Palmeiras est aujourd’hui l’un des plus grands clubs d’Amérique du Sud et connu dans le monde entier, mais passe les vingt-huit premières années de son existence sous un autre nom, Palestra Itália, avant d’être contraint de changer d’identité.
Entre 1876 et 1920, 1,2 million d’Italiens arrivent au Brésil, poussés notamment par Giuseppe Garibaldi, l’un des pères de la nation italienne et qui épouse une Brésilienne lors de son exil. Face à la pauvreté et la surpopulation, de nombreux Italiens rejoignent São Paulo pour travailler dans l’agriculture ou l’industrie. En 1914, deux clubs italiens, le Pro Vercelli et le Torino, effectuent une tournée au Brésil, avec six victoires en six matchs pour le Torino à São Paulo. Devant ce spectacle, Luigi Cervo, Luigi Emanuele Marzo, Vicenzo Ragognetti et Ezequiel Simone, employés des Indústrias Matarazzo, décident de fonder un club, avec le soutien de leur direction. Le 26 août 1914, le Palestra Itália est créé, et comme son nom l’indique, le club a pour but de réunir la communauté italienne de São Paulo. Palestra Itália prend comme symbole la croix de Savoie, également le nom du premier adversaire de Palestra Itália, le 26 janvier 1915. Le Corinthians, un club du peuple et où de nombreux joueurs d’origine italienne évoluent, prête cinq joueurs à Palestra Itália, dont Amílcar Barbuy et Bianco, capitaine et premier buteur de l’histoire du club.
En 1916, Palestra Itália dispute pour la première fois le championnat paulista, terminé en dernière position, puis dispute en 1917 son premier match contre le Corinthians, bientôt son plus grand rival. La Companhia Matarazzo continue de soutenir le club et achète le Parque Antárctica en 1920. La même année, Palestra Itália remporte son premier championnat paulista, épisode connu sous le nom de « Pazza Goia » où les Italiens, qui avait aidé à la construction de la ville de São Paulo, ont failli la détruire lors des célébrations du titre après le succès face au traditionnel Paulistano. Palestra Itália brille à nouveau lors de l’officialisation du professionnalisme au Brésil, en 1933. Le club d’origine italienne remporte le tricampeonato paulista entre 1932 et 1934 et s’offre le premier tournoi Rio – São Paulo, créé en 1933 pour célébrer le professionnalisme. Au cours du tournoi, Palestra Itália gifle le Corinthians 5-1 au match aller puis 8-0 au match retour, plus large victoire de l’histoire du Derby Paulista.
Palestra Itália devient Palmeiras
Le Brésil entre en guerre en 1942 aux côtés des Alliés, après que les Allemands ont fait couler des navires brésiliens. Les biens des Allemands, Italiens ou Japonais, trois communautés importantes au Brésil et à São Paulo, peuvent être saisis par le gouvernement, les références aux pays de l’Axe sont interdites. Le Germânia de São Paulo devient Pinheiros, Palestra Itália prend le nom de Palestra de São Paulo. À Belo Horizonte, un autre club nommé Palestra Itália devient Cruzeiro. Concernant le club de São Paulo, le changement de nom n’est pas suffisant pour les autorités, bien que le terme « Palestra » soit d’origine grecque, il fait référence à l’Italie. Le 14 septembre 1942, le club devient donc Sociedade Esportiva Palmeiras, afin de conserver le « P » sur le logo du club, et en hommage à l’A.A das Palmeiras, club historique de São Paulo et qui avait aidé le club palestrino à ses débuts. Moins d’une semaine plus tard, Palmeiras affronte São Paulo lors du match décisif du championnat paulista. Afin d’empêcher les sifflets du public, majoritairement anti-Italien en raison de la guerre, les joueurs de Palmeiras entrent sur la pelouse du Pacaembu avec un drapeau brésilien et sont finalement applaudis par le public. Avec des joueurs comme Oberdan, Zezé Procópio, Lima, Waldemar Fiúme, mais aussi Og Moreira, premier joueur noir du club, Palmeiras mène 3-1 lorsque les joueurs de São Paulo abandonnent le terrain après un penalty sifflé contre eux. Palmeiras remporte le titre et se fait un nom lors de ce qui est connu au Brésil comme la « Arrancada Heroica ».
L’année 1951 est historique pour Palmeiras. En début d’année, grâce à un match nul face à São Paulo, Palmeiras remporte pour un petit point le championnat paulista 1950, qui s’était étendu au début de l’année suivante. Ce titre permet à Palmeiras de se qualifier pour la Taça Rio 1951, quelques semaines après avoir remporté le tournoi Rio – São Paulo, battant deux fois le Corinthians en finale. Le Maracanazo est encore dans toutes les têtes au Brésil et la Taça Rio est vue comme un Mondial des clubs, avec également Vasco, champion carioca, mais aussi des clubs champions ou vice-champions nationaux, comme la Juventus, Nice ou encore Nacional. Palmeiras débute par deux victoires, face à Nice et l’Étoile rouge de Belgrade, avant de perdre 4-0 face à la Juventus, soutenu en majorité par le public de São Paulo originaire d’Italie, mais qui supporte d’autres équipes locales comme le Corinthians ou São Paulo FC. Au Maracanã, Palmeiras écarte Vasco puis retrouve la Juventus en finale, avec cette fois-ci le soutien du stade, le public carioca, encore traumatisé par le Maracanazo, voyant seulement une équipe brésilienne contre une équipe étrangère. Face à un club italien, rappelant les origines du club, Palmeiras veut jouer avec le maillot de la sélection brésilienne, privilège qui sera refusé par la CBD. Un drapeau du Brésil est alors cousu sur le maillot de Palmeiras, qui s’impose en deux matchs, un titre qui permet de venger la défaite du Brésil à la Coupe du Monde un an plus tôt, à l’image du Jornal dos Sports qui écrit en Une : « L’adieu du football brésilien au 16 juillet ».
L’Academia
Palmeiras brille à nouveau en 1959, en terminant à égalité du championnat paulista avec le Santos de Pelé. Après trois matchs âprement disputés en finale, le Palmeiras de Julinho Botelho et Djalma Santos remporte le titre, histoire à retrouver dans le 13e numéro de notre magazine. Dans les années soixante, Palmeiras est la seule équipe à empêcher Santos de remporter le championnat paulista, en étant sacré en 1963 et 1966. L’équipe est connue comme l’Academia de futebol, remportant également des titres interrégionaux et nationaux, comme le tournoi Rio – São Paulo, la Taça Brasil et le tournoi Roberto Gomes Pedrosa. Malgré une absence de titres continentaux, Palmeiras perdant en finale de la Libertadores en 1961 et 1968, le club brille jusqu’au milieu des années soixante-dix, où la Segunda Academia remporte le Brasileirão, en 1972 et 1973. De nombreux joueurs passent par le club, comme Emerson Leão, Luís Pereira, Djalma Dias, Djalma Santos, Dudu, Leivinha ou encore Servílio et Vavá, mais l’idole absolue est Ademir da Guia, qui dispute 901 matchs pour le Verdão, record historique du club, entre 1961 et 1977.
C’est aussi à cette période que Palmeiras obtient l’un de ses surnoms : le Porco. En 1969, Lidu et Eduardo, joueurs du Corinthians, décèdent dans un accident de voiture. Le Corinthians demande aux autres clubs du championnat paulista à pouvoir inscrire deux joueurs supplémentaires, Palmeiras refuse. Wadih Helu dénonce un « esprit de cochon » de Palmeiras, le surnom reste et est utilisé par les rivaux du club, avant d’être adopté par les supporters de Palmeiras eux-mêmes, sur une idée du directeur du marketing, João Roberto Gobbato. La rivalité avec le Corinthians monte encore d’un cran et atteint son paroxysme en 1974. Le Corinthians n’a plus gagné de titres depuis vingt ans et a enfin l’occasion de mettre fin à la disette, avec une finale du championnat paulista face à Palmeiras. Au Parque Antárctica, Palmeiras s’impose 1-0, le « jejum » du Corinthians se prolonge et précipite le départ du club de l’ancienne idole Rivelino, accusé de la défaite par les supporters du Corinthians.
Partenariats et trophées
Palmeiras remporte un nouveau championnat paulista, en 1976, avant de connaître également sa période de disette, longue de dix-sept ans. En 1992, l’entreprise italienne Parmalat signe un partenariat avec Palmeiras et investit massivement pour retrouver les sommets. Le Verdão réussit un triplé historique en 1993 avec le championnat paulista et le tournoi Rio – São Paulo, battant à chaque fois en finale le Corinthians, puis le Brasileirão en fin d’année, avec des futurs champions du monde comme Roberto Carlos, Zinho, Mazinho, Edílson et un duo d’attaque redoutable composé de Edmundo et Evair. En 1994, Palmeiras conserve ses titres dans le championnat paulista et le Brasileirão, battant à nouveau le Corinthians en finale du championnat national. Après une année 1995 loin du club, l’entraîneur Vanderlei Luxemburgo revient à Palmeiras et permet au Verdão d’être encore aujourd'hui le dernier club à avoir marqué plus de cent buts en une édition du championnat paulista, en 1996, des joueurs comme Cafu, Djalminha ou encore Rivaldo entrant dans l’histoire du club.
Un autre entraîneur mythique du Brésil va marquer l’histoire de Palmeiras, Luiz Felipe Scolari. Palmeiras réalise le doublé Coupe du Brésil – Copa Mercosul en 1998 et remporte le plus beau titre de son histoire le 12 juin 1999, jour où le gardien Marcos est sanctifié par les supporters lorsqu’il permet au Porco de remporter la Copa Libertadores à l’issue d’une séance de tirs au but. La fin de l’ère Parmalat est plus contrastée, Palmeiras perd la Coupe Intercontinentale contre Manchester United avec une erreur fatale de Marcos et perd en finale de la Copa Mercosul. En 2000, le Verdão remporte le tournoi Rio – São Paulo et la Copa dos Campeões, élimine une nouvelle fois le Corinthians en demi-finale de la Copa Libertadores mais chute en finale, face à Boca Juniors, avant de perdre la finale de la Copa Mercosul après avoir pourtant mené 3-0 à la mi-temps face au Vasco. Parmalat se retire du club.
L’après-Parmalat est compliqué, Palmeiras est relégué en 2002, s’incline 7-2 face à Vitória lors de la Coupe du Brésil 2003 et seul un titre du championnat paulista, en 2008 après douze ans d’attente, contente les supporters. Palmeiras remporte une nouvelle fois la Coupe du Brésil en 2012, année où le club retrouve la Série B après une nouvelle saison cauchemardesque. En 2014, Palmeiras fête son centenaire et termine seizième du classement, à deux points seulement de la relégation, sauvé grâce à la victoire de Santos sur Vitória à la dernière journée. Palmeiras retrouve le sourire avec l’inauguration de son nouveau stade, l’Allianz Parque, et en 2015, un partenariat avec Crefisa rappelle l’époque Parmalat : des investissements massifs, mais surtout des titres avec la Coupe du Brésil en 2015 et 2020 et le Brasileirão en 2016 et 2018. Palmeiras redevient un géant continental et remporte en 2020 sa deuxième Copa Libertadores en venant à bout de Santos. Un clássico da saudade pour rappeler les glorieux affrontements entre Pelé et Ademir dans les années soixante, mais aussi le poids de l’histoire pour un club né Palestra Itália en 1914 et devenu Palmeiras en 1942. Puis le Verdão conserve son titre et décroche deux titres de champion du Brésil, qui s'ajoutent à quatre Paulista décrochés en cinq ans. Et rappelle ainsi à tout le monde qu'il est un géant.