Engagée dans un sprint massif, la première division argentine voit certains de ses géants devoir bricoler, d'autres revenir, d'autre plonger. Mais surtout est animée d'une course pour le haut du classement d’une incroyable densité.

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Il y a deux écoles pour commenter un championnat à l’extrême densité : soit la concurrence est intense, soit le niveau est si faible que personne ne peut s’en dégager. Un regard sur le classement du tournoi argentin alimente bien évidemment les commentaires de chacune des deux écoles. Mais si le débat peut en passionner certains, à l’heure de suivre le championnat et ce qu’il s’y passe sur le terrain, une telle densité permet d’avoir des matchs tellement serrés que tout est possible. Et surtout, offre des profils bien différents pour décrocher des résultats.

C’est le cas des deux leaders après dix journées. D’un côté, le Talleres de Medina, qui a rapidement corrigé ses lacunes défensives pour se muer en équipe solide (deux buts encaissés sur les sept derniers matchs avec des adversaires tels que Boca, San Lorenzo ou Estudiantes), s’appuyant sur un collectif parfaitement huilé et équilibré, à l’image de son duo du milieu Juan Ignacio Méndez - Rodrigo Villagra, sans star, sans buteur véritable (neuf buteurs différents sur les quatorze buts inscrits). De l’autre, la folie offensive, l’équipe qui ne pense qu’à « marquer un but de plus que l’adversaire ». Le Granate sauce Zubeldia, son duo buteur, José Sand et José López, quinze des vingt buts inscrits (même ceux accordés à tort), et sa porosité défensive qui fait que Lanús peut même mener 3-0 à la pause, il n’est jamais à l’abri d’un retour comme ce fut le cas face à Aldosivi. Deux écoles, deux styles et donc deux séries qui permettent à ces deux formations de faire la course en tête.

Si Talleres et Lanús sont devants, ils n’ont donc cependant décroché personne. Derrière, la meute est immense, emmenée par quelques géants tels qu’Independiente, River et Racing. Des géants qui résistent, quitte parfois à bricoler comme le fait Gallardo à River, mais qui restent en embuscade quand d’autres, un peu décrochés tentent de revenir. C’est le cas de Boca qui doit gérer ses traditionnelles querelles intestines, la discipline de ses joueurs (en particulier ses Colombiens), a mis fin à l’ère Miguel Ángel Russo et s’est depuis remis à gagner (trois victoires en quatre matchs), pour pointer à six points du duo de tête, grâce à une nouvelle impulsion donnée par Sebastián Battaglia et qui passe par des gamins du club, du nouveau 9, Luis Vázquez au duo Aaron Molinas – Alan Varela, trois pibe de vingt ans, trois acteurs clés du changement total des Xeneizes à Rosario lors de l’historique victoire au Gigante de Arroyito, la première depuis quinze ans. Autre retour en fanfare, juste dans la roue de Boca, le Vélez de Mauricio Pellegrino. Un Fortín qui retrouve son équilibre, ses hommes, sa capacité à étouffer l’adversaire et totalement dominer ses rencontres. Un double pivot Cáceres – Mancuello à la distribution, le talent d’Orellano et Almada à la création auquel va désormais s’ajouter le sens du but d’une ancienne icone revenue à la maison, Lucas Pratto. Ce Vélez, leader de la table annuelle, n’est que dixième pour l’instant, mais cela pourrait ne pas durer bien longtemps.

Ce qui dure en revanche, c’est la crise que traverse San Lorenzo. Tinelli parti avec ses casseroles, le club continue de tenter de survivre, ne cessant de résilier ses contrats. Les derniers en date, les plus importants sans doute, les frères Romero. Óscar et Ángel, dont le passage au club a finalement été tout sauf un long fleuve tranquille, avaient cinq mois de salaires impayés chacun et la direction du Ciclón leur aurait demandé à partir – là encore, il existe plusieurs versions, mais le fait est qu’un accord a été trouvé. À cette crise financière, qui impose au président Horacio Arreceygor à réduire drastiquement la voilure (de toutes les équipes, pas seulement le foot), s’ajoute donc une crise institutionnelle et footballistique. Neuf entraîneurs se sont succédés en six ans, aucune réelle identité de jeu n’a émergé, la grande majorité des transferts réalisés a été un désastre (nombreux sont ceux à avoir rapidement quitté le club. Arrivé au poste de directeur sportif, Mauro Cetto se retrouve ainsi à la tête d’une sacrée galère alors que sur le terrain, la bande à Paolo Montero n’a remporté que trois de ses dix matchs et pointe aux portes du dernier tiers du championnat. Car c’est aussi cela l’Argentine, le pays où gestion à la petite semaine et petites magouilles du quotidien peuvent vous faire plonger un géant du jour au lendemain. Sans doute aussi ce qui explique l’extrême densité de son élite alors que finalement les suiveurs n’attendent qu’une chose, ce qui fait l’essence de ce football : le retour du public. Celui-ci est envisagé pour la fin de l’année, mais ne nous impatientons pas, les promesses argentines n’engagent que ceux qui les reçoivent. Demandez par exemple à Sarmiento qui aurait tant aimé que le VAR, promis pour ce tournoi mais finalement repoussé à une date ultérieure, soit implémenté ce week-end…

Les buts de la 10e journée

Classement

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Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.