A quelques heures du dernier rendez-vous du quatrième tour de qualification de la zone CONMEBOL, un nouveau scandale voit le jour. Une tentative d’achat de match, que les joueurs salvadorien ont décidé de ne pas laisser passer.

L’affaire est sortie dans les colonnes de La Prensa Grafica, quotidien salvadorien. Alors que le Salvador, déjà éliminé de la course à la Coupe du Monde accueille le Canada, qui garde un infime espoir de qualification pour le tour final (lire Coupe du Monde 2018 : Panamá à l’Hexagonal !), certains joueurs de la sélection salvadorienne auraient été approchés pour lâcher le match. Ce sont les joueurs eux-mêmes qui ont fait éclater l’affaire, faisant écouter l’audio d’une conversation menée avec un certain Ricardo Padilla, un homme d’affaire. Retranscription.

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Ricardo Padilla : La proposition est la suivante. 30$ par minute jouée si match gagné. Cela fait 2 700 si vous jouez les 90 minutes, 1 500 pour 50 minutes, 1 800 pour 60 minutes. Vous comprenez ? C’est comment cela que j’ai fait avec Alianza, c’est la même chose. OK ? Vous comprenez ? La seconde est 20$ par minute jouée si match nul. Si vous jouez 90 minutes et que vous faites match nul, cela vous fera 1 800$. Vous pouvez me demander où vous voulez, dans les banques, à la pólice, au ministère public, où vous voulez. Je ne suis pas du genre à mentir. Si l’un d’entre vous joue 50 minutes, ça lui fera 1 000$, celui qui en joue 40, 800$. C’est clair ? La troisième offre, si vous perdez 1-0, vous toucherez 15$ par minute jouée. C’est clair ? Si vous perdez 2-0, vous n’aurez rien, rien. Ce que nous voulons, c’est qu’ils ne gagnent pas largement, nous voulons éviter cela pour le bien du pays, pour votre honneur, pour l’honneur des salvadoriens.

Joueur 1 : Je ne sais pas si vous êtes d’accord…

Joueur 2 : J’ai une question. On fait cela pour le Honduras ou pour votre ami ?

Padilla : Il n’est pas de la sélection hondurienne.

Joueur 2 : Ca me fait bizarre. Vous nous dites que s’ils nous battent de plus d’un but, on n’aura rien…

Indéfinissable : Vous nous payez pour obtenir un résultat positif…

Joueur 3 : Si vous voulez être francs, pourquoi ne pas nous donner le nom de votre ami, ainsi on saura, parce qu’on se souvient de ce qu’il s’est passé ici.

Padilla : Je ne vous le dit pas car cela ne vous servirait à rien et parce que je n’y suis pas autorisé. Mais c’est comme je vous ai dit. C’est une faveur pour la sélection hondurienne. Le Honduras a cinq buts d’avance sur le Canada mais le Honduras doit jouer le Mexique. Si le Mexique bat le Honduras 3-0 et que vous prenez 3-0, le Canada sera qualifié. C’est clair ? C’est pour cela qu’on vous fait cette offre pour que vous gagniez, faisiez match nul ou perdiez que 1-0, parce qu’on pense qu’ils peuvent prendre un 3-0 au Mexique. Mais cette offre ne vient pas de la fédération hondurienne.

Joueur 4 : Et vous ne pouvez pas nous donner le nom ?

Padilla : A quoi cela vous servirait-il ?

Joueur 4 : Pour savoir qui c’est.

Padilla : Notez mon nom.

Joueur 2 : Ce qu’il se passe et je crois que c’est pour cela que la plupart d’entre nous panique, c’est qu’on sait ce qu’il s’est déjà passé et personne ne veut...

Padilla : Attendez ! Il y a match truqué quand on te paye pour perdre, mais il n’est pas question de cela ici.

Joueur 4 : Mais vous dites que si on perd 1-0, on sera payés.

Padilla : Cela je vous l’ai expliqué. C’est une histoire de but. Ils pensent que si vous perdez 1-0 et que le Honduras perd 3-0, le Honduras sera qualifié.

Joueur 2 : Mais pourquoi ce n’est pas pareil pour tout le monde ? Pourquoi ceux qui ne jouent pas n’auront pas la même somme ?

Padilla : Ecoutez, cette offre n’est pas de moi. Si vous voulez vous faire de l’argent, acceptez, si vous ne voulez pas, aucun problème. Je suis venu vous parler pour voir si cela vous intéresserait, j’étais persuadé que vous seriez intéressés par l’argent, dans ce monde, il n’y a personne qui n’est pas intéressé par l’argent. Mais si vous n’en voulez pas, aucun problème, ce que je fais est légal.

Joueur : Comme je lui ai dit, nous pensons à gagner.

Padilla : A quelqu’un qui parie, tu lui dis ce qu’il veut entendre, comme je l’ai dit « vous devez perdre tous les deux », mais il n’est pas question de paris ici, il n’y a rien de rien.

Joueur 2 : C’est une faveur pour le Honduras

Padilla : Il le fait pour la sélection. Le gars est millionnaire, ne pensez pas qu’il fait cela pour gagner 10 pesos, il a de l’argent.

Joueur 1 : Ici, tout le monde parle

Joueur : Pour moi c’est non.

Padilla : Si vous ne le voulez pas, on ne le fait pas.

Joueur 4 : Dites à votre amis qu’il soit tranquille, que nous voulons terminer avec les honneurs, que nous ne pensons qu’à gagner et que, malheureusement hier (NDLR : vendredi face au Mexique), nous n’y sommes pas parvenu. Mais on va jouer comme si nous jouions une qualification.

Padilla : OK. Mais j’ai une question : pourquoi ne voulez-vous pas de cet argent ?

Joueur : Parce que quelqu’un pourrait mal l’interpréter.

Padilla : Quel est le numéro du président de Santa Tecla ? On pourrait l’appeler…

Joueur : Ce n’est pas nécessaire, cela ne changera pas notre volonté.

Padilla : Ce n’est pas pour cela, c’est pour vous montrer que ce n’est pas illégal.

Joueur 2 : Ce n’est pas que nous nous méfions, mais chacun dit ce qu’il veut. Nous n’envisageons pas de perdre.

Padilla : Vous devez toujours garder en tête de jouer avec dignité, pour l’amour des couleurs, mais si on vous offre quelque chose en plus, où est le mal ?

Joueur : Je ne sais pas ce que vous déciderez mais personnellement ce ne sont pas 2 500 pesos qui vont me rendre plus riche ou plus pauvre. Si je pense que c’est quelque chose…

Padilla : Vous savez où était Montes quand je l’ai emmené à Alianza ? Il était en prison et l’en ai fait sortir. Quand vous le verrez, dit lui ce que je vous ai dit. Personne ne peut m’accuser de rien.

Joueur 2 : On vous remercie du temps que vous avez pris pour venir nous faire votre offre mais personne ici ne l’acceptera. Dites à votre ami de ne pas s’inquiéter, qu’on fera notre possible pour gagner.

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C’est donc cet enregistrement que les joueurs salvadoriens ont choisi de rendre public, prouvant non seulement leur courage mais affichant surtout une volonté de transparence. Comme l’a ainsi déclaré Nelson Bonilla : « Par la diffusion de cet enregistrement, nous voulons affirmer clairement que nous sommes opposés à ce genre de comportements. Nous voulons être transparents envers notre public au sujet de tout ce qui se passe au sein de la sélection nationale et ainsi nous dissocier de toute mauvaise impression que cet évènement pourrait laisser planer. » Interrogé par Fox Sports, Padilla a reconnu les faits, ajoutant même avoir formulé une offre similaire pour que le match opposant le Salvador au Mexique.

En 2013, plusieurs joueurs de la sélection salvadorienne avaient été impliqués dans un vaste scandale de matchs truqués, quatorze internationaux ont été bannis à vie (Luis Anaya, Osael Romero, Ramón Sánchez, Christian Castillo, Miguel Granadino, Miguel Montes, Dagoberto Portillo, Dennis Alas, Darwin Bonilla, Ramón Flores, Alfredo Pacheco, Mardoqueo Henríquez, Marvin González et Reynaldo Hernández). Aujourd’hui, les joueurs semblent bien décidés à prendre leur destin en main.

 

Photo : MARVIN RECINOS/AFP/Getty Images

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.