À cinq journées de la fin, il ne reste que cinq places à prendre. Le trio Atlético Nacional/Tolima et Millonarios a déjà largement mérité sa qualification. Le Deportivo Cali est lui hors course, l’América va devoir cravacher.

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Comme un symbole. Dimanche dernier l’América a été balayé à l’Atanasio Girardot par l’Atlético Nacional. Si le 2-0 peut laisser penser qu’il y a eu match, jamais le club escarlata n’a existé. Alors qu’il devait (re)prendre la direction de l’équipe Alexandre Guimarães a été bloqué au Costa Rica et n’a pu prendre place sur le banc. Quoiqu’il arrive, il aura beaucoup de pain sur la planche pour espérer être champion comme en 2019. Arrivé dans un contexte difficile après un cycle Osorio qui n’aura pas porté ses fruits, tout ou presque est à reconstruire. Le contraire de son adversaire qui avec Hernán Darío Herrera s’est baladé lors de cette phase régulière. Meilleure attaque, invaincu depuis plus d’un mois, l’Atlético Nacional a digéré son élimination en phase préliminaire de la Libertadores. Le club verdolaga est redevenu une machine collective. Gio Moreno s’est parfaitement intégré et se retrouve parfois dans une position de faux numéro neuf qui lui réussit parfaitement. Daniel Mantilla est certainement la meilleure recrue et a pris la dimension qu’on attendait de lui, en tout cas au niveau national. Enfin, véritable interrogation il y a quelques semaines, Kevin Mier est devenu le numéro un intouchable et fait le travail.

Dans des styles différents, le Deportes Tolima et Millonarios sont aussi des forces collectives impressionnantes du championnat. Deuxième meilleure attaque du championnat, Tolima a paradoxalement un problème d’avant-centre. Raillé pour son incroyable raté contre l’Atlético Mineiro en Libertadores, Michael Rangel n’est pas beaucoup plus en réussite en championnat. Ses maigres quatre buts ne pèsent pas bien lourd et il est très largement critiqué. Gustavo Ramírez n’est pas beaucoup plus efficace. Ce sont donc les joueurs de couloir qui font le bonheur du club d’Ibagué. Anderson Plata, Luis Miranda ou Andrés Ibargüen sont les principales armes offensives d’un collectif rôdé. Pour le club de la capitale, même problème puisque ni Herazo, ni Valencia ne se sont montrés sous leurs meilleurs joueurs. Mais cette année, Gamero s’est trouvé une autre force, une solidité défensive remarquable. Meilleure défense bien sûr avec notamment un Álvaro Montero de retour à un niveau international, mais surtout cette équipe concède très peu d’occasions. Le carré Llinas/Vargas en défense centrale, Vásquez/Vega au milieu fonctionne à la perfection. Il y a certes eu un couac au Pascual Guerrero contre l’América (où Millos a concédé presque la moitié des buts concédés cette saison) mais qui s’est avéré être un accident de parcours.

Pas encore qualifié mais presque le DIM s’est lui trouvé un buteur, certainement le meilleur du championnat en la personne de Luciano Pons. Le Deportivo Independiente Medellín est certainement la plus grosse surprise de cette saison. Complètement à la rue l’année dernière, reine des matchs nuls et sans âme, cette équipe a tout renversé et difficile de ne pas voir le travail de Julio Comesaña. L’ancien entraineur de Junior a remis de l’ordre dans la maison. Quatrième au classement et premier de son groupe en Sudamericana après deux journées, le DIM devrait valider ce week-end son billet pour le quadrangulaire avec la réception de la lanterne rouge. En plus de Luciano Pons, Felipe Pardo et Andres Ricaurte, dans une moindre mesure, font beaucoup de bien à un effectif qui manquait certainement de taulier. Pas loin derrière, Junior souffle le chaud et le froid. Sur ses vingt-trois points, dix-neuf ont été pris à la maison. Depuis le départ et les premières défaites à l’extérieur, l’objectif est clair et a été annoncé en conférence de presse, se qualifier dans les huit. Sebastián Viera avait répondu assez sèchement à un journaliste qui l’interrogeait sur ces montagnes russes en expliquant que terminer premier ou huitième de la phase régulière donnait les mêmes chances d’être champion puisque les compteurs étaient remis à zéro. Impossible de lui donner tort. À noter qu’en s’imposant très largement contre Fluminense pour la première fois de son histoire, Junior a battu de trois buts d’écart un club brésilien et jamais sur les dix dernières années un club colombien n’avait battu aussi largement un club brésilien. Avec trois matchs sur cinq à la maison, plus un déplacement chez le dernier, Junior devrait passer sans encombre la phase régulière et sera donc attendu au tournant en quadrangulaires.

Bien au-delà de cette place et sans espoir de pouvoir conserver son titre, le Deportivo Cali a vécu un semestre très compliqué. Avec en point d’orgue deux matchs. Le clásico contre l’América à la maison où à onze contre neuf pendant toute la deuxième période il s’est incliné 1-0. Et la réception de l’Atlético Nacional où le Deportivo Cali menait 3-0 avant de se faire rejoindre en quinze minutes. Rafael Dudamel n’a jamais réussi à faire décoller son équipe. Avant-dernier avec seulement trois victoires (contre Cortuluá, Pereira et Magdalena) le bilan est terrible. Les départs de Menosse et de Preciado ont plombé l’efficacité dans les deux surfaces. Même s’il a été bon en Libertadores, le jeune central Jorge Marsiglia est dans le dur tout comme José Caldera. Seul Teó sort la tête de l’eau et apporte un peu de danger devant. Les seuls rayons de soleil viendront donc de la Libertadores où le club va essayer de capitaliser sur la victoire initiale contre Boca pour essayer d’arracher une improbable place en huitièmes.

Pour l’América on l’a dit le cycle Osorio a été très compliqué et s’est surtout très mal terminé. Après le match incroyable sur la pelouse du Deportivo Cali, l’América a tout simplement sombré enchaînant trois défaites consécutives en championnat et une élimination en Sudamericana. Sur un fil toute cette année et très durement critiqué par son président, le départ de l’ancien sélectionneur a fait du bien à tout le monde. S’il a ses parts de responsabilité avec des choix parfois surprenants et sa difficulté à trouver un onze type pendant tout son cycle, le climat explosif a tué dans l’œuf toute possibilité de créer un véritable projet. Si le club escarlata n’a pas encore dit au revoir à la qualification, il n’y a plus de temps à perdre. Treizième à quatre points de la huitième place il faudra presque faire un sans-faute. À commencer par le match contre le Deportivo Cali de dimanche.

Si un clásico vallecaucano n’est jamais un match comme les autres, celui-là sera chargé d’émotions. Il doit (et va) unir une ville, un pays autour de Freddy Rincón. Supporter de Cali mais joueur emblématique de l’América, le colosse de Buenaventura sera veillé samedi après-midi par un peuple qui l’a tant aimé dans un stade qui l’a vu marquer tant de buts. Le matin, une cérémonie plus intime aura lieu au Pascual en présence de la famille mais aussi de ceux qui ont placé la Colombie sur la carte du monde. Pacho Maturana, El Pibe, Tino Asprilla, Jorge Luis Pinto, René Higuita, Leonel Álvarez, pour ne citer qu’eux, seront là pour lui rendre un ultime hommage largement mérité.

Pierre Gerbeaud
Pierre Gerbeaud
Rédacteur Colombie pour Lucarne Opposée