Ce jeudi, la Colombie accueille la trentième édition du Sudamericano U20. L’heure est donc venue de présenter toutes les sélections.
Le 7 novembre 1953, la Fédération Vénézuélienne de Football (FVF) propose l’organisation d’un tournoi opposant les jeunes des nations du continent, idée validée lors de la Conferencia Interamericana de Cancilleres qui se déroule à Caracas. Le Sudamericano vient de voir le jour, à l’exception de l’Argentine, les autres Sud-americains sont présents à la première édition. Les matchs, qui se disputent à l’Estadio Olimpico de la UCV, sont alors tous radiodiffusés. L’histoire retient que l’Uruguay marque le premier but de la compétition dès la première minute de jeu face à la Colombie, que la Celeste, dernière championne du monde chez les A, remporte le premier Sudamericano chez les jeunes. La graine est plantée. À la différence de la Copa América des grands, la compétition se perpétue sans interruption au fil des années, sa cadence pouvant parfois s’accélérer avant de se stabiliser au rythme d’une fois tous les deux ans. L’édition 2019 avait été remportée par l’Équateur, l’édition 2021, repoussée par la pandémie, se pose enfin cette année en Colombie avec toujours comme plaie la recrudescence de joueurs évoluant désormais dans des clubs qui ne veulent plus les libérer, l’épreuve étant hors calendrier FIFA, plombant ainsi le travail des sélections pour le présent mais aussi – et c’est bien plus grave – pour l’avenir puisque ces absences empêchent tout travail sur la durée. Les clubs des pays concernés par la fuite des talents sont évidemment responsables de ces situations, ne reste plus qu’aux fédérations internationales d’agir pour protéger le football des sélections. Alors si pour les suiveurs ces absences sont autant de talents qu’ils ne pourront pas suivre, place tout de même à une trentième édition qui s’annonce des plus ouverte. Présentation équipe par équipe.
Revivez l’édition 2019
Groupe A : Colombie, Argentine, Brésil, Paraguay, Pérou
Colombie : le grand rendez-vous
Par Pierre Gerbeaud
Après 2019, la Colombie vise une deuxième qualification consécutive pour le Mondial U20. Pour remplir cette mission Hector Cárdenas, qui sera sur le banc pour toute la compétition, a décidé de s’appuyer sur une bonne partie de son groupe qui a terminé quatrième du dernier tournoi Maurice Revello et qui a aussi obtenu la médaille de bronze aux Juegos Odesur. Un groupe où il manque un nom qui a fait beaucoup parler, Tomás Ángel, le meilleur buteur en sélection de cette génération (en comptant les tournois et les amicaux). Interrogé en conférence de presse, le sélectionneur a justifié cette décision par un « manque de continuité » dans son club. Il ne serait cependant pas arrivé dans la peau d’un titulaire puisque la surprise de cette liste est la présence de Jhon Jáder Dúran. Le nouvel attaquant d’Aston Villa, qui a déjà été appelé chez les A, était censé être l’homme fort de l’attaque. Censé seulement puisque en raison de son transfert et du fait que le Sudamericano ne soit pas une date FIFA, les clubs n’ont pas l’obligation de libérer les joueurs, ce qu’Aston Villa ne semble donc pas vouloir faire. Vu le calendrier très concentré, la sélection a déjà laissé entendre qu’il pourrait ne pas revenir en raison des obligations administratives liées à son transfert.
Pour le reste logiquement Hector Cárdenas a décidé de s’appuyer sur une bonne partie de son groupe de l’année dernière. Gardien remplaçant Luis Marquinez pourrait cette fois être le titulaire du poste. Entré pour la séance de tirs au but en demies, il avait aussi joué le match pour la troisième place contre le Mexique. Le gardien de l’Atlético Nacional a joué deux match (plus une entrée en jeu à dix minutes de la fin) lors du dernier semestre. À noter que celui qui devrait être numéro deux, Cristian Santander compte lui une vingtaine de match à Barranquilla F.C, club de deuxième division. Même chose pour la défense où ceux qui ont suivi les matchs dans le sud de la France ne devraient pas voir de nouvelles têtes. On retrouvera notamment Juan José Mina, le frère de Yerry, à droite ou son remplaçant Edier Ocampo qui a fait une bonne année 2022 avec le club de Fortaleza où il était prêté par l’Atlético Nacional. Dans l’axe la charnière devrait être complémentaire avec Kevin Mantilla qui s’est imposé du côté de Santa Fe, assez à l’aise avec ses pieds, et Daniel Podrozo qui l’est moins mais avec plus d’agressivité au marquage. Au milieu le nouveau venu est Johan Torres. À dix-huit ans il a déjà dépassé les 1000 minutes avec Santa Fe et il a une ressemblance physique (et dans le jeu, toutes proportions gardées) avec Ngolo Kanté. Pour le reste Jhon Vélez, qui évoluera à Junior, et le capitaine Gustavo Puerta devraient l’accompagner dans le onze de départ. Enfin devant on retrouvera aussi des joueurs qui ont déjà un bagage en pro comme Alexis Castillo Manyoma, Daniel Luna, Óscar Cortés ou Miguel Monsalve. Si Luna et Cortés sont plutôt des joueurs de couloir, Monsalve et Castillo Manyoma sont plus à l’aise dans l’axe et donc difficile de dire si la Colombie jouera en 4/3/3 ou en 4/2/3/1. En pointe comme Durán ne sera pas là, le profil similaire (même s’il a des airs de Duván Zapata également) est Jorge Cabezas qui pourrait occuper le poste. Déjà acheté par Watford, il évoluera au DIM pour le premier semestre, et avait été plutôt convaincant en juin dernier en France. Parmi les joueurs qui évoluent en Europe, on retrouve Isaac Zuleta qui évolue en Espagne à Getafe, Juan David Fuentes qui fait partie des équipes de jeunes du Barça et le troisième gardien Alexei Rojas qui joue à Arsenal. De la délégation « étrangère », on peut aussi ajouter Fernando Álvarez qui a joué pour le Mexique dans les catégories de jeunes et qui est sous contrat avec Pachuca (sans avoir débuté en pro) et Juan Castilla qui a connu ses premières minutes en MLS avec Houston.
Argentine : Croire en sa bonne étoile
Par Nicolas de la Rua
C’est dans l'ivresse de son récent triomphe en Coupe du Monde que l’Argentine se lance dans ce Sudamericano U20, avec l’ambition de faire aussi bien que leurs glorieux aînés. Il faut dire que ce sacre a mis plein d’étoiles (trois) dans les yeux des amoureux de l’Albiceleste où qu’ils se trouvent (même en France). Il faut dire aussi qu’il en faut peu pour qu’un Argentin s’imagine être plus beau qu’il ne l’est réellement, une question un égo pervers. Alors même si la bande à Julián Álvarez et Thiago Almada est partis chez les A depuis cette seconde place chilienne et cet échec au Mondial 2019 en Pologne (élimination aux tirs au but par le Mali en huitièmes de finale), le cru 2023 a de quoi générer de la confiance. Exit Checho Batista, place à Javier Mascherano sur le banc des pibes qui rêvent de l’or colombien et qui, comme Scaloni, peut compter sur des joueurs qui mettent la notion de groupe en avant.
Si la liste des joueurs a fière allure, on notera tout de même les absences de ses EuroPibes non libérés par leur club : Alejandro Garnacho (Manchester United), Matias Soulé (Juventus), Lukas Romero (Lazio) ou Mateo Tanlongo (Sporting Portugal). Seuls Nico Páz (Real Madrid) et Facundo Buonanotte (Brighton) peuvent traverser l’Atlantique et former un milieu de terrain impressionnant (en espérant ne pas voir un « Menoscherano ») avec Maxi Perrone, leader de Vélez comme de la sélection et qui aimerait remporter un titre avant de signer son contrat à Manchester City. Le onze type pour débuter la compétition face au Paraguay devrait voir celui qui a servi de sparring partner au Qatar, Federico Gomez Gerth (Tigre) débuter dans le but et bien protégé par le duo en défense central, Lautaro Di Lollo (Boca Juniors) et surtout Valentín Gómez (Vélez). Les couloirs devraient être réservés à Agustín Giay (San Lorenzo) et à Julián Aude (Lanús), le milieu au trident Máximo Perrone (Vélez) en cinco et associé à Nicolás Paz (Real Madrid) et Facundo Buonanotte (Brighton) qui ne cesseront d’alimenter le trio offensif Braian Aguirre (Newell’s Old Boys), Julián Fernández (Vélez) et Ignacio Maestro Puch (Atlético Tucumán).
Un mélange de pépites qui n’aspirent qu’à jouer et des joueurs déjà importants dans le championnat argentin, tel est le cocktail concocté par Mascherano qui peut logiquement espérer finir dans les quatre premiers et rejoindre l’Indonésie en mai prochain et pourquoi pas s’imposer si le voisin auriverde lui en laisse la possibilité et ainsi décrocher un sixième titre dans cette compétition et rejoindre l’éternel rival en tête du classement au nombre de médailles (vingt-et-une pour le Brésil). Reste cependant à savoir si cette Argentine, si excitante sur le papier, saura proposer autre chose que celle qui s’est présentée au Tournoi Revello pour les débuts du Jefecito à sa tête et qui arrivait également avec un groupe impressionnant mais sans réelle idée de jeu, la volée reçue face au Bleuets restant dans les mémoires. Si le contenu s’avérait similaire, croire en son étoile pourrait ne pas suffire.
Brésil : de la qualité malgré les absences
Par Marcelin Chamoin
N’en finissant pas d’abreuver les différents clubs européens qui ne cessent désormais de venir récupérer des moins de vingt ans à des tarifs souvent démesurés, le Brésil a longtemps été habitué à briller lors des Sudamericanos. Avec onze titre et vingt-et-un podium, il domine totalement le palmarès historique. Pourtant, ces dernières années – et le pillage excessif européen n’y est sans doute pas étranger – les jeunes auriverdes sont à la peine. Après trois titres consécutifs entre 2007 et 2011, le Brésil est absent du top quatre lors de trois des quatre derniers tournois, ayant de fait manqué la Coupe du Monde de la catégorie alors que la sélection a disputé trois finales lors de ses trois dernières participations (2009, 2011 et 2015).
Cinquième du dernier Sudamericano U20 en 2019, le Brésil devra donc faire mieux cette année avec une génération très prometteuse. La liste annoncée par Ramon Menezes (aucun lien avec Mano Menezes) en décembre a été amputée de quelques-uns de ses meilleurs éléments : le tournoi ne se déroulant pas lors d’une date FIFA, les clubs ne sont par conséquent pas obligés de libérer leurs joueurs. Conséquence, Palmeiras, São Paulo, Santos, Flamengo et Fluminense ont au final refusé de libérer un total de huit joueurs, notamment la pépite de Palmeiras, Endrick, déjà recruté par le Real Madrid, mais aussi Ângelo et Marcos Leonardo, notre révélation du Brasileirão 2022 du côté de Santos ou encore les flamenguistas Victor Hugo et Matheus França. Malgré ces absences, le Brésil présente un groupe de qualité et le tournoi sera notamment l’occasion d’observer le défenseur central Robert Renan, passé récemment du Corinthians au Zenit. Patryck et Arthur devraient être les latéraux titulaires alors que la bonne nouvelle se situe au milieu de terrain, où Andrey Santos a été libéré par son nouveau club de Chelsea et devrait former un duo intéressant avec son ancien coéquipier du Vasco, Marlon Gomes. Mais c’est surtout en attaque que le Brésil impressionne une nouvelle fois, avec notamment le duo du Corinthians, Pedrinho et Giovane, ainsi que Savinho, joueur du PSV Eindhoven et une pépite de Palmeiras, le gaucher Luís Guilherme, qui fêtera ses dix-sept ans lors du tournoi en Colombie. La star du groupe brésilien est l’attaquant Vitor Roque, qui a brillé l’an dernier avec l’Athletico Paranaense, notamment en Copa Libertadores où le Furacão a atteint la finale, perdue contre Flamengo. Avec de tels joueurs, le Brésil peut espérer remporter un titre qui lui échappe depuis 2011, où l’Amarelinha emmenée par Neymar, Lucas Moura et Casemiro avait été sacrée au Pérou.
Paraguay, nouveaux espoirs
Dauphin du Brésil de Douglas Costa en 2009, dauphin de la Colombie de JuanFer Quintero en 2013, le Paraguay cherche depuis son renouveau. Dernière de l’Hexagonal final en 2015, sortie dès le premier tour en 2017 et en 2019, l’Albirroja veut pourtant croire en ses chances en 2023 et a fixé comme objectif une qualification pour le Mondial de la catégorie. Sur le papier et compte tenu du groupe proposé aux Guaraníes, le pari parait totalement fou. Mais il s’appuie sur de nouvelles certitudes acquises durant les près des deux mois de préparation mais surtout lors des Juegos Odesur au cours desquels la sélection a brillé, décrochant la médaille d’or en s’imposant en finale face à l’Équateur.
« De grandes expectatives » pour Aldo Bobadilla à l’heure d’ouvrir la campagne colombienne. Le sélectionneur de l’Albirroja doit se passer de la pépite la plus médiatique, Julio Enciso, parti perdre son temps du côté de la Premier League et privé de Sudamericano par son club. Il peut cependant compter sur plusieurs joueurs clés qu’il faudra suivre avec attention. Ce sera le cas dans les buts, avec celui qui est appelé à être le futur gardien titulaire de Libertad – si tant est qu’il reste suffisamment longtemps au pays – et qui est déjà passé par les U18 de Porto, Ángel González. Au milieu, on attend beaucoup du duo Diego Gómez, probablement le joueur clé de la sélection et qui a refusé une offre venue de Palmeiras pour rester à Libertad en 2023, – Sebastián Quintana, le gaucher qui a déjà commencé à marquer son territoire en Primera avec Olimpia. Devant, un trio parfaitement complémentaire avec deux dynamiteurs Matías Segovia et Leonardo Rolón ainsi qu’un avant-centre déjà létal – six buts en cinq matchs lors des Juegos Odesur – redoutable dans son jeu dos au but et sa capacité à lire les offensives, Allan Wlk. Ajoutez à ceux-là des talents comme les « étrangers » Diego González (qui évolue à Celaya au Mexique), Ariel Gamarra (d’Argentinos Juniors) et Kevin Pereira (de Talleres) et cette formation pourrait bien venir bousculer une hiérarchie définie sur le papier, malgré un groupe de la mort qui s’annonce sans pitié.
Pérou : la reconstruction
Par Romain Lambert
L’année 2022 a été un véritable cauchemar footballistique pour l'équipe nationale du Pérou. La non qualification au Mondial qatari face à l’ogre australien suivi du départ du sélectionneur Ricardo Gareca en poste depuis sept ans a bouleversé une Blanquirroja pourtant bien lancée dans une bonne dynamique. Ce fiasco a toutefois poussé l’opinion publique à se tourner vers le prochain Mondial de 2026 et donc vers ses jeunes. L’équipe bâtie par Ricardo Gareca sera vieillissante dans quatre ans et plusieurs cadres comme Jefferson Farfán ou Paolo Guerrero auront raccroché les crampons. Cette nouvelle année 2023 débute d’entrée avec ce tournoi international de jeunes et sera donc une aubaine pour ce Pérou en quête de reconstruction.
En premier lieu, la Fédération a donné les clés de la sélection Sub20 à José Guillermo del Solar, un homme qui connaît bien la maison avec ses soixante-quatorze sélections dans les années 1980-90 avant de devenir entraîneur. Chemo a également dirigé la sélection péruvienne entre 2007 et 2010 notamment pendant la campagne de qualification à la Coupe du Monde 2010 que le Pérou a terminé à la dixième et dernière place. Après avoir dirigé différents clubs au pays dont le dernier en date l’Universidad César Vallejo, un challenge de taille se présente pour Chemo del Solar : celui de trouver et former la prochaine génération dorée du Pérou. Il y a évidemment quelques joueurs intéressants que l’on pourrait qualifier de pépites brutes qui restent encore à polir : Sebastian Amasifuen formé à l’Alianza Lima s’annonce le comme le futur gardien des cages blanquiazules mais aussi de la Blanquirroja. En défense centrale nous retrouvons le joueur le plus expérimenté de la bande en termes d'apparition en première division, Aaron Sánchez de l’Academia Cantolao. À ses côtés, on suivra Alex Custodio qui nous vient tout droit du Venezuela puisque formé au Zulia FC. L’arrière droit possède la double nationalité et est également suivi par la Vinotinto, sa présence avec le Pérou pour ce Sudamericano sera peut-être déterminante dans son futur choix. Toujours en défense mais sur le côté droit, Kluiverth Aguilar est sans doute le joueur dont nous avons le plus d’attente. Formé aux Regatas de Lima et après un passage chez les jeunes du Sporting Cristal, c’est à l’Alianza Lima qu’il signe son premier contrat professionnel et qu’il explose vraiment jusqu’à attirer les regards du City Group en 2019 qui signe le joueur pour deux millions et demi d’euros, une somme énorme pour le club, afin de le faire jouer dans l’un de ses clubs, le Lommel SK en Belgique. Au milieu, un autre binational du nom de Catriel Cabellos attirera les regards. Cet Argentin formé depuis ses sept ans à Racing dont il est toujours l’un des protagonistes chez les jeunes, a la nationalité péruvienne par son père et a choisi de représenter la Blanquirroja. Il est l’une des grandes promesses de la sélection péruvienne. Enfin en attaque, encore un binational, disputé cette fois-ci par le Pérou et le Chili. Sébastien Pineau a également un passeport français de par son père mais il semblerait que l’attaquant formé à l’Alianza Lima ait choisi le Pérou même s’il a déjà participé à des micro-cycle avec la Sub20 du Chili. Pour clore ce rapide tour des promesses péruviennes, un dernier joueur à suivre puisqu’il a survolé toutes les catégories de jeunes à l’Alianza Lima : l’attaquant Juan Pablo Goicochea qui vient tout juste de fêter ses dix-huit ans en étant promu en équipe première pour la saison 2023. L’objectif principal de tous ces joueurs est de faire partie sur le long terme à la nouvelle génération dorée de la sélection péruvienne, celle qui devra faire aussi bien que la fabuleuse équipe qui avait participé au Mondial de 2018.
Groupe B : Équateur, Uruguay, Venezuela, Chili, Bolivie
Équateur : défendre la couronne
Qui a oublié les chevauchées de Plata, les combinaisons du duo Rezabala – Alvarado, la finition de Campana et la puissance des Porozo et Cifuentes ? En 2019, la mini-Tri avait démontré ce que les clubs locaux commençaient déjà à suggérer : que le football équatorien se rapprochait de plus en plus d’être la troisième puissance footballistique du continent. Une mini-Tri victorieuse au Chili deux ans après avoir pris la deuxième place lors de l’édition qu’elle accueillait alors que jusqu’ici, elle naviguait le plus fréquemment aux alentours de la sixième-septième place du tournoi. Puis, le parcours de la sélection d’Alfaro à la Coupe du Monde 2022, avec dans ses rangs quelques-uns des héros de 2019 victorieux au Sudamericano, troisièmes des Mondiaux en Pologne, l’a affirmé davantage aux yeux du monde. C’est dire si l’héritage confié à Jimmy Bran est lourd au moment d’aborder le Sudamericano colombien, celui de la défense de titre et des objectifs élevés. « Nous sommes conscients du niveau atteint par le football équatorien ces dernières années, ainsi, notre objectif est d’égaler ce qui a été fait et nous qualifier à notre Mondial » a ainsi déclaré Orlando Herrera.
Pour marcher dans les pas des glorieux prédécesseurs, la mini-Tri doit évidemment faire face à quelques absences notables : Anthony Valencia (Antwerp), Nilson Angulo (Anderlecht), Joel Ordóñez (Club de Bruges) n’ont pas été autorisés par leurs clubs à faire le voyage, Bran se passant ensuite de Diego Almeida Crespo (Barcelone), Maiky de la Cruz (Reims) alors que le nouveau diamant d’Independiente del Valle, Kendry Páez, quinze ans, a été laissé auprès de son club qui souhaite lui faire prendre part à la présaison du groupe pro. Reste que du côté des présents, le groupe équatorien, association de « vitesse et de puissance » selon les dires d’Herrera, déborde de qualités. Bran souhaite que son équipe « soit compacte, unie entre chaque ligne, contrôle le match et soit suffisamment agressive à la récupération », il peut s’appuyer sur des talents à chaque ligne. On suivra avec attention le nouveau renfort d’Emelec, Gilmar Napa, dans les buts, le formidable duo de la LDU au milieu Óscar Zambrano et Sebastián González, déjà fortement convoité à l’étranger, et les deux déjà partis, Patrickson Delgado (aujourd’hui à l’Ajax) et Juan Sánchez (aujourd’hui au Sporting Cristal), le premier étant appelé à être le facteur X de cette sélection. On suivra également avec attention Alan Minda, attaquant d’Independiente del Valle avec qui il a déjà disputé une trentaine de matchs et décroché trois titres, dont la Sudamericana 2022. Les habitués noteront ainsi que huit joueurs évoluent encore à Independiente del Valle, auxquels il convient d’ajouter les deux « étrangers » formés au club negriazul, sept venant de la LDU. On notera également l’absence de joueurs en provenance de Barcelona, ce qui a suscité quelques débats au pays. Reste que cet Équateur est un sérieux prétendant aux places de mondialiste et même à sa succession.
Uruguay : objectif Coupe du Monde
Par Jérôme Lecigne
L’Uruguay a définitivement refermé la page Fabián Coito, l’ancien entraîneur de la sélection U20 étant parti juste avant la pandémie entraîner le Honduras (même s’il est depuis revenu en Uruguay entraîner le Deportivo Maldonado). Depuis 2022, l’entraîneur de la sélection U20 s’appelle Marcelo Broli et c’est un choix logique, Broli ayant remporté la Copa Libertadores de la catégorie en 2022 avec Peñarol. L’ancien milieu de terrain est assisté d’un autre milieu de terrain connu, Diego le Ruso Pérez. Logiquement, Broli a fait appel à de nombreux joueurs de Peñarol mais pas que. Dans la catégorie des joueurs évoluant déjà en Europe se trouvent deux joueurs dont le madrilène Álvaro Rodríguez, qui n’est pas né en Uruguay mais qui est le fils de l’ancien international Daniel Coquito Rodríguez. Il vient de débuter en match de coupe avec le Real et il n’était dans l’absolu pas obligé de participer à cette compétition d’une autre confédération mais a déclaré « je suis là parce que je le souhaite. Mon cœur bat pour l’Uruguay et je n’ai jamais eu de doute ». Il n’est pas le seul puisqu’il est accompagné de Facundo González, défenseur évoluant avec la réserve de Valence mais s’entraînant régulièrement avec l’équipe première sous les ordres de Gattuso et ayant quitté l’Uruguay avec sa famille à l’âge de quatre ans. C’était il y a longtemps, puisque le gaucher mesure aujourd’hui un mètre quatre-vingt-treize. Ces deux cas « à part » montrent qu’aucun joueur n’a été transféré en Europe à l’arrivée des dix-huit ans comme cela avait pu être le cas avec les précédentes sélections (Schiappacasse, Araújo…), hormis Alan Matturro, défenseur central évoluant au Genoa après son transfert depuis le Defensor, qui n’a pas reçu l’autorisation de participer. L’absence de légions jouant en Europe est plutôt une bonne nouvelle, dont il faut espérer qu’elle ne soit pas que l’effet des suites de la pandémie mais un mouvement de fond.
Il existe quelques joueurs ayant une très solide expérience de la première division dans la sélection dont le capitaine, Fabricio Díaz, incontournable du milieu de Liverpool depuis déjà trois ans (il a déjà plus de cent matchs de première division à dix-neuf ans !), ayant déjà glané plusieurs titres et ayant déjà été capitaine en club. Il sera à coup sûr titulaire au milieu de terrain. Ignacio Sosa, également au milieu de terrain, joue depuis au moins deux saisons avec Fénix au point d’être élu meilleur espoir du championnat. En attaque, Luciano Rodríguez s’est fait un nom avec Progreso avant la descente puis en deuxième division et vient d’être acheté par Liverpool. Il se battra sans doute pour un poste avec son frère jumeau, Emiliano Rodríguez, attaquant aux nombreux matchs avec Boston River. Nicolas Siri a marqué un triplé avec Danubio il y a de cela deux ans, ce qui lui a valu d’être acheté par Torque, club avec lequel il n’a pas montré de grands faits d’arme, étant souvent remplaçant. L’attaque et le milieu sont donc composés de joueurs ayant déjà une grande expérience en première division. Par contre, en défense, le onze sera principalement composé de jeunes de Peñarol et Nacional n’ayant pour le coup que l’expérience des compétitions U20. La cage devrait être occupé par Randall Rodríguez, gardien de Peñarol n’ayant pas encore joué en A, mais ayant gagné la Libertadores de la catégorie. Devant lui, on devrait retrouver des joueurs comme Mathias De Ritis (Peñarol) sur le côté gauche, Mateo Ponte de Danubio sur le côté droit, Facundo González dans l’axe avec soit le joueur de Defensor Sebastian Boselli ou Mateo Antoni de Nacional. En défense, le central Ignacio Rodríguez, titulaire avec Liverpool en championnat depuis cette saison, a dû laisser sa place pour cause de blessure. Avec l’absence de Matturro, cela crée un secteur « fragile » pour l’Uruguay : la défense centrale. La Celeste a comme objectif de faire aussi bien que lors des sept dernières éditions : terminer sur le podium et se qualifier pour la Coupe du Monde de la catégorie et pour les jeux panaméricains. Après une série d’amicaux, Broli a déclaré « nous allons certainement faire tourner. Ce qui est important est le modèle et la forme de jeu, et nous avons pu développer cela avec tous les joueurs. A priori, l’Argentine, le Brésil, l’Équateur qui est le champion en titre et la Colombie à domicile sont nos rivaux, mais dans le football rien n’est écrit d’avance ».
Venezuela : poursuivre la dynamique
Qui peut avoir oublié le choc que fut le Venezuela U20 en 2017. Après avoir brillé lors du Sudamericano, la génération des Fariñez, Soteldo, Herrera et autre Córdova avait retourné le monde lors de sa première Coupe du Monde de la catégorie disputée huit ans après sa première. Finaliste mondial, la jeune Vinotinto avait terrassé des géants tels que l’Allemagne, le Mexique et l’Uruguay avant de buter sur l’Angleterre en finale. Cette génération exceptionnelle n’était pas une génération spontanée, 2019 l’ayant confirmé avec un Hexagonal final plombé par la fatigue après une première phase parfaitement gérée (groupe remporté devant le Brésil et la Colombie) et une belle victoire face au Brésil lors du tour final, avant qu’une partie de la nouvelle génération, encadrée par quelques « anciens » nés en 2001-2002 brille au Tournoi Maurice Revello l’an passé, s’inclinant en finale face à la France. Beaucoup d’entre eux, nés donc avant le 1er janvier 2003, ne seront du déplacement en Colombie, on pense notamment à Andrés Ferro, récipiendaire du prix Lucarne Opposée lors du tournoi, mais aussi à des joueurs tels que Matías Lacava et Daniel Pérez (même s’il existe une forte probabilité que leur club européen ne les aurait pas libéré). Le Venezuela est donc toujours la preuve que le talent éclot dès lors qu’un véritable travail est mené chez les jeunes mené au pays, avec des clubs très impliqués dans ces projets.
De quoi nourrir des ambitions ? Fabricio Coloccini le peut. Car son Venezuela 2023 reprendre quelques talents déjà vus dans le sud de la France, comme le portier de l’Atlético de Madrid Samuel Rodríguez, le dynamiteur Yerson Chacón ou encore le meilleur joueur du tournoi, le merveilleux Telasco Segovia, qui devrait être le patron de cette jeune Vinotinto. Ajoutez à ceux-là, le milieu des Red Bulls Wikelman Carmona ou encore un diamant de seize ans nommé David Martínez (déjà près de trente matchs en pro !) qu’il faudra scruter avec une attention toute particulière, et vous obtenez une sélection qui dispose des armes suffisantes pour atteindre l’Hexagonal final, en particulier dans un tel groupe, et qui, si elle parvient à mieux gérer son énergie que la version 2019, pourrait bousculer la hiérarchie lors du tour final.
Chili : la chasse au trésor
Après un Sudamericano 2017 totalement raté et qui, avec le recul, a annoncé une fin d’année catastrophique pour le football chilien qui voyait ensuite sa Roja manquer un rendez-vous mondial, le Chili avait accueilli l’édition 2019 sans particulièrement y briller, septième au général avec une seule victoire au compteur, bien que de prestige, face au Brésil, annonçant encore une future désillusion mondiale. Quatre ans plus tard, alors que la question de l’héritage de la génération dorée ne cesse de se poser au pays, la Rojita n’a encore rien d’un prétendant, son sélectionneur, Patricio Ormazábal, en place depuis trois ans, se montrant résolument humble à l’heure d’afficher les objectifs : « le seul objectif que l’on m’a fixé est de former des joueurs pour les U23 et la sélection A. Personne n’est venu me dire que je devais me qualifier pour le Mondial. En tout cas, de manière officielle ». Pourtant, le travail est obligatoire chez les jeunes au pays, le football chilien a suivi le vaste mouvement entrepris pour promouvoir les jeunes talents en imposant du temps de jeu à ses U21 en Primera División. En 2022, les joueurs chiliens nés après le 1er janvier 2021 alignés devaient totaliser soixante pour cent du temps de jeu sous peine de sanctions qui peuvent bousculer le classement en championnat avec une menace de retrait de points. Reste donc désormais à en récolter les fruits, ce que le Chili ne parvient à faire depuis l’instauration de cette règle en 2015.
Car le Chili est aussi plombé par l’absence de véritable projet dans ses sélections de jeunes, le discours d’Ormazábal le démontrant s’il le fallait. Il est aussi plombé par des choix souvent peu compréhensibles comme ce fut le cas avec l’annonce de la liste. Si celles-ci sont souvent discutés, la version chilienne a surpris sur certains choix à commencer par ceux de se passer de joueurs qui ont participé à tout le cycle de préparation : Daniel Gutiérrez, Jordhy Thompson ou encore Bastián Roco par exemple, ce dernier ayant même été capitaine et préférant citer Bielsa pour réagir à sa mise à l’écart, les deux derniers nommés ayant participé à la tournée de préparation en Europe. D’autres noms, qui ont pris part de manière importante à la préparation ont ainsi été écartés au point que certains se demandent sur quels critères les choix du sélectionneur sont faits. Il reste tout de même des talents à suivre dans cette sélection. Certains évoluent au pays comme Joan Cruz de Colo-Colo, Vicente Conelli d’Unión Española ou Sebastián Pino de l’Universidad Católica, d’autres à l’étranger comme Vicente Reyes d’Atlanta United ou encore Tomás Avilés, la jeune promesse du Racing argentin. Difficile de voir quel chemin a été choisi par cette Rojita qui se dit qu’elle pourrait sortir d’un groupe qu’elle pense à sa portée. Reste que dans les faits, face aux nouveaux venus et à un Uruguay toujours à la pointe chez les jeunes, ces tergiversations pourraient coûter cher.
Bolivie : l’an 1 ?
Aucun point en 2015, quatre en 2017, un seul en 2019, quatre victoires décrochées depuis 1997, autant dire que le bilan de la jeune verde bolivienne n’incite jamais à de grandes espérances à l’heure d’ouvrir un nouveau Sudamericano. La période Sixto Vizuete avait été génératrice de bien des espoirs, signifiant alors un nouveau virage amorcé par une fédération qui voulait désormais véritablement s’appuyer sur sa jeunesse pour bâtir son avenir. C’est ainsi que dans cette optique, la règle du U20, qui impose quarante-cinq minutes minimum à un joueur de moins de 20 ans à chacun des clubs du championnat et qui vient compléter le quota de quatre étrangers dans le onze au maximum, allait dans le bon sens. Mais cette ère et révolue et il reste désormais à en récolter les fruits, même si 2019 était évidemment bien trop proche en termes de calendrier pour le voir et si la pandémie a également eu des conséquences au pays.
Reste que désormais, la Verde est dirigée par une légende locale, Pablo Escobar et veut se montrer ambitieuse, son sélectionneur annonçant même qu’il vise le tour final (chose qui n’est arrivée qu’à deux reprises dans l’histoire, en 1981 en Équateur et en 1983 à la maison). Si le Pájaro regrette le manque de matchs de préparation – comparant par exemple l’absence de tournois pour les siens quand l’un de ses adversaires, le Venezuela, a disputé le Tournoi Revello et les Juegos Odesur l’an passé, le Bolivie ne disputant pas ces derniers faute de joueurs libérés par les clubs locaux alors engagés dans leur championnat – il travaille auprès de ce groupe depuis fin novembre et, s’il regrette le déficit physique des siens, il semble vouloir s’appuyer sur leur qualités techniques et leur vitesse. Pour remplir ses objectifs élevés, Escobar ne peut compter sur Miguel Terceros, l’une des plus grandes promesses au pays et qui évolue déjà au Brésil malgré ses dix-huit ans, mais que Santos n’a pas voulu libérer, mais s’appuie sur sept joueurs évoluant à Bolívar, dont les défenseurs Jhon Jairo Velasco et Yomar Rocha, le milieu Juan Pablo Magallanes et l’attaquant Miguel Villarroel, qui compte déjà une belle expérience de la División Profesional, et complète avec quelques joueurs à suivre comme Bruno Poveda, portier à Wilstermann et qui a déjà fait quelques apparitions en Sudamericana, et la légion étrangère : Ervin Vaca, qui évolue à Colo-Colo, Efraín Morales d’Atlanta United, Fernando Nava de l’Atlhético Paranaense, Daniel Ribera de Talleres ou encore un joueur sur lequel l’attention se focalisera, Diego Parrado aujourd’hui au RSC Internacional en Espagne après avoir été formé au Real Madrid.