Le Defensor Sporting est l'un des plus grands clubs d'Uruguay comptant notamment à son palmarès deux ligues des champions d'Amérique du Sud dans les années cinquante et deux titres d'Uruguay professionnel depuis 2003. Ça, c'est pour la partie basketball, pour la partie Sporting. Côté football, on parle plutôt de Defensor, de quatre titres et d'un nombre incroyable de joueurs formés au club. Voici sa présentation.

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Fût un temps où Punta Carretas n'était pas le quartier huppé qu'il était aujourd'hui. Le quartier était connu pour son phare (la pointe la plus méridionale de Montevideo avant de pouvoir remonter vers le port) et pour sa prison. Quand la prison est inaugurée, il n'y a rien autour que des rochers et le phare, peu de voies de sortie pour les prisonniers. Mais petit à petit, comme partout à Montevideo à cette époque, la ville prend le dessus sur ses banlieues, notamment sur cette pointe de Punta Carretas tellement proche du centre historique de Montevideo. Tout d'abord des usines s'installent, puis des habitations autours, et avant que vous ne sachiez comment, la magnifique prison d'état est engoncée dans un quartier vivant.

L'une des usines qui s'installe dans le quartier est une usine de verrerie. Des voisins et employés de l'usine se rassemblent pour créer un nouveau club et l'affilié auprès de l'AUF, le Defensor Football Club. Depuis quelques années déjà des joueurs se rassemblent pour jouer entre eux, mais l'arrivée des frères Ghierra (Adolfo et Alfredo) les décide définitivement à rassembler ensemble cinq pesos et à aller s'inscrire à l'AUF. Dans le même temps, Giuseppe Franzini, un émigré italien, s'installe à côté du stade. Son fils, Luis Franzini devient socio du club dès ses dix-huit ans et se marie avec Rosa Molinari, la sœur d'un des premiers joueurs du club. Le club pense au départ aux couleurs blanches et noires, avant de finalement opter pour le vert. Malheureusement, Belgrano utilise déjà le vert et le magasin de sport du quartier ne dispose que d'un seul autre jeu de maillot : le violet. Defensor a trouvé ses couleurs et ne les quittera plus. Le Defensor arrive en première division en 1915, joue son premier match international contre l'Atlanta de Buenos Aires, mais l'équipe périclite en 1918, avant de renaître en 1922. Le club remonte rapidement et l'un de ses joueurs fondateurs, Alfredo Ghierra, est sacré Champion du Monde avec l'Uruguay à Paris en 1924. En 1925, Luis Franzini est élu président du club, il y restera, hormis un bref aparté, jusqu'à sa mort en 1962. Le professionnalisme arrive en 1932 et le Defensor restera au sein de l'élite durant toute la période du professionnalisme de cette date à nos jours, ne descendant que deux années en 1950 et en 1964 remontant immédiatement. L'équipe réussit quelques places d'honneurs, une troisième place notamment, mais n'obtient pas de titre de champion, ces derniers étant trustés par Peñarol et Nacional depuis le début du professionnalisme. En 1965, le fils de Luis Franzini, Julio Cholo Franzini est élu à la présidence du club. Il se fixe des objectifs de progrès chaque année, et, en 1971, fait appel au Profe Ricardo de León pour les remplir. L'entraîneur effectue un premier passage, mais repart rapidement au Mexique, à Toluca (club avec lequel il est champion), avant de revenir en Uruguay reprendre les commandes du Defensor.titre76

L'immense exploit de 1976

« Ma lutte pour un idéal commence de nouveau aujourd'hui à 16h. L'Atlético Defensor a été, au cours de ma longue carrière footballistique, le début de tout.

Je dois réunir toute mon expérience et l'utiliser au mieux.

Les erreurs ne se répètent pas.

Mon esprit fervent doit alimenter mon corps anxieux avec mesure. Son influence sur mon corps est déterminante.

Ma santé est bonne ; mais si mon esprit l'alimente mal, je n'arriverai à rien; ma conscience dirige mes actes et jugera avec justice ma conduite.

Je dois lutter avec intelligence et sérénité.

Je dois affronter toutes les contrariétés avec patience, et les attendre sans les laisser me surprendre.

Je suis le maître de mon futur. Je dépends de moi et de personne d'autre.

Crois-je en moi ? Oui, mais je dois d'abord me le prouver à moi-même.

À la lutte ! »

Extrait du journal de Ricardo de León, écrit le jour du premier match de la saison 1976, affiché au Musée du Football et Montevideo et repris par Santiago Díaz dans son livre « Una Vuelta a la Historia, Defensor del 76 : memorias de une hazaña en dictadura ».

En 1976, pour la première fois dans l'ère professionnelle, un autre club que Peñarol ou Nacional est sacré champion d'Uruguay. Ce titre intervient alors que le pays vit sous la dictature, que l'entraîneur est de gauche, que son frère est retenu dans une ambassade dans laquelle il a demandé l'asile, et qu'un joueur (Julio Filippini) ne joue qu'un match après avoir dédié un but à son frère prisonnier de la dictature. Vous pouvez retrouver plus de détails sur ce titre dans le magazine numéro 1 de Lucarne Opposée, avec notamment l'interview de Julio Filippini. L'année suivante, le Defensor réalise sa première participation en Copa Libertadores dans un groupe de la mort comprenant Peñarol, Boca et River. Malgré des nuls obtenus contre River et Boca, l'équipe termine troisième et ne passe pas le premier tour. Ce qui était un exploit en son temps va malgré tout devenir une habitude dix années plus tard, avec un nouveau titre national en 1987 puis en 1991 et de nombreuses participations en Copa Libertadores au fil des ans.

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La fusion et la formation

En 1989, le Club Atlético Defensor (principalement football) fusionne avec le Sporting Club Uruguay (principalement basket) pour sauver ce dernier de la faillite. Le club prend son nom actuel de Defensor Sporting Club. Pourtant, Nacional ne remet pas en compte ses précédents titres. La nouvelle institution pèse beaucoup plus lourd en terme de socios, et se lance dans des projets d'amélioration du stade et du centre d'entraînement des équipes de jeunes. Ces différents projets et une volonté de la direction assumée permettent un développement de la formation qui transforme le club en véritable université du football uruguayen. Le club en profite pour continuer à progresser en empochant quelques Clausura et Apertura, avant de refuser de jouer la finale en 2005 contre Nacional. Alors que Defensor était potentiellement champion, Nacional devait battre Rocha pour pouvoir arracher une finale. À la 90e minute, le score est toujours de deux buts partout. L'arbitre ajoute six minutes d'arrêts de jeu durant lesquelles il siffle un penalty incompréhensible pour Nacional. Defensor refuse de se présenter dans ces conditions et perd le titre sur tapis vert. Il ne faudra attendre que deux ans pour que le Defensor soit de nouveau champion, durant la saison 2007-2008, ajoutant, en plus durant cette année, une magnifique participation en Copa Libertadores où le club arrive pour la première fois en quarts de finale après être sorti de la phase de poule et avoir battu Flamengo en huitièmes. Le club est alors emmené par une bande de jeunes formés au club, du Chino Álvaro Navarro au latéral Maxi Pereira en passant par le gardien Martín Silva.

Le succès d'une politique, et ses limites

Le club continue ses bonnes performances avec une victoire en 2009 à la Bombonera pour se qualifier à nouveau en quarts de finale de la Libertadores, avant de réussir sa meilleure performance en 2014 en arrivant en demi-finale de la reine des compétitions grâce notamment à un magnifique Nicolás Olivera (meilleur joueur du tournoi). Le club est arrêté dans sa lancée par Nacional du Paraguay, vainqueur deux à zéro à l'aller avant que Defensor n'aille les titiller au Centenario avec une victoire un à zéro insuffisante. Depuis, le club n'a plus réussi de pareils exploits, malgré quelques tours passés en Sudamericana. Il faut dire que la donne a changé, et que les jeunes formés par le club qui ont fait les exploits durant les années 2000, partent de plus en plus vite. L'équipe effectue un très bon Apertura 2017 et aurait pu apercevoir le titre cette année-là, en plus d'une très bonne participation en Libertadores en 2018, mais les meilleurs joueurs quittent le navire avant et s'engagent à l'étranger, comme Maxi Gómez, parti en Espagne à la mi-saison 2017 à seulement vingt-et-un ans et dont les buts manqueront grandement sur les six derniers mois de l'année. Auparavant, d'autres joueurs de la sélection actuelle avaient quitté le club autour de leur vingtaine d'année, comme Diego Laxalt à vingt ans, Mauro Arambarri à vingt-et-un ans, Brian Lozano ou Giorgian de Arrascaeta à dix-neuf ans. Quand le Defensor avait réussi à battre Flamengo en 2007, la majorité des joueurs formés au club et titulaires avait autour de vingt-deux et vingt-trois ans. Le départ des joueurs plus jeune met en danger le club, qui n'arrive plus depuis trois ans à sortir du ventre mou du championnat. Malgré tout, le club continue d'investir dans la formation avec l'aide d'anciens comme Cáceres ou Olivera qui ont aidé au transfert et à l'installation de l'ancien système d'illumination du stade vers le centre de formation. En attendant de regagner quelque chose, le club peut se féliciter de voir ses anciens joueurs continuer à réussir à l'étranger et en sélection.

La prison de Punta Carretas a été fermée et transformée en centre commercial. Il faut dire que de nombreuses évasions y ont été organisés dont celles des Tupamaros de 71 quand plus d'une centaine de prisonniers s'étaient fait la malle en plein Montevideo. Le Parque Rodó est quant à lui toujours là, avec en son sein le théâtre d'été ainsi que le stade Franzini. C'est un magnifique stade, niché entre Punta Carretas et la vieille ville, facile d'accès, à côté de la plage Ramírez. Vous pouvez y faire un tour l'été, mais attention en hiver le vent du sud est d'un froid glacial (n'oubliez pas que, là-bas, le sud est le nord). Vous y verrez sûrement quelques joueurs qui seront les futures stars de l'Uruguay.

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Jérôme Lecigne
Jérôme Lecigne
Spécialiste du football uruguayen, Suisse de l'Amérique du Sud, Patrie des poètes Jules Supervielle, Juan Carlos Onetti et Alvaro Recoba