Un an et demi après un premier revers retentissant face au Qatar lors des éliminatoires à la Coupe du Monde 2018 (3-2), la Corée du Sud est de nouveau tombée face aux Qataris. Cette fois en quart de finale de la Coupe d’Asie 2019 (0-1). Analyse d’un échec que seule la KFA n’attendait pas.

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Loin d’être une surprise, l’échec sud-coréen dans cette dix-septième édition de la Coupe d’Asie était prévisible. Depuis la nomination de Bento le 16 août 2018 jusqu’à ce 25 janvier 2019, la Corée du Sud n’a fait que régresser pour atteindre une situation mêlant amateurisme et désespoir.

Tout a donc commencé avec la nomination du successeur à Shin Tae-yong (lui-même candidat à sa propre succession, allez savoir pourquoi). La KFA avait posé les bases : un entraîneur ayant gagné des titres en Europe et avec de l’expérience. Adieu donc la piste d’un sélectionneur local qui connait les joueurs et qui sait exploiter au maximum leur capacité. Il fallait du clinquant, un nom qui envoie. Plusieurs sont passés comme Luiz Felipe Scolari et André Villas-Boas. Devant le refus de ces hommes, l’exigence est descendue d’un écran avec la rumeur Vahid Halilhodžić avant que la KFA ne porte définitivement son choix sur Paulo Bento. Ce dernier remplissait-il les critères de la KFA ? Deux Coupes du Portugal en 2007 et 2008 sont-elles des titres conséquents ? Géographiquement oui. Mener le Portugal à une demi-finale de l’Euro en 2012 et à un échec à la Coupe du Monde 2014 est-ce suffisant pour avoir « l’expérience » demandée ? Sans aucun doute, oui. La KFA n’a pas semblé vouloir chercher plus loin. Elle n’a pas voulu voir que deux Coupes du Portugal n’ont rien d’extraordinaire et Paulo Bento avait connu trois expériences catastrophiques depuis : au Brésil avec Cruzeiro, en Grèce avec Olympiakos et enfin en Chine avec Chongqing Lifan.

À moins d’un mois des deux matchs amicaux de rentrée – soulignons cette maîtrise du planning –, Paulo Bento débarque à Incheon et ne semble pas s’être renseigné sur l’équipe qui lui est confiée en ne connaissant pas le dernier résultat de la Corée du Sud à la Coupe d’Asie 2015 : « J’ai entendu dire que la Corée du Sud avait terminée 2e ou 3e de la Coupe d’Asie ». Ça vous pose le cadre. Mais laissons sa chance au produit. La KFA continue de se lancer dans des cycles de quatre ans basés sur la Coupe du Monde et non pas sur la Coupe d’Asie. Une fédération qui ne connait pas ses priorités, mais qui essaye tout de même de forcer ses nouveaux coaches à mettre la main sur le titre continental. Sans que ce soit l’objectif officiel. Comment voulez-vous monter une équipe en quatre mois pour gagner une compétition quand vous ne connaissez rien du pays et des joueurs et en disputant moins d’une dizaine de matchs ?

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Des espoirs, désespoir

Reste que les premières sorties de Paulo Bento ont été encourageantes, avec une victoire sur le Costa Rica et un nul face au Chili. La défense semblait en progression en étant bien plus solide tandis que les mouvements offensifs étaient mieux maîtrisés avec un Son Heung-min capitaine et bien moins individualiste qu’à l’accoutumée. Son repositionnement dans l’axe en est très certainement la cause. Mais ce début encourageant ne dure pas. La victoire face à l’Uruguay laisse encore entrevoir des progrès, mais le nul face à Panamá marque le début du dérèglement. Malmenée face à l’Australie, sans grandes inspirations, puis large vainqueur poussif de l’Ouzbékistan, la Corée du Sud entame son autodestruction avec brio. L’ultime match de préparation face à l’Arabie Saoudite n’a rassuré personne (comment expliquer ce changement de formation avec une défense à trois pour ton seul match de prépa ?). Tous les matchs de la Coupe d’Asie ont confirmé cette tendance : défensivement fébrile, inefficace offensivement, manque de mouvement, bloc trop bas… Bref, la méthode (trop) défensive de Paulo Bento s’installe et ne satisfait pas. Les choix du technicien portugais peinent à convaincre et mettent plus l’équipe en difficulté qu’autre chose. Le match face au Bahreïn est un exemple du genre : mener 1-0, choisir de faire un changement tactique pour faire reculer l’équipe et l’emporter sur ce score. Quand tu t’appelles Corée du Sud, ce n’est pas acceptable. Surtout en frôlant l’élimination après l’égalisation adverse.

Autre point sensible concernant Paulo Bento, sa gestion du groupe qui est sous le feu des critiques. Notamment concernant Son Heung-min. Arrivé très tard dans la compétition à la suite d’un accord avec Tottenham, celui qui n’a pas eu de période de repos depuis plus d’un an et qui sortait d’une période chargée avec son club en Angleterre a été aligné face à la Chine seulement deux jours après avoir rejoint le groupe. Sonny a donc continué d’enchaîner les matchs. Après la compétition, il a avoué ne plus avoir de jus et pensait qu’après le dernier match de poule, il aurait récupéré. Il n’en fut rien, et le joueur n’a absolument pas pesé sur les deux dernières rencontres. Mauricio Pochettino a confirmé l’état du joueur lorsqu’il l’a récupéré : un homme épuisé. Pourquoi alors Paulo Bento l’a fait jouer pour un match sans grands enjeux ? Bonne question. Ce n’est pas rendre service à un garçon qui continue de décevoir en tant que leader de son pays. Véritable star, il ne parvient pas à remplir son rôle lorsqu’il porte les couleurs des Guerriers Taeguk (il suffit de voir sa Coupe du Monde 2018 et ses Asian Games 2018…). Bourré de talent, Sonny n’est pas un leader malgré son brassard. Ne nous trompons pas : le joueur le plus important, le véritable capitaine de cette équipe est Ki Sung-yueng. Malheureusement blessé pour la compétition et probablement sur le point de prendre sa retraite.

Autres exemples de gestion hasardeuse Hwang In-beom et Lee Seung-woo. Le premier n’a jamais été à 100% et n’a pas connu de période nette de repos par exemple. Le second était initialement absent de la liste, mais il a été arraché à son club italien du Hellas Verona alors qu’il commençait à enchaîner les titularisations afin de pallier la blessure de Na Sang-ho. Pour venir chauffer le banc. Chose que l’ambitieux jeune attaquant n’a pas appréciée et l’a fait savoir lors du match face à la Chine avec un geste d’humeur. Paulo Bento n’a pas réagi laissant l’incident sans conséquence pour finalement offrir du temps de jeu à l’ancien de la Masia. Qui a essayé de raisonner Lee Seung-woo ? Ki Sung-yueng. Signe de sa grande influence sur le groupe.

Amateurisme à tous les étages

Mais Paulo Bento n’est qu’un arbre qui cache la forêt de l’immense amateurisme de la KFA comme en témoigne la polémique sur le staff médical. Il faut savoir que la Corée du Sud n’a jamais eu de médecins attitrés pour sa sélection hormis lors de la Coupe du Monde 2002. Pour toutes les autres compétitions, il s’agissait de docteurs bénévoles et dont la spécialité n’est pas le sport. Résultat ? Des blessures innombrables à chaque grand rendez-vous. Concentrons-nous sur cette Coupe d’Asie. Une préparation tronquée par de nombreuses blessures, Paulo Bento n’ayant pas eu une seule fois son groupe au complet. Lors du premier match, Ki Sung-yueng et Lee Jae-sung se blessent. Le staff médical se trompe dans son diagnostic pour les deux joueurs qui ne rejoueront plus. Paulo Bento a passé toute la Coupe d’Asie sans ses vingt-trois joueurs. Il a dû aussi modifier son staff médical puisque deux des quatre docteurs sont rentrés en Corée du Sud en plein tournoi. À la veille du match face au Qatar, seulement seize joueurs étaient à 100% de leur moyen. La réponse de la KFA ? Admettre des erreurs, mais également rejeter en partie la faute sur le sélectionneur qui aurait lui-même choisi les médecins. Ambiance.

Les Guerriers Taeguk ont donc été complètement à côté de leurs crampons dans cette Coupe d’Asie 2019. Un échec mérité et qui incombe à 90% à une fédération qui ne semble pas maîtriser son sujet à tous les niveaux. Les 10% restant sont à mettre au crédit d’un sélectionneur qui n’est pas fait pour ce poste. Mais qui restera en place. Ce n’est pas comme si une jurisprudence Stielike existait. Le principal objectif n’est-il pas de se faire sortir en phase de groupe au Mondial 2022 ?

Baptiste Mourigal
Baptiste Mourigal
Rédacteur Asie, spécialisé Corée du Sud (K League, KFA) à suivre sur @KleagueFR