Un défenseur central qui jouait comme un « 10 », une idole aux Sport Boys du Callao et à Boca Juniors où il est le seul étranger régulièrement inclus dans le meilleur onze de tous les temps. Voici l’histoire du « Negro el 2 », Julio Meléndez.

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Pour El Comercio, Jorge Moreno Peña ne tarit pas d’éloges lorsqu’il faut parler du grand Julio Meléndez : « Quand il jouait à Boca, il a dégagé le ballon d’une chalaca pour éviter un but d’Independiente, le rebond arrive sur un autre attaquant qui tire, mais il le stoppe d’une aile de pigeon. Une autre fois, entouré d’adversaires, il a fait un une-deux avec le poteau pour ressortir le ballon proprement et lancer une attaque de Boca. Don Julio Meléndez était un « 10 » qui jouait en défense. En Argentine, il a révolutionné le poste de défenseur où il fallait être rugueux et balancer des coups à l’adversaire. » En ces quelques lignes, voici une belle présentation du défenseur péruvien qui a porté très haut le nom du Pérou en Argentine.

El Peruano y su ballet

Julio Meléndez Calderón est né à Lima le 11 avril 1942 et a grandi dans la ville portuaire du Callao. Il débute dans le football à onze ans lorsqu’il intègre le centre de formation de Centro Iqueño aux côtés d’autres légendes du football péruvien, Roberto Chale et Ramón Mifflin. Parallèlement, il commence à travailler dans une fonderie dont le propriétaire est aussi le dirigeant du club Mariscal Sucre qui le signe dans son équipe de seconde division. Il joue pour la première fois en première division avec le Defensor Lima en 1961, il a alors à peine seize ans. Puis il signe pour KDT avant d’être appelé par son oncle, le technicien Marcos Calderón, pour le rejoindre aux Sport Boys, son club de cœur. Dans le club du Callao, il passe trois belles saisons entre 1965 et 1967 en s’affirmant de plus en plus comme étant l’un des meilleurs défenseurs du championnat et reste à jamais une idole du club rosado. Sa réputation prend une autre dimension lors de la venue du Real Madrid sur le sol péruvien en 1965. Les Merengues, présidés alors par Santiago Bernabéu, sont en tournée en Amérique du Sud et venaient de battre Colo-Colo à Santiago quelques jours avant d’arriver à Lima. Au Pérou, on décide alors de présenter une équipe composée des meilleurs joueurs du championnat local pour affronter le club espagnol qui compte dans ses rangs la légende Ferenc Puskás. Le combiné péruvien comprend des joueurs de grande classe comme Eloy « doctorcito » Campos, Victor « Pitín » Zegarra et Pedro « Perico » León. Mais pour stopper le Hongrois, le nom de Julio Meléndez sonne comme une évidence. Les Péruviens s’imposent 3-2 contre les Madrilènes qui connaissent leur première défaite en terres incas.

Ce n’est que quelques années plus tard, que Meléndez est repéré par le technicien argentin Renato Cesarini qui le recommande à Boca Juniors. Le défenseur péruvien voyage donc à Buenos Aires en février 1968 pour s’engager chez les Xeneizes. À Boca, il partage le vestiaire avec des grands noms comme Ángel Clemente Rojas, Silvio Marzolini, Rubén José Suñé et Antonio Roma. Pour ses débuts contre Colón son coach José María Silvero lui demande d’être dur sur l’adversaire, mais lui préfère imposer son style de jeu en pensant en premier au ballon plutôt qu’au joueur sans forcément recourir à la violence. Et ça marche ! Il s’impose alors comme un titulaire indiscutable et gagne peu à peu l’affection d’une hinchada réputée exigeante qui finit même par lui dédier un chant : « y ya lo ve, y ya lo ve, el peruano con su ballet ! ». En 1969, il remporte le titre de champion d’Argentine après un dernier match nul contre River Plate et pour la première fois de l’histoire, Boca Juniors célèbre un titre sur la pelouse du Monumental.

Il remporte également le titre de 1970 synonyme de bicampeonato et marque les esprits avec son style si particulier de défenseur élégant qui commettait très peu de fautes sur l’adversaire. Son seul carton rouge ? Lors d’un clásico contre River Plate où il fauche un attaquant qui filait droit au but. À sa sortie du terrain, il est ovationné par la Bombonera. Même lors de matchs bouillants, il est l’un des rares à garder son sang-froid. Le meilleur exemple a lieu en 1971 lorsque Boca Juniors accueille les Péruviens de Sporting Cristal en Libertadores pour un match qui entre dans l’histoire pour la violence de ses protagonistes. Au total, dix-huit expulsés dont seize qui terminent au commissariat et trois à l’hôpital. Julio Meléndez fait partie des trois seuls joueurs à ne pas avoir été expulsé avec les deux autres gardiens, Rubén Sanchez et Luis Rubiño (lire 17 mars 1971 : le match aux dix-huit expulsions). Il part alors à la rencontre de ses compatriotes en prison pour passer la nuit avec eux, accompagné de pizzas. Après cinq saisons en Argentine et cent-cinquante-quatre matchs officiels, il fait un essai en Espagne, au Séville FC qui décide au dernier moment de ne pas investir en défense. Il retourne alors au pays au Defensor Lima pour fêter ses trente bougies et retrouver Roberto Chale. Il poursuit sa carrière dans différent club du pays avant de raccrocher les crampons au León de Huanuco en 1979.

Absent des Coupes du Monde

Julio Meléndez apparait comme étant l’un des meilleurs défenseurs dans les livres d’histoire du football péruvien et fait partis de cette génération dorée des années soixante-dix. Pourtant, alors que le Pérou connait l’apogée de son football en participant notamment à deux Coupes du Monde en 1970 et 1978, le défenseur n’est convoqué à aucune des deux. Il ne participe pas non plus aux qualifications en 1969 alors qu’il est une figure de Boca Juniors et du football argentin. C’est le joueur lui-même qui aurait décliné sa convocation sous les conseils d’Alfredo Di Stefano, son entraineur : « Tu ne devrais pas aller au Pérou, ici en Argentine si tu laisses ton poste quelques semaines, tu ne le retrouveras pas à ton retour. Le Pérou a une superbe équipe à laquelle il ne manquera rien. Reste à Boca. En plus les éliminatoires sont contre l’Argentine et si tu commets une erreur cela pourrait te coûter ta carrière ». Le Pérou n’a finalement pas besoin de Meléndez pour empêcher l’Argentine de participer au Mondial, mais le joueur de Boca n’est pas du voyage au Mexique. En 1977, il ne fait pas la même erreur et participe aux éliminatoires qui voient le Pérou se qualifier pour le Mondial argentin, mais décide de raccrocher les crampons à ses trente-six printemps après une dernière victoire contre le Chili. Ce soir-là, le président péruvien Francisco Bermúdez descend du balcon présidentiel pour aller féliciter les joueurs et demander le maillot de Meléndez, capitaine du soir, pour l’enfiler par-dessus son uniforme militaire comme ultime symbole de la classe de joueur qu’il était (lire 1977 : Quand le Chili espionne le Pérou). S’il a manqué deux occasions de participer à la plus belle compétition du monde, il a tout de même fait partie de cette magnifique sélection dirigée par son oncle, Marcos Calderón, qui a remporté la Copa América en 1975.

Romain Lambert
Romain Lambert
Parisien expatrié sur les terres Inca, père d’une petite franco-péruvienne, je me passionne pour le football de Lima à Arequipa en passant par Cusco. Ma plus forte expérience footballistique a été de vivre le retour de la Blanquirroja à une coupe du monde après 36 ans d’absence.