Dans une finale haletante et indécise de la première à la dernière seconde, Atlas a décroché son deuxième titre de champion du Mexique face à León, soixante-dix ans après celui glané en 1951. Les héros de ce 12 décembre entrent forcément dans l’histoire du club.

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À quoi tient un titre de champion national ? À un but inscrit à la limite du hors-jeu ? À un tir au but arrêté, un autre sur le poteau, à un pénalty généreux en quarts de finale, un autre oublié en demi ? Hier, au Jalisco, le tournoi Grita México 2021 s’est joué à un fil sur lequel la chance et peut-être aussi la Vierge de Guadalupe - que les Mexicains vénèrent tous les 12 décembre - ont marché comme des funambules, jouant avec le cœur de supporters de l’Atlas qui, pour la grande majorité, n’étaient même pas nés lors du dernier titre de leur club en 1951 ; l’Atlas, c’est soixante-dix ans de passion douloureuse et de souffrance amoureuse.

Hier, Guadalajara était la capitale du Mexique ; dès l’aube, à l’annonce de la mort de Vicente Fernandez, quatre-vingt-un ans, légende mariachi de la musique ranchera et originaire de Guadalajara, mais aussi jusqu’au bout de la nuit, lorsque Julio Cesar Furch a transformé son tir au but victorieux. (3-2 ; 0-1 : 4-3 t.a.b). À l’heure où ces lignes sont publiées, les derniers fêtards doivent être en train de quitter la place des Enfants héros, à Guadalajara.

Du spectacle et du suspense

De la première seconde du match aller jusqu’au tir au but de Furch, cette finale de Liga MX fût indécise, offrant son lot de golazos et de polémiques, car le destin aime à rappeler que rien n’est prévisible ni vraiment transparent au Mexique, sur la pelouse comme dans la vie. Lors du premier acte, jeudi, au Nou Camp de León, Atlas avait mené par deux fois grâce à des belles frappes de Luis Reyes et Furch, mais avait finalement perdu face à plus fort : un doublé d’Ángel Mena, l’un des meilleurs attaquants du championnat, et un missile en lucarne de Victor Dávila depuis l’extérieur de la surface, avaient permis à la Fiera de virer en tête (3-2). Pourtant, l’Atlas donnait la sensation de pouvoir renverser la tendance dans son mythique stade Jalisco et son public abstinent depuis soixante-dix ans, presque redevenu puceau.

Hier soir pour le match retour, des hommages en chanson à Vicente Fernández garnissaient déjà les travées du Jalisco avant le coup d’envoi. Très vite, l’Atlas a attaqué au contraire de León, qui a décidé de jouer contre-nature alors qu’un but lui ouvrait les portes du paradis. Les Rojinegros ont longtemps buté sur le poteau ou sur Cota, qui a finalement craqué sur une déviation de la tête d’Aldo Rocha, stakhanoviste du milieu de terrain (55’, 1-0). Un but hors-jeu ? La vidéo nous donnait à penser que oui ; mais de toute façon, le football était avec l’Atlas et les décisions arbitrales aussi, et ce depuis les quarts de finale. Une série que l’on attribuera moins au corps arbitral qu’à la providence d’une année 2021 folle qui aura aussi vue la malédiction de vingt-quatre ans de Cruz Azul se briser en mai dernier.

Avec ce score de parité, c’est la prolongation qui draguait les deux équipes, des minutes qui n’ont pas servi au spectacle, puisque les crampes ont été plus nombreuses que les occasions. L’Atlas aurait pu marquer si avant le raté d’Edgar Zaldivar dans le but vide, la frappe de Bryan Garnica était rentrée au lieu de taper la barre puis le sol. León, réduit à dix, n’a que trop peu approché la zone de vérité et seuls les contres de de Mena auront donné des frissons à un stade Jalisco qui s’est longtemps épuisé à soutenir son équipe. Tension d’une finale, ce sont des joueurs expérimentés qui ont raté leur tir au but : Aldo Rocha, capitaine de l’Atlas mais surtout les vétérans Fernando Navarro et Luis Montes, trois fois champions avec León. Furch, qui avait déjà marqué lors d’une finale en 2018, n’a pas manqué de froideur au moment de délivrer le peuple rojinegro.

Soixante-dix ans de moqueries, de souffrance et d’humiliation

Le stade Jalisco s’est enivré même si la bière avait déjà coulé à flot. Dans les tribunes, des supporters sont venus avec des portraits de défunts qui n’avaient jamais vu l’Atlas devenir champion ; il y avait aussi des adolescents qui n’ont attendu que dix ans, contre soixante-dix pour leurs grands-parents ; dans une armoire bien gardée, les heures d’une bouteille de whisky qui attendaient d’être ouverte depuis soixante-sept ans, fruit d’un pari, étaient comptées. Car l’Atlas est devenu au fil des ans sujet de railleries pour les autres clubs mexicains, un club considéré comme historique et passionné, mais au palmarès bien poussiéreux. Lors de la communion, Anderson Santamaria pouvait brandir une statuette de la Vierge Guadalupe plus haut que le trophée de Liga MX, et le titre phare de Vicente Fernández pouvait résonner dans les enceintes du Jalisco : « ¡Volver, volver, volver ! » (Reviens, reviens, reviens !) Oui, le titre de champion du Mexique est bien de retour pour l’Atlas Guadalajara.

Photos : 2021 Getty Images

Diego-Tonatiuh Calmard
Diego-Tonatiuh Calmard
Etudiant journaliste franco-mexicain.Je ne suis qu’un mendiant de bon football (Eduardo Galeano).