco marque un but et Friedenreich ajoute un doublé pour permettre à la sélection pauliste de remporter ce premier championnat national. Un mois plus tard, les deux se retrouvent pour le championnat sud-américain, organisé au Brésil. Muet lors des trois premiers matchs, Neco ouvre le score contre l’Argentine, permettant au Brésil d’arracher un match décisif contre le Paraguay. De nouveau, Neco ouvre le score, puis le doublé de Formiga permet au Brésil de remporter le trophée.
Neco conclut une année 1922 parfaite en remportant le championnat paulista. Neco conserve les trophées du championnat national et paulista en 1923 et offre même au Corinthians le premier tricampeonato de son histoire. Menuisier la semaine, conformément au rêve de son père, Neco sent le poids de l’âge, sans pour autant perdre son agressivité. En 1927, il frappe l’arbitre Antônio Câmara et est suspendu du championnat. Devenu entraîneur du club pendant sa suspension, Neco fait son retour en 1928. Un dirigeant de la Portuguesa fait son entrée sur le terrain pour réclamer un hors-jeu sur un but marqué par le Corinthians. Neco agresse le dirigeant, qui brandit à son tour un revolver. Les joueurs de la Portuguesa abandonnent le terrain, Neco marque dans le but vide et offre un nouveau championnat paulista au Corinthians.
En 1929, Neco ne prend part à aucun match du championnat paulista, remporté par le Corinthians et fait son retour à trente-cinq ans pour trois petits matchs du championnat paulista 1930, de quoi permettre au Corinthians de décrocher un nouveau tricampeonato. Entre-temps, un buste en bronze de Neco est immortalisé au Parque São Jorge, le siège du Corinthians. Pour l’inauguration, le Corinthians bat le champion du Minas Gerais, l’Atlético Mineiro, sur le score de 11-2, avec les deux derniers buts en carrière de Neco, portant ses statistiques à deux-cent-trente-cinq buts en deux-cent-quatre-vingt-seize matchs avec le Corinthians et neuf buts en quinze matchs avec la sélection brésilienne. Depuis Neco, seuls onze autres joueurs ont eu l’honneur d’avoir leur buste au Parque São Jorge. En 1937, Neco entraîne son Corinthians, remportant un nouveau championnat paulista qui s’ajoute aux sept remportés en tant que joueur. Neco meurt à São Paulo le 31 mai 1977, à l’âge de quatre-vingt-deux ans. Quelques mois plus tard, le 13 octobre 1977, le Corinthians met fin à vingt-trois longues années sans titre en remportant le championnat paulista.
