Du fou derby congolais au scandale de l’arbitrage de Tunisie – Guinée Equatoriale, les deux premiers quarts de la CAN 2015 ont été riches en émotion. Retour sur les deux matchs;

 

Renversants léopards

« Ce match avait une charge émotionnelle très importante. J’ai parlé avec certains joueurs à la mi-temps. Ils m’ont dit : Coach, on avait la pression ». Dernier entraîneur africain encore en course, Florent Ibenge a ainsi livré dès la fin de la rencontre une tentative d’explication à la soporifique première période que les deux Congo ont offert. Un missile sur coup-franc de Doré pour le Congo Brazza, une frappe mal ajustée de Bokila et ce fut tout. Rien d’autre que l’ennui d’un match disputé devant des tribunes quasi-vides tel un mauvais levé de rideau d’un match amateur.

Fort heureusement, la seconde période allait enfin proposer du jeu. Magie du passage aux vestiaires, les deux Congo se libéraient enfin et se rendaient coup pour coup. D’entrée de second acte, Bokila envoyait une merveille de mine qui faisait trembler la barre transversale de Mafoumbi. Les Diables Rouges obtenaient ensuite un bon coup-franc que NDinga dépose sur Doré, totalement oublié par Mongongu, qui n’a plus qu’à fusiller Kidiaba. 7 minutes plus tard, nouvelle erreur des Léopards. Kasusula remet le ballon dans l’axe sur Doré dont la frappe est repoussée par Kidiaba mais atterri dans les pieds de Bifouma qui, en bon chasseur, semble tuer le match.

Mais à 2-0 en leur faveur, les Diables Rouges cèdent à l’euphorie et ne voient pas que les Léopards sont encore loin d’être morts et se lâchent. Bolasie dynamite le côté gauche, sert Mbokani en retrait 2-1. 10 minutes plus tard, Bokila se retourne et troue les filets de Mafoumbi. Le match a basculé dans l’irréel, il a totalement tourné. Coup-franc de Kebano, entré suite à la réorganisation décidée par Ibenge, Kimwaki et son étoile blonde donnent le 3-2 aux hommes d’Ibenge. Les Diables Rouges s’effondrent, l’attaque à outrance de leur voisin fait rompre leur défense de toute part et sur une dernière offensive, Mbokani, qui a gagné tous ses duels face à l’axe central adverse, termine le travail. 4-2, un retournement de situation incroyable, Claude Le Roy regrettera le manque d’expérience des siens qui ont causé ce retournement, la RDC est en demi-finale pour la première fois depuis l’édition de 1998 terminée à la troisième place après l’incroyable 4-4 face au Burkina Faso.

 

L’arbitre vole la qualification à la Tunisie

Avec l’arbitre à ses côtés, la Guinée Equatoriale était hier en supériorité numérique, avec la bénédiction des instances du foot africain. Le pays organisateur de secours, escroc multirécidiviste blanchi par la CAF pour sauver des apparences désormais entachées de duplicité, a bénéficié d’un penalty inexistant dans les arrêts de jeu. Le deuxième offert depuis le début de la compétition. Suffisant pour arracher les prolongations puis battre (2-1) une équipe tunisienne qui, dans sa gestion du match, n’a malheureusement pas pris la triche en compte.

Georges Leekens débarque en conférence de presse le cœur lourd, et dans les couloirs la tension ne retombe pas. Ahmed Akaichi, qui aura largement réussi son intérim à la pointe de l’attaque avec ses 3 buts inscrits, est en larmes. L’accès de rage des joueurs à la fin du match a pris des proportions incontrôlables, et il se dit que le défenseur central Syam Ben Youssef, qui n’avait pas réussi à savater l’arbitre Rajindraparsad Seechurn au coup de sifflet final, serait finalement allé jusqu’au bout de son idée dans les vestiaires.

Le sélectionneur belge des Aigles de Carthage ne réalise pas. « C’est inacceptable ce penalty. Tout le monde a rigolé je n’en crois pas mes yeux. Je suis entraîneur depuis 30 ans, j’ai eu beaucoup d’expériences, j’ai travaillé à l’étranger, mais ça, on ne peut pas l’accepter. »

L’arbitrage maison du mauricien a pesé lourd sur l’ensemble de la rencontre : Près de 40 fautes sifflées contre la Tunisie, aucune réaction face au comportement détestable des équato-guinéens, à base de crachats et de simulations grossières, deux minutes d’arrêts de jeu dans les prolongations alors que le gardien Ovono Ovono a fait du cinéma pendant près de 7 minutes. Cerise sur le gâteau, ce penalty à la 90ème consécutif à un plongeon dans le coin de la surface.

La balle allait sortir et donner un corner au pays organisateur, Hamza Mathlouthi est allé au contact et s’est laissé abuser par la chute théâtrale de son adversaire. L’arbitre n’attendait que ça, et Javier Balboa ne s’est pas fait prier pour transformer le coup de pied de réparation et remettre les deux équipes à égalité dans un stade de Bata en délire.

Du reste, il ne faut pas se voiler la face : le scénario préparé par la Tunisie pour glaner la qualification était peut-être trop minimaliste et mal adapté à la supériorité technique des joueurs de l’EN sur la Guinée-Equatoriale. Une fois de plus, Leekens a reconduit sa défense à 5 avec Abdennour-Yaakoubi-Ben Youssef pour verrouiller l’axe, et Ferjani Sassi chargé de se projeter en soutien de Khazri et Akaichi. Les latéraux ont apporté offensivement mais souvent centré à tort et à travers, à contretemps d’une équipe qui ne s’est pas pressé. Chikhaoui est un artiste hors pair, et a encore inventé quelques gestes de grande classe. Mais l’intensité totale à donner sur un match de haut niveau n’est toujours pas là. Et ce n’est peut-être pas un hasard si la Tunisie, durant cette CAN 2015, a commencé tous ses matchs à partir de la 65ème minute. Diesel comme son meneur de jeu.

Ainsi, après 45 minutes en petit trop, les Aigles ont passé la seconde, et les situations dans la surface adverse se sont multipliées. Ovono Ovono se détend sur une frappe d’Akaichi qui filait sous la barre, avant que ce dernier ne cueille le centre de Mathlouthi quelques minutes plus tard pour l’ouverture du score.

Plutôt que fermer boutique, l’ancien sélectionneur des diables rouges mise sur les contres et envoie Chermiti et Moncer prendre la relève en attaque. Et quelques secondes avant le pénalty de la honte, Chermiti gâche une occasion de faire le break sur une belle passe en profondeur de Sassi. Un détail anodin sur le moment, mais c’est la défense qui paie l’addition dans la foulée, à l’autre bout du terrain. Les coéquipiers d’Abdennour ne s’en remettront pas. Les joueurs cèdent à la nervosité et aux provocations, et encaissent un deuxième but sur un coup-franc magistral de Balboa. L’entrée en jeu de Msakni et les deux bons ballons dans la surface ne changeront pas la donne.

Pour la septième fois, la Tunisie se fait éliminer par le pays organisateur de la CAN, et de la pire des manières. Sur les 4 matchs joués, et même si tout n’est pas positif (loin de là) la sélection a une base solide qu’il faudra consolider dans l’optique du Mondial 2018. Mais Leekens, s’il est maintenu à son poste, ne doit pas s’enfermer dans une quête obsessionnelle de l’équilibre. Si on veut grandir et obtenir des résultats, il faudra aller les chercher et être un peu plus offensifs. A bon entendeur.

 
 
par Farouk Abdou et Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.